On vous le dit, on vous le redit, centrer le sujet c’est pas bien, règle des tiers, blablabla. Sauf que les règles de la composition ne sont pas si simples, et il arrive que centrer le sujet soit la seule solution, ou pire : la meilleure.
Avant toute chose, rappelons que le cadrage relève d’un choix personnel : il va s’agir de mettre en avant tel ou tel point de la scène. Selon nos choix, celle-ci sera perçue différemment. Une même scène peut donner des dizaines de bonnes photos avec des cadrages centrés, d’autres pas, des formats portraits, des carrés, etc.
Je liste ici quelques situations où centrer le sujet m’a paru opportun ; mais vous pouvez en trouver bien d’autres !
Petit préambule tout de même : quand on centre un sujet, on le fait bien, et pas à peu près, sous peine de donner un sentiment d’approximation qui gâcherait tout.
1- Renforcer la sérénité d’un lieu
Si utiliser la règle des tiers peut donner du dynamisme à une image, s’en passer peut permettre l’effet inverse : donner un sentiment de calme.
C’est une image que j’ai utilisé plusieurs fois sur ce blog pour illustrer d’autres articles, et je trouve qu’elle se prête bien à celui-ci, donc je la recycle un fois de plus ! C’est une pose longue, et mon but avec ce procédé était d’aplanir l’eau. Ainsi, il n’y a aucune action, aucun mouvement, juste quelques bateaux immobiles au fond. La composition va dans ce sens : le ponton est aspiré dans l’eau, il ne mène à rien, n’invite pas l’œil à sortir de la photo : tout est calme. On imagine le lieu comme étant silencieux, non ?
2- Utiliser les lignes de fuite
Si le point de fuite se trouve au centre de l’image, l’œil se plonge dedans. La perspective naît de l’impression d’infini. Sur l’exemple ci-dessous, le point de fuite est centré horizontalement mais pas verticalement : selon les situations, il faudra veiller aux proportions de l’image : ici, mettre le point de fuite au milieu m’aurait obligée à avoir beaucoup trop de route, et donc de vide.
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Ainsi, même avec un point de fuite centré, on retrouve tout de même parfois cette fichue règle des tiers, puisque les proportions 1/3 goudron et 2/3 ciel et grattes-ciels sont globalement respectées.
3- Jouer la géométrie
Cette image se voulait froide. Je voulais éviter toute dramatisation : on connaît tous l’histoire de la Bosnie. Ainsi, en utilisant l’ensemble des lignes qui composent le bâtiment, on permet à l’œil de se balader. L’escalier casse tout mouvement, toute perspective : on pourrait vouloir voir ce qu’il y a derrière, mais ils nous en empêche, laissant le spectateur regarder le sol et imaginer ce qu’il a pu se passer ici.
La géométrie peut aussi permettre de mettre un lieu à son avantage. C’est particulièrement vrai pour les bâtiments où l’on cherche à montrer la perfection dans la symétrie.
Le Taj Mahal est censé être un joyau architectural, monumental, et plein de finesse. Dans la mesure où toute sa conception est basée sur une parfaite géométrie, une composition axée sur la symétrie peut le mettre en valeur (même si ça demande de la rigueur, puisque le moindre décalage flinguera tout).
4- Capturer le regard
C’est un point qui se discute. Dans le cas où le modèle ne nous regarde pas, il sera généralement bien de laisser de l’espace devant ses yeux, mais lorsqu’il regarde fixement l’objectif, le centrer peut parfois marcher.
Première raison qui pousse au centrage : le turban. L’homme est Rajput, sa pilosité, ses bijoux et son turban sont des éléments importants, et il serait impensable de les couper.
Deuxième raison : l’arrière plan est pourri. Nous sommes dans un bus, à contre jour.
Au final, il se retrouve au centre un peu par défaut, mais je trouve que ça fonctionne car on ne voit que lui, dans tous les sens du terme. Son regard est assez captivant : on devine le demi-sourire, et puis il est beau, tout simplement.
Typiquement, c’est le genre d’image qui marche bien, voire mieux, en format carré : on recoupe les côtés qui ne servent à rien pour ne conserver que la partie centrale qui est intéressante. Le format carré obéit différemment aux règle de composition, et s’adapte parfaitement aux sujets centrés.
5- Le cas de la photo de groupe
C’est un cas particulier où, si l’on veut décentrer les modèles, il faut sacrément s’éloigner, surtout s’ils sont nombreux. Pire, les modèles n’auront pas forcément tous la même taille et il sera difficile de trouver la bonne hauteur pour les yeux. On va donc centrer le groupe, en veillant à laisser suffisamment de marge pour ne couper aucun front, et aucun menton.
22 commentaires
6 – Renforcer le caractère/la personnalité du sujet en le mettant au centre de son univers pour mieux raconter sa vie, ce qu’il ressent, sa solitude, ses joies ... ?
Exemple tiré d’une photo 1x 😉 :
(http://1x.com/photo/44146/all/popular-week/i039m-not-afraid)
Ce ne serait d’ailleurs pas toi au centre du sujet du jour de Ye Lili ? 😉
Belle interview !
Petite Question à toi Madame Oreille, Une question peut être Idiote mais je débute un peu.
Es que les deux dernières photos sont du HDR ?
Merci pour cet article =)
Finalement c’est sur le point 4 que ça me parle le moins, peut-être le côté trop direct avec le sujet ?
Chris : par exemple ! En l’occurrence ça met très bien en valeur le vide !
4 petits suisses dans un bol de riz : 😀 Merci à elle !
Viivii84 : il n’y a pas de questions idiotes et ça me fait toujours plaisir de répondre ! Mais, non, ce n’est pas du HDR, même si certains commentaires qualifient parfois mes photos de similiHDR !
Ye Lili : oui, je suis d’accord, c’est vraiment le genre de cas où ça peut être discuté. D’ailleurs, lorsque j’ai utilisé cette photo dans mon carnet, je l’ai passée en format carré... Mais je ne pense pas qu’elle aurait été mieux si j’avais décentré le modèle.
Merci pour cet article !
J’adore la photo au turban orange. Le regard de cet homme est magnifique, direct, chaleureux, troublant...
Marjorie : Merci. Je le trouve vraiment très beau également. Je n’arrive pas à lui donner un age, mais je suis sure qu’il ne doit pas être bien vieux, malgré les rides.
Oui, c’est difficile de le dire... Ou bien c’est quelqu’un d’un peu âgé mais qui a su rester jeune ? Car il y a quelque chose dans le regard que je trouve serein, presque sage... Ou bien, c’est le turban que j’associe direct au « sage de l’Inde » et qui contamine mon regard... Ah voilà le mot : Mystère!!!
Je crois que c’est le turban 😉 Il était avec deux autres hommes enturbannés, et ils semblaient tous avec cette petite étincelle ! (les 4 petits gamins l’ont aussi, d’après moi cette petite étincelle qui montre leur malice !). Et puis on associe tellement l’Inde a ce côté spirituel et mystérieux...
Le choix des photos est judicieux et je suis ... jalouse de cette magnifique photo de l’homme enturbanné... 🙂
NowMadNow
Merci pour tous ces conseils judicieux !
Merci bis, Aline 🙂 Si le rajput vous intéresse, il se trouve, avec ses deux collègues enturbannés, dans le carnet d’Inde, sur la page consacrée à Jaipur.
Chrys : merci, et bienvenue ici !
Merci beaucoup pour ce très bel article ! J’aime en particulier le fait que tu analyses tes photos en détail en nous expliquant tes sensations, tes doutes, tes idées derrière.
Je ne suis pas du tout dans la photo mais je prends un très grand soin quant au choix des clichés pour les articles de mon blog. Je pense qu’une photo bien choisie humanise le texte qui suit et donne plus de poids aux mots. 🙂
Jean-Philippe : hé bien merci, et sois également le bienvenu !
Je crois que réfléchir à ses propres photos, à ce qui fait qu’on aime telle image plutôt qu’une autre, est un bon moyen de progresser. Ça aide à trouver les points communs et à analyser un peu ce qui va, ou non, créer une émotion. Et je pense que dans ton cas (enfin, de ce dont j’ai l’impression en survolant ton blog à l’instant), il s’agit en plus d’illustrer des concepts relativement abstraits. La photo choisie peut alors donner un sens complètement différent à l’article, ou tout du moins à la manière dont on va le lire.
OUI!!!!!!!!!!!
La règle des tiers n’est pas une obligation, et tu l’illustres très bien !
🙂
Steakhachai : hé bien merci ! Je crois qu’il n’y a aucune obligation en photo, sinon celle de savoir justifier ses choix, et de les mettre en pratique correctement 🙂
madame Oreille, je dėcouvre à l instant votre blog et surtout vos photos.... merci ! je suis sur les fesses.
Pour le sujet au centre je suis complètement de votre avis, si le sujet est extra, centrer...pas centrer.....la photo sera extra.
J espère un jour faire des photos aussi belle que les vôtres !
Laurent_ma
Laurent_ma : bonjour et bienvenue ici !
Justement, je pense que le sujet se suffit à lui même pour une jolie photo, mais qu’on a tout intérêt à le mettre en valeur par une bonne composition si on veut une bonne photo. Cela marche aussi à l’inverse : un bon cadrage ne suffit pas, il faut un ensemble entre beaucoup de paramètres !
Excellent blog très didactique ! Merci.
Tu parle de l’organisation géométrique de la photo, notamment la différence entre le format carré et rectangulaire. Pour le format rectangulaire il me semble que tu choisi le ratio 3/2. Quels sont les avantages de ce ratio par rapport au 4/3 ? (Impressions papiers, géométries...).
Merci pour tes conseils
En effet, pour ce qui est de renforcer la sérénité, ça marche super bien. Ta photo en pose longue est top.
Celle de New York suggère tout le contraire, la lumière dynamique est très vivante.
Le portrait de l’homme au turban est très bien, un bel exemple de ce qu’on peut faire avec un sujet qui n’est pas sur un des points forts (référence à la règle des 3 tiers...)
Pour la question de la symétrie en générale je dirais que la difficulté, avec des clichés comme celui du Taj Mahal ou le premier, réside dans le fait qu’elle doit être parfaite. Sinon, ça rend tout de suite vraiment bizarre. (comme tu l’as mentionné)
C’est plus facile de placer son sujet approximativement aux trois tiers que de le centrer pile poil.
Parfois je centre un élèment et lorsque je vois la photo sur le PC, je me dis euh non beurk !
Pour moi, je vais encore plus loin : le sujet doit être centré. Les cas où le sujet peut se trouver décentré sont rares (sportif en plein action, animal prêtre à bondir...)
Je vois tellement de photos complètement déséquilibrées ou banales juste par ce que le photographe a cru bon de placer le sujet sur un point de force.
J’approfondis cette notion sur ce blog :
http://alainpre.free.fr/zoom/articles/regle-des-tiers/index.php