Sur l’article consacré aux couchers de soleil, je vous montrais une photo d’Écosse prise en pose longue. L’article d’aujourd’hui va donc évoquer cette technique, et surtout, ce qu’on peut en faire lorsqu’on voyage léger.
Commençons d’abord par une petite explication de ce que l’on considère comme pose longue.
Le terme est assez vague, et laissé à l’appréciation de chacun. En fait « longue » n’étant pas une durée très précise, cela va concerner toutes les photos où le temps de pose sera supérieur à la normale. La normale étant la durée requise pour une photo ni trop sombre, ni trop claire.
Prenons deux images en exemple :
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A gauche, c’est une photo de notre dernier week-end en bateau sur la Mayenne, et à droite c’est le Strip de Las Vegas. J’ai volontairement choisi deux photos qui pourraient être similaires, pour vous montrer à quel point la différence est ténue. A Las Vegas, la pose n’a pris qu’une dizaine de secondes, sur un muret. Pour la photo du bateau, j’ai utilisé un trépied et réglé le temps de pose à 30 secondes ; pourtant, je ne considère pas cette image comme une pose longue : la durée n’est justifiée que par le manque de lumière. En effet, les seules sources lumineuses étant les lampadaires du pont et l’intérieur du bateau, monter en ISO et ouvrir le diaphragme ne suffisait pas ; il a fallu compenser pour obtenir une exposition correcte. A l’inverse, à Las Vegas, je voulais jouer les ambiances urbaines et j’ai donc laissé volontairement ouvert assez longtemps pour obtenir quelques traînées (mais pas trop pour qu’elles ne se chevauchent pas).
Ainsi, la définition du terme « pose longue » est à géométrie variable. On peut avoir des poses longues de 2 secondes et des photos nécessitant des poses de 20 secondes qui n’en sont pas.
Idéalement, pour faire des poses longues, il faut un peu de matériel :
- Un trépied : le moindre tremblement se verra sur l’image finale. Il faut donc que l’appareil soit bien stable et ne bouge pas.
- Une télécommande : celle-ci va avoir deux vertus. On ne fera pas trembler l’appareil en déclenchant et on pourra utiliser le mode bulb. (exemple chez Canon)
- Un filtre ND : il se place devant l’objectif et vient limiter l’entrée de lumière. On peut donc ouvrir plus longtemps avant de surexposer l’image. Comme pour les polarisants, on choisi le filtre selon le diamètre de l’objectif. (exemple : un ND400)
Je vais reprendre ma photo d’Écosse et vous expliquer comment se sont déroulées les opérations.
En Écosse, je ne partais qu’une semaine, et j’avais embarqué le nécessaire pour les poses longues (on verra comment faire sans plus loin dans l’article). La première étape est de trouver un bon coin. La mer montait, j’avais des galets en avant plan, ça me paraissait un endroit intéressant. La mer bougeant beaucoup, cela donne cet aspect vaporeux en pose longue, ressemblant plus à de la brume qu’à de l’eau.
Il faut donc commencer par installer le trépied le mieux possible, pour qu’il ne bouge pas. Pour faire le cadrage, on peut se mettre en automatique et faire quelques essais. L’eau monte aussi vite que le soleil se couche : la pose longue ne laissera pas vraiment le temps de multiplier les prises.
Si l’appareil le permet (reportez-vous à sa notice), vous pouvez activer la réduction du bruit : en gros, plus la pose est longue, plus le capteur chauffe, plus il va y avoir des trucs moches. Ainsi, après une longue pose, l’appareil n’affichera pas directement la photo mais fera de savants calculs pour éliminer le bruit : il va reprendre une image de la même durée pour repérer les points problématiques et les effacer. Ainsi, ne flippez pas si après une minute de pose, votre appareil semble mort pendant une minute : il travaille !
Quand vous êtes satisfait de votre cadrage, vous pouvez visser le filtre ND. Il en existe de plus ou moins forts : ND4, 8, 16, 100, 400,... Plus le chiffre est élevé, moins le filtre laisse passer de lumière. Laissez tomber les plus faibles, ils servent surtout à obtenir de légères profondeurs de champs en studio mais ne permettent pas de réellement allonger le temps de pose en extérieur.
En théorie, une fois le filtre vissé, vous ne voyez plus rien dans le viseur. Là, certains réfléchissent longuement pour faire la mise au point et choisir les réglages parfaits. Personnellement, je préfère la méthode dite du « cochon » : je passe en mode « P » ou n’importe quel truc automatique, et je monte les ISOs pour voir quelque chose. Avec l’écran LCD, je fais ma mise au point manuellement (impossible d’utiliser l’autofocus avec un tel filtre). Ensuite, je passe en mode « M », je baisse les ISOs, et je réfléchis aux réglages.
Il va falloir fermer le diaphragme, le plus possible, pour laisser le moins de lumière passer, en sachant qu’on déconseille les valeurs extrêmes car elles dégradent l’image (en gros, on essaie de rester entre 8 et 16, mais c’est pas dramatique d’aller au delà non plus).
Deuxième paramètre à régler : le temps. Tournez la molette au maximum, vous allez normalement voir défiler les valeurs, 10sec, 20, 30, jusqu’à afficher « Bulb ». Bulb, ça veut dire que l’obturateur reste ouvert tant que le déclencheur est maintenu. C’est très utilisé pour le light painting, ou la photographie d’éclairs (pendant les orages). Le problème, c’est que laisser votre gros doigt sur le bouton va forcément faire bouger l’appareil. Et c’est là qu’intervient la télécommande ! Les modèles les plus simples, filaires, permettent de bloquer le bouton et de remettre ses mains dans ses poches en attendant.
Essayez de faire une estimation quant au temps de pose, regardez votre montre, et déclenchez. Si vous vous êtes planté, recommencez ! Si l’image est trop sombre, ouvrez plus longtemps, et si elle est trop claire, faites l’inverse. Pas la peine d’être précis à la seconde ; sur de telles durées, ça n’a pas une grande influence. Au bout de quelques essais, vous devriez obtenir un cliché bien exposé et original.
Mais, on fait comment quand on voyage léger ?
Hé bien on improvise ! Ça vaut le coup, car ça peut donner des photos originales.
Voici un des lieux les plus touristiques des alentours de Luang Prabang, au Laos. Comme nous traversions le pays sur trois semaines, je n’avais que peu de matériel, et j’ai dû m’en sortir avec les moyens du bord. En l’occurrence, il a fallu profiter de l’ombre et trouver un endroit où poser l’appareil. Rambardes, murets, feront souvent l’affaire, quitte à devoir redresser la photo plus tard. En plein jour, sans filtre ND, impossible d’allonger réellement la pose, mais en faisait plusieurs essais en mode « priorité à la vitesse » (celui où vous choisissez la durée, généralement « T ») j’ai réussi à avoir un résultat qui me satisfasse. L’eau semble plus claire et douce, ça en rajoute au petit côté paradisiaque.
En milieu urbain, la pose longue peut aussi être intéressante pour jouer avec les mouvements de foules. Ci dessous, deux exemples, à Londres et à Venise, là aussi dans les hauts-lieux touristiques !
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Du coup, je vous laisse deviner quelle utilisation on peut en faire dans les lieux bondés... Ce sera l’objet d’un prochain article, et ça me permettra de tester mon nouveau trépied au passage !
24 commentaires
Merci pour ce petit cours de photo accéléré 🙂
voila qui va me donner de l’occupation pendant les prochaines vacances. Je pars dans 2 semaines, et j’ai deja prevu d’emporter mon trepied pour faire des essais. Je vais noter la lecon du jour 🙂
Parfait liloulivi ! Tu pars où ? (je te l’ai peut-être déjà demandé, j’ai un doute)
Pierre, j’espère que ça te donne envie d’essayer !
Article technique qui va normalement me permettre d’utiliser un peu plus les capacités du matos ^^
Par contre, si tu pouvais sauter de temps en temps une ligne pour aérer les gros blocs de texte, quelques titres secondaires aideraient aussi 😉
Piotr : et tu veux pas des petits dessins aussi ? Je mets du gras, c’est déjà bien, oh ! 😉
(nan mais oui, c’est pas faux)
des petits dessins ? Oui avec plaisir et je veux même une vidéo pour comprendre... 😉 (et ce n est pas de l’ironie !)
Pour les titres et espacement, test et tu verras que ton texte respire 😀
Je peux faire des efforts sur les pattés, mais par contre les titres, ça va être difficile... Si d’autres lecteurs me le demandent, éventuellement...
Cela dit, si certains points nécessitent des éclaircissements, n’hésites pas, je répondrais à tes questions 🙂
beaucoup de lecteurs pensent probablement comme toi concernant le fond mais ne le disent pas ^^
test avec des sous titres qui marchent et voit leur reponse 😉
Je pars a Bali pour une semaine. Je devrais avoir quelques opportunites de chouettes photos (que je partagerai sur le blog si je parviens a un resultat correct!)
Piotr, les titres, je trouve ça vraiment trop scolaire, j’arrive pas... Même sur les blogs des autres, ça me bloque un peu. C’est bien quand il y a plusieurs parties dans l’article, mais sinon, bof. Mais bon....
Avis aux lecteurs, si vous trouvez que Piotr a raison, tapez 1, sinon tapez 2.
liloulivi : ah, oui, tu me l’avais dit (je m’en souviens parce que vous êtes plusieurs à partir là bas ce mois-ci ou le mois prochain !). Ce doit être assez photogénique, oui !
Salut Madame Oreille,
Pour éviter le tâtonnement, si vous savez compter ça peut servir !
Lors de vos tests de cadrage, faites une prise de vue test à la profondeur de champs désirée (mode priorité ouverture).
Notez la valeur de la vitesse.
Mettez votre filtre.
Prenez la valeur de la vitesse et multipliez-la par la valeur de votre filtre.
En théorie, les valeurs des filtres sont basées sur des puissances de 2,
parce que correspondant au nombre de f‑stops qu’ils permettent de gagner. Des petits malins ont cependant jugé bon de faire des filtres 400 au lieu de 512 (9 f‑stops).
Le tableau explicatif :
http://en.wikipedia.org/wiki/Neutral_density_filter#ND_filter_types
Le calcul précis d’un nombre approximatif :
http://www.fineart-photography.com/ff_fs.html
Attention tout de même, j’ai parfois l’impression que la dénomination du filtre ne reflète pas la valeur multiplicative. Au pire, faites quelques essais pour trouver celle qui vous convient, et mémorisez-la.
Au passage, vous pouvez aussi régler la mise au point avant de mettre le filtre puis passer en manuel pour figer le réglage...
Ou vous mettre en hyperfocale.
Super cet article que j’attendais 😀
Je connaissais déjà le principe mais ça fait toujours du bien de relire des textes qui en parle.
Une technique que j’adore =)
Et je tape 2 :p Mais c’est vrai que des dessins serai sympa :p
Super intéressant, comme d’hab, merci 🙂
Et je te redis : j’adore la photo d’Ecosse... D’ailleurs : à quand une expo???
Lex ! : Sois la bienvenue ici !
Merci pour le complément ! Cela dit une fois qu’on a prise une ou deux photos avec cette technique, j’ai l’impression qu’on arrive facilement à « prédire » la bonne durée, non ? Enfin, mes approximations sont rarement très éloignées. Mais un calcul rapide peut effectivement faire gagner du temps, surtout avec des poses vraiment longues !
Pour la mise au point, par contre, je préfère quand même la faire après, vu qu’on peut bouger le truc en mettant le filtre. Cela dit, en paysage, avec une petite ouverture, on a moins de chances de se louper.
Viivii84 : ah, merci pour le 2 😉
Si tu as des astuces, n’hésites pas à completter l’article, toi aussi !
Ye Lili : 🙂 Pour l’expo, euh... Franchement, je n’ai pas la motivation pour aller supplier tous les bars de Paris 😉
Oreillie, il pèse à peu près combien de kg ton nouveau trépied ? Je galère comme un ouf pour faire mes poses longues avec mon gorillapod et j’aimerais bien le changer ...
Ah pour une fois, on peut dire que j’adore tes photos et là dessus, ON a les mêmes goûts ! 🙂
Il y a des contextes d’utilisation auxquels je n’avais pas pensés comme les mouvements de foules.
Une question, le mode « BULB » est seulement utilisable avec une télécommande ?
Chris : je viens d’aller le poser sur la balance de la cuisine : le trépied fait 2kg, et la tête 650g. Je ne sais pas si c’est un bon choix pour un voyage longue durée, mais vu que tu tiens à la qualité de tes photos, ça peut être un compromis à faire...
Matheew : héhé ! Alors, bulb est utilisable sans télécommande, mais ça veut dire laisser ton doigt dessus... c’est pas archi pratique !
quel plaisir voilà un article clair, complet et qui donne envie d’essayer car jusqu’à maintenant je n’arrivais pas à grand chose de bien – bonne méthode – allez, au boulot !
le mode « bulb » je l’ai aussi sur mon Nikon
pour la télécommande je suis obligée après chaque utilisation de la réinintialiser... c normal ?
bref
merci pour tout ces bons conseils
Lyse : merci 🙂 Par contre, je ne comprends pas ce qu’il se passe avec la télécommande ? C’est une infrarouge ? Ou un modèle avec intervallomètre ?
intervallomètre ?
non c une télécommande toute simple, infrarouge, pas filaire – genre recommandée par Nikon !
Alors, là, je sèche ! C’est étrange. En théorie, avec ce genre de télécommande, c’est un appui pour ouvrir, un appui pour fermer, et c’est tout...
ok, j’ai repris la télécommande et Nikon et j’ai pu faire ce que je voulais... sans doute un petit pb avec l’ancien appareil !
bon dimanche
Bizarre... Enfin, l’important c’est que ça marche :
Bonjour, j’ai lu en détail votre article puisque la pose longue m’intringue beaucoup malheureusement après l’avoir lu de nombreuses fois je n’ai pas vraiment compris... (je vais vous poser des questions en me basant sur mon appareil c’est un Olympus stylus 1).
Donc je prend mon appareil je le met sur un trépieds (sur une façade dur parce que je n’ai pas encore de trépied) ensuite je met le filtre (il y’en a un intégré dans mon appareil photo) ensuite vous dites que vous monter les isos en P met qu’ensuite vous les rebaissé en M... Je ne comprends pas cette étape?. Je passe mon diaphragme en 8 d’accord, et la c’est la que je suis largué vous parlez de temps, de tourner la molette (laquelle?) Je crois comprendre que vous parlez du temps du déclencheur ? Si oui le mien se déclenche maximum à 12 secondes. Si vous ne parlez pas de ça je ne sais pas du tout de quoi vous parlez ahah.
Je suis désolé d’avance pour toute mes questions de débutantes et pour le fait de poster 7 ans après ce post...
Bonne soirée,
Marine