Je ne sais pas comment vous raconter notre voyage au Mali. La version chronologique n’est certainement pas la meilleure, tant il n’y a pas de logique dans notre itinéraire. Nous sommes, par exemple, allés trois fois à Bamako et trois fois à Ségou, mais je ne vais pas faire trois articles par ville. Alors mon récit va être un peu en vrac, bourré d’ellipses, et avec autant de retours en arrière... Mais finalement, connaître l’ordre des événements n’a peut-être pas une grande importance.
C’est le samedi matin que nous entamons nos sacs (pour partir le jour-même, évidemment). Ce n’est pas un détail anodin, c’est ce qui va expliquer que nous oubliions trois choses essentielles : notre lampe de poche à dynamo, du papier toilette, et notre Opinel. Pendant trois semaines, nous nous éclairerons au téléphone portable. Oh, on essaiera bien d’acheter une des lampes chinoises qu’on trouve au Mali, mais elle ne s’allumera que trois fois... Or, si on a souvent eu une ampoule dans nos hébergements, les toilettes sont toujours à l’extérieur sans éclairage. Ce qui m’amène directement au deuxième oubli : le papier toilette. Le Belge a provoqué l’hilarité en essayant d’expliquer le concept à quelques commerçants (les locaux utilisent leurs doigts et un peu d’eau...). Heureusement, nous avons pu en piquer dans le seul vrai hôtel où nous avons séjourné ! Ouf !
Mais ils font comment les maliens, au juste ? Hé bien, ils utilisent ça :
Oui, c’est une bouilloire. Elle est en plastique, impossible de faire bouillir de l’eau avec. Ce pourrait être le symbole du Mali. On en trouve partout, et surtout autour des « salles de bain ». On la remplit d’eau, et elle sert aussi bien pour les mains avant le repas, les pieds avant la prière, ou pour se rincer aux toilettes...
Quant aux toilettes, il s’agit généralement de quatre murs avec un trou donnant sur une fosse (et des blattes nocturnes de 5cm), un peu à l’écart de la maison. Pas besoin de détails scabreux, disons juste qu’on peut y croiser quelques insectes (une fois, j’ai cru que c’était en ébullition... avant de réaliser qu’il s’agissait de centaines d’asticots !). On fait également la toilette dans cette « pièce » : un petit pot et un seau d’eau ! L’astuce consiste à se laver de jour, quand il fait encore chaud, voire à laisser le seau dix minutes en plein soleil !
Mais revenons à Paris, le jour de notre départ. Nous arrivons à l’aéroport avec l’avance raisonnable dans ces situations, mais découvrons une queue monstrueuse. On comprend rapidement : l’avion est tellement plein qu’on nous offre même de l’argent pour retarder notre départ (ce sera pareil au retour, 150€ chacun si on accepte de partir le lendemain et d’être logés aux frais de la compagnie !), mais on préfère partir. Nous voilà au milieu des expatriés qui vont voir la famille, et rentrent avec « quelques cadeaux ». Chacun a un chariot avec des bagages énormes. C’est en partie à cause de ça que nous mettrons plus de deux heures, à l’arrivée au Mali, pour récupérer nos deux pauvres sacs parmi les centaines de bagages posés manuellement, un par un, sur l’unique tapis de l’aéroport de Bamako. Des télés gigantesques, des robots de cuisine, des cabas pleins à craquer...
Il fait nuit. Moustapha, l’hôte local de La Case à Voyage nous attend dehors depuis 4h. Nous rejoignons la vieille Peugeot qui va nous emmener à Lafiabougou, le quartier où nous séjournerons. Le capot est ouvert, le véhicule semble bien mal en point et grince de partout pendant le trajet, mais nous arrivons à bon port. Le temps de faire un peu connaissance avec ce vieux célibataire et nous nous couchons.
Il faudra attendre le lendemain pour découvrir un peu ce qui nous entoure. Et grâce aux efforts conjugués de l’imam et du coq, nous serons debout très tôt !
Moustapha est célibataire (il a quelques enfants éparpillés sur le globe...) mais habite avec une famille. Chacun a sa chambre, fermée, qui donne sur la cour. Il est ainsi très agréable de s’asseoir pour regarder ce qu’il se passe. Les femmes de la maison essaient de m’apprendre quelques mots de bambara, et rigolent quand je prononce mal. La grand-mère héberge notamment sa fille et la dizaine d’enfants qui va avec. C’est ainsi que je rencontre Awa et Ma, dont je vous ai déjà parlé.
Malheureusement, nous consacrons presque entièrement nos deux premiers jours à ces fichus soucis de carte bleue. On aura quand même le temps de se rendre sur une petite île perdue au milieu du Niger. Moustapha et un ami à lui nous y amènent en moto. Quelques sifflets et mouvements de bras plus tard, nous grimpons dans une petite embarcation qui tangue tellement qu’elle semble prête à se renverser au moindre mouvement. Nous essayons de rester immobile, bien droits, au milieu, et restons au sec jusqu’à l’arrivée !
L’île est mignonne, un peu à l’écart. Le deal pour y accéder est simple : on doit acheter des bonbons sur place et les distribuer à tout le monde, enfants comme adultes. Ce n’est pas le genre de chose que nous aimons, forcément, mais en y réfléchissant, nous concluons que c’est plus de l’ordre de la taxe de passage que de la réelle distribution, puisqu’on les prend dans l’unique boutique locale, et qu’on fait donc vivre ce commerce.
En effet, les guides gagnent de l’argent mais pas les villageois, et il faut bien compenser le flot de touristes.
Les papiers jetés à terre, que ça soit par les enfants, les adultes, ou même Moustapha, nous font mal au cœur. Comme en Inde, tous les déchets sont mis au sol et parfois balayés plus loin, lorsqu’il s’agit de la cour. Avant l’arrivée du plastique, c’était un bon système : il y a partout des animaux pour venir manger les épluchures. Mais avec le plastique, c’est dramatique. Les rives du Niger sont jonchées de déchets... Le Burkina Faso, pays voisin, a d’ailleurs interdit les sacs plastiques, et il est question que le Mali fasse de même prochainement.
Nous donnons les bonbons, un peu gênés même si tout se passe bien, et je sors rapidement la Pogo, qui étonne et ravit les femmes du coin. Ce petit cadeau, guère plus cher qu’une sucette, m’a semblé bien plus apprécié !


20 commentaires
Ah ! J’attendais le début de ce récit avec impatience, et je ne suis pas déçu !
Merci de partager ces moments et ces belles images avec nous ! 🙂
C’a l’air sympa, ce système d’hébergement « chez l’habitant ». Je n’y aurais pas pensé pour l’Afrique, mais en fait ça doit être un des meilleurs endroits où le pratiquer, pour cotoyer ces populations accueillantes mais inaccessibles depuis les « enclos pour blancs » que sont les hôtels et autres résidences...
Vite ! la suite ! 😀
Merci pour ce premier article !
vivement la suite (oui, je sais, ca se voit que ce n’est pas moi qui écrit...)
Je l’attendais avec impatience moi aussi. Bravo pour l’article et les images ramenées.
Je n’irai jamais en Afrique (c’était pourtant un rêve de gamin). Alors merci de partager ton voyage avec nous.
Cool comme histoire. Je comprends pourquoi tu veux pas faire cela de manière chronologique.
Perso j’aurais prit l’argent pour tout retarder (ça vous aurait permis de prendre ce qu’il vous manquait :P)
voila qui donne un peu plus envie de voyager que les précédents message postés depuis le mali ...
Vivement la suite ...
Ha ha ! Vraiment, les 3 choses qu’il ne fallait pas oublier, vous les avez oubliées...
J’aime beucoup ta photo du gosse couché sur la moto !
Ouahou la dame avec le turban bleu en bas à gauche est magnifique... et comme je comprends ton pincement au coeur pour les papiers, difficile de ne rien faire sans pour autant entrer dans la case « qui apprend la vie » aux locaux...
Minami‑o : je crois aussi que c’est un excellent endroit pour faire de l’hébergement chez l’habitant, ne serait-ce que parce que nous avons une langue en commun ! Il y a un réel échange, et les gens sont heureux de nous faire découvrir leur vie. Nous avons, à contre cœur, séjourné dans un hôtel à Mopti, et même s’il était très bien, c’est nettement moins agréable... Et puis, on se serait ennuyé sans l’animation de la famille !
Tewoz : j’essaie d’écrire tant que c’est frais ! La suite demain 😉
Jims34 : C’est indiscret de te demander pour quelle raison tu penses ne jamais y aller ?
Adil : sur le moment, nous ne savions pas que nous avions oublié quelque chose ! Et puis, Moustapha était prévenu de notre arrivée...
Et accessoirement, ça nous aurait juste flingué la journée du dimanche, et ça vaut pas 300€ !
Pyrros : les précédents messages étaient un peu des défouloirs, j’avoue ! Mais pas très représentatifs de notre voyages, heureusement !
Estelle : il ne nous avait pas vu au début, et faisait l’idiot sur la moto trop grande pour lui... Comment ne pas aller le photographier !
(du coup, en rentrant, je suis allée chercher des lampes frontales à décathlon, pour la prochaine fois !)
Curieuse Voyageuse : La dame, c’est le tout premier portrait que j’ai fait au Mali. Elle était tellement chou quand je lui ai donné son petit tirage... Le moitié des gens ne comprenaient d’ailleurs pas que c’était pour eux, et qu’il ne fallait pas me le rendre !
Quant aux papiers, impossible de dire quoi que ce soit, on s’est contenté de garder les nôtres dans nos poches. Mais rah, que ça fait mal de voir les rives du Niger, ou les abords de certains villages, ainsi couverts de déchets...
Pour raisons de santé. Je suis handicapé. Mon toubib, une fois que j’avais évoqué un voyage en Afrique ou en Inde me l’avait déconseillé. Alors c’est plutôt dans l’hémisphère nord que je voyage de temps en temps.
Je ne veux pas plomber l’ambiance ! J’attends la suite avec beaucoup d’impatience !
Jims34 : tu ne plombes pas l’ambiance, c’est même un sujet très intéressant. Je ne sais pas quel est ton handicap, mais je sais que c’est déjà compliqué en France, et forcément pire dans des pays où il n’y a aucune infrastructure. Pour autant, avec un fauteuil, par exemple, j’aurais envie de croire que ça n’est pas totalement inenvisageable, en préparant un peu le voyage. Il faudrait avoir un fauteuil qui ne se bloque pas sur des chemins de terre pas très plats, et probablement passer par un chauffeur pour les trajets entre les villes. Mais les maisons à étages sont assez rares, et les villes sont plates. On trouve juste quelques surélevements pour les pluies, mais généralement il y a une « pente ». Et puis, au Mali, les gentils sont d’une extrême gentillesse. Dépendre d’eux pour bouger sera agaçant, je le conçois, mais ils ne te laisseront jamais sur le carreau. Bref, à moins d’avoir besoin d’un contrôle médical constant, je suis sûre qu’un voyage en Afrique de l’Ouest est organisable ! (après tout, des handicapés, il y en a là-bas aussi, et ils travaillent, se déplacent...)
Ça me tenterait bien, c’est sur... Je suis hémiplégique, je marche, de plus en plus difficilement, je suis pas en fauteuil donc. C’est sur, qu’un voyage en Afrique est envisageable, en prenant quelques risques. Je suis aussi fragile du cœur et c’est surtout ça qui serait dangereux.
Je viens de lire ton 2eme épisode et je me suis régalé de tes textes et de tes photos. J’attends la suite...
Super, un premier article, que dis-je 2 articles !
Sympa celui là avec ces anecdotes sur la vie quotidienne...et les photos sont top...y’a même un studio portable pour la photo de la bouilloire !
Jims34 : je ne vais pas te pousser à prendre des risques, mais tu devrais demander l’avis d’un autre médecin, idéalement un de ceux qui travaillent dans des endroits comme l’institut Pasteur et connaissent bien les risques de chaque continent. Certains médecins ont tendance à être hyper frileux pour tout et n’importe quoi, et, sans être inconscient non plus, recouper quelques infos peut être utile. Enfin... 🙂
Prochain épisode : mercredi, Ségou !
Donlope : oui, quelle magnifique photo de bouilloire 😉
En voyant tes photos je ne peux m’empêcher d’avoir la chanson « un dimanche à Bamako » en tête. Je comprends maintenant la douceur, la légèreté qui se reflète dans la chanson !
[...] Mali épisode 1 : découvrir Bamako : Madame Oreille nous propose de découvrir son voyage au Mali au cours de plusieurs sujets dont certains sont encore en cours de rédaction. De nombreuse photos agrémentent les récits. [...]
Moralité de l’histoire, il me faut une pogo ! ;D
Un grand classique l’avion avec les gens qui vont voir leurs familles et qui partent avec 56 valises remplies à ras-bord !
Je ne sais pas si tu as également remarqué mais en général ils sont très bien habillés pour prendre l’avion contrairement aux occidentaux qui ont l’air de ploucs :p
Pour la pollution sur les rives du Niger, on ne peut pas dire que les africains soient portés sur l’écologie, ce n’est pas rentré dans les moeurs. Je crois que le pire que j’ai du voir en Afrique de l’Ouest c’était à Lomé, des rues pleines de déchets !
Très chouettes les portraits des deux petites.
Sinon, je crois qu’il y aurait un livre à faire sur toutes les anecdotes autour des toilettes en voyages. Les pratiques locales, les façons de faire et toutes les aventures qui peuvent découler d’une simple envie d’aller faire pipi...
Bamako, j’y ai séjourné quelques jours. Ma première approche du Mali, en arrivant de Korogho (Côte d’ivore), que nous avions quitté à regret. Nous étions un peu malade (un glaçon dans une boisson en était la cause). Arrivées de nuit, compliqué de trouver un hôtel digne de ce nom... Nous en avons croisé plusieurs, peu fréquentables (chambres louées à l’heure, pas d’eau, ou pas d’électricité), finalement, nous nous sommes rabattues sur un hôtel plus cher et luxueux, la fatigue a eu raison de nous, et nous ne restions que deux nuits, avant de partir pour Ségou.
Première approche du Mali compliquée, c’est peut-être pour ça que j’ai moins aimé Bamako. Oppressée par la ville, embêtée par des histoires de retraits d’argent, pas des guides qui ne cessaient de nous proposer divers services... et aussi, gros souvenir de chaleur, sur un marché bondé. Seule la soirée au bord du fleuve reste un bon souvenir, mais malgré tout, j’ai très envie d’y retourner, explorer plus longuement...
Les toilettes et la douche dans le même genre d’endroits que celui que tu décris, j’ai fait aussi, mais plus tard, à Ségou. On se lave très vite, dans ces endroits là....
Je suis Franco Malienne, expatriée depuis peu au Cameroun (après 15 ans de vie parisienne ). Je trouve vos conditions de vie à Bamako très difficile, Surtout que Lafiabougou est très bruyant comme quartier. J’essaye de voyager aussi en Afrique chez l’habitant quand je peux. Il vaut mieux viser des classes moyennes ou jeunes couples pour avoir le juste milieu en terme de confort (on peut être très vite déçu !). Contente de vous lire, je vais rattraper les autres articles rapidement. Courage
Kadija