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Morbihan en famille

par Madame Oreille
Il fait 48°C res­sen­ti 78, taux d’hu­mi­di­té 124%, et je longe une route sans trot­toir pour faire le tour d’un champ de cailloux pro­té­gé par un grillage. Parce que qui ne vou­drait pas se fau­fi­ler au milieu des ronces et des ajoncs pour voler un caillou d’une demi tonne ?
Com­ment je me suis retrou­vée là ?
Lais­sez moi remon­ter le temps.

Nous sommes en 2014, je viens d’ac­cou­cher d’une petite fille. Je vais faire plein d’er­reurs en tant que maman, et notam­ment celle de ten­ter de ne pas lui com­mu­ni­quer mes peurs. Je n’aime ni les ser­pents, ni les chiens, ni l’eau. Enfin, c’est plus com­pli­qué : j’aime nager, mais je ne mets jamais la tête sous l’eau. Je suis téta­ni­sée à l’i­dée de ne plus pou­voir res­pi­rer. Un vieux trau­ma de cours de natation.

Mais reve­nons-en à nos mou­tons. Ou plu­tôt à nos chiens et à nos ser­pents. Très tôt, ma fille a mani­fes­té un inté­rêt pour les ser­pents. Trou­vant un bébé cou­leuvre dans le jar­din de mes parents, essayant d’al­ler cares­ser des pythons à Mada­gas­car ou ramas­sant un ser­pent dans le Ver­cors comme s’il s’a­gis­sait d’une peluche. Je l’ai donc natu­rel­le­ment encou­ra­gée, his­toire qu’elle ne déve­loppe aucune peur, mère incons­ciente que je suis. Et je me suis retrou­vée avec des stages « décou­verte des rep­tiles », des livres dont je n’ose pas regar­der la cou­ver­ture, et une longue phase « je veux être her­pé­to­logue, on peut adop­ter un ser­pent, je m’en occu­pe­rai ». (Non.)

J’ai aus­si assez peur des chiens. Pour­quoi ? C’est impré­vi­sible, ça aboie, ça mord, et sur­tout ça court der­rière les vélos. Mais comme je sais qu’ils sentent la peur, là encore, j’ai pris sur moi. Et je me retrouve avec une petite fille qui connaît tous les chiens du quar­tier parce qu’elle les a tous déjà cares­sés. Et puis c’est gros, mieux c’est. Oh, et il te saute des­sus pour te lécher le visage, c’est mer­veilleux et pas du tout dégoû­tant. (Non, on n’au­ra pas non plus de chien.)

Et là, vous voyez le truc arri­ver : bien sûr qu’elle est deve­nue hyper à l’aise dans l’eau. Elle fai­sait du snor­ke­ling sous l’eau avant de savoir nager, pen­dant que je me tenais à la bouée. C’est comme ça que je l’ai ins­crite dans un club de plon­gée pour ses 8 ans.

Et quel rap­port avec notre champ de cailloux ? Eh bien quand on habite en région pari­sienne, on plonge en pis­cine et en fosse toute l’an­née. Il faut donc ensuite aller faire des sor­ties en mer... C’est ain­si que « spot de plon­gée » est deve­nu mon cri­tère de choix pour les vacances. Et après Port-Cros au prin­temps, j’ai opté pour le Mor­bi­han en été (ouais, autre cri­tère : non, la côte d’A­zur en août c’est pas pos­sible. Il fait chaud, y’a trop de monde, et on risque de tom­ber sur Macron ou Hanou­na). Et puis j’ai­mais bien l’i­dée qu’elle plonge dans dif­fé­rents lieux, pour voir des faunes variées. (Je ne dis pas pois­sons, parce que son trucs c’est les spi­ro­graphes et les asci­dies) (moi non plus je ne sais pas ce que c’est, rap­port au fait que je reste au bord à espé­rer qu’elle ait assez d’air dans sa bouteille).

Voi­là com­ment on s’est retrou­vées sur la plage de Car­nac. Et si, comme moi, vous ne connais­siez Car­nac que pour ses men­hirs, vous sau­rez main­te­nant qu’il y a des plages. Et qu’à quelques dizaines de mètres du port, le long des bandes rocheuses, se cache une faune extrê­me­ment riche.

Auray

Retour à l’é­té 2024. J’ai choi­si d’é­ta­blir le camp de base à Auray, petit vil­lage du Mor­bi­han.
Cri­tères rete­nus : ma pin­gre­rie, la situa­tion idéale pour rayon­ner sur tout le nord du golfe du Mor­bi­han, et la mignon­ne­rie du vil­lage. Oui, on aime quand c’est pit­to­resque, bien sûr. Sinon on irait à La Baule ou en Vendée.

Auray

Fun fact : il y a 8 librai­ries pour 14 222 habi­tants à Auray, soit une librai­rie pour 1777 habi­tants. Dans ma ville de ban­lieue pari­sienne, c’est une librai­rie pour 16 724 habi­tants, soit pra­ti­que­ment 10 fois moins qu’à Auray. (Est-ce parce que la mai­rie d’Au­ray est éco­lo et que les gens de gauche sont plus culti­vés que les fans de Pécresse ?)

Auray
Auray

Bref, on a beau­coup aimé Auray. Pour le petit port mignon, bien sûr, mais aus­si pour le reste de la ville, jolie et sur­tout, vivante, avec ses concerts, son bourg com­mer­çant, son mar­ché. Bref, une petite ville qui existe aus­si en hiver quand les tou­ristes ont ran­gé leurs mari­nières. Et si vous deman­dez son avis à Petite Oreille, elle vous dira, du haut de ses neuf-ans-bien­tôt-dix, qu’il y a deux choses à rete­nir d’Au­ray : les bons gla­ciers, et les côtes. Et en effet, pour explo­rer un peu le bourg, il faut se perdre dans des dédales de ruelles aux déni­ve­lés sym­pa­thiques. Et ça monte, et ça monte. Et ça des­cend, atten­tion, et ça remonte. Et peu comme la Foire du Trône, mais sans les musiques horribles.

Première escale : Quiberon

Il ne fai­sait pas trop moche. Alors on a déci­dé d’ex­plo­rer Qui­be­ron. J’a­vais noté quelques spots qui sem­blaient jolis, sur la côte ouest de la pres­qu’île, la « côte sau­vage ». Sur la carte, la côte Est, don­nant sur le Golfe du Mor­bi­han, urba­ni­sée et bal­néa­ri­sée, me sem­blait bien moins atti­rante, et l’heure consa­crée à aller de crê­pe­rie en crê­pe­rie pour trou­ver un endroit où man­ger (parce que les Bre­tons mangent tôt et ferment à 13h) et finir dans une échoppe qui fait du take-away sur la plage (on a man­gé sous le cra­chin mais la dame était gen­tille, c’é­tait bon, même le koui­gn-amann, et pas cher) m’a confir­mée que Qui­be­ron n’a­vait d’in­té­rêt que loin des habi­ta­tions. Là où les vagues battent les falaises et où on peut écrire de grandes envo­lées lyriques sur la beau­té de la nature et la puis­sance des élé­ments. Là où Céline Sciam­ma a tour­né son Por­trait de la jeune fille en feu, aus­si. On a bien retrou­vé quelques cailloux aper­çus dans le film.

Deuxième escale : Carnac

Il y a encore quelques mois j’i­gno­rais qu’il y avait une plage à Car­nac. Et c’est sur place que j’ai décou­vert que c’est même une grosse ville bal­néaire, avec ses bou­tiques qui vendent des robes et des cha­peaux comme s’il ne pleu­vait pas 352 jours par an. Notez qu’on était jus­te­ment là 2 des 13 jours sans pluie, et que j’ai dû mettre de la Bia­fine sur quelques trous oubliés par la crème solaire.
À Car­nac, l’am­biance est au ber­mu­da sau­mon, éven­tuel­le­ment blanc, et au polo Ralph Lau­ren avec col remon­té. C’est uni­sexe. À por­ter pour aller ache­ter une baguette tra­di­tion, pour dépo­ser Auguste, Domi­tille et Gas­pard au cours de voile ou pour rejoindre Mamie sur la plage. Mamie passe d’ailleurs 6 mois de l’an­née ici, elle y a toutes ses copines. En décembre, elles se donnent ren­dez-vous place Gras­lin, en juin sur la plage Légenese.

Petite Oreille explore les fonds marins, trouve enfin les spi­ro­graphes qu’elle vou­lait tant voir. Elle est ravie. Depuis le port, dif­fi­cile d’i­ma­gi­ner la richesse de la faune obser­vable sous l’eau, à quelques mètres de là.

Pho­tos d’un spi­ro­graphe par Petite Oreille lors d’une de ses plongées.

Main­te­nant, vous savez à quoi res­semble un spi­ro­graphe, qui n’est donc pas un jeu des années 60 mais un ver anné­lide tubi­cole (bonne chance pour le pla­cer dans une conver­sa­tion, si vous espé­rez briller en socié­té avec ça).

Les mégalithes

Quitte à pas­ser du temps à Car­nac, nous fai­sons quelques tours et détours pour obser­ver les fameux alignements.

Ins­tant vocabulaire :

Les men­hirs, cairns, dol­mens et autres tumu­lus sont des méga­lithes. Méga­lithes, c’st le mot fourre-tout qui regroupe tout ce qui est gros, vieux, et en pierre. Les Moaïs de l’île de Pacques sont des méga­lithes. Gunung Padang est un site méga­li­thique. Sto­ne­henge aus­si. En fait, c’est un mot pra­tique pour ne pas mon­trer qu’on confond tumu­lus et cairns, il suf­fit de dire méga­lithe pour tout.

Voya­geant avec une enfant de 9 ans qui aime, certes, ramas­ser tous les cailloux de la cour de récréa­tion pour les rame­ner à la mai­son mais pour­rait être sus­cep­tible de se las­ser au 157ème men­hir, j’ai eu la mau­vaise idée de pen­ser com­men­cer par le plus gros site : les ali­gne­ments du Ménec. Sur le papier, il s’a­git de cen­taines de men­hirs ali­gnés. Sur les pho­tos, ça a de quoi impres­sion­ner et ques­tion­ner.
On déchante rapi­de­ment. Le site est entiè­re­ment grilla­gé. Nous mar­chons entre le grillage et la route pour regar­der. Au milieu, le site est car­ré­ment cou­pé en deux par une autre route : exit les men­hirs, place aux voi­tures. Le sen­tier se pour­suit sur des caille­bo­tis. Ce pour­rait être agréable mais rien de va. Le grillage s’ar­rête par moment, pour lais­ser un men­hir dépas­ser. Un autre men­hir est même au milieu des caille­bot­tis. On se demande alors pour­quoi mettre un grillage, si tous ne sont pas pro­té­gés ? Quant à l’in­té­rieur, c’est une véri­table friche. Cer­tains men­hirs sont com­plé­te­ment recou­verts par la végé­ta­tion, prin­ci­pa­le­ment les ronces et des ajoncs. Face à nous, une hor­rible « mai­son des méga­lithes » ultra moderne gâche tout le pay­sage au lieu de se fondre dedans. Elle aurait pu être posi­tion­née sur l’une des extré­mi­tés des ali­gne­ments pour per­ce­voir les « lignes » de men­hirs, mais non, il faut se fau­fi­ler entre les voi­tures d’un par­king de res­tau­rant. On ter­mine le tour en lon­geant une route sans trot­toir ni pro­tec­tion, en se deman­dant com­ment il est pos­sible d’a­mé­na­ger aus­si mal l’un des prin­ci­paux sites tou­ris­tiques du coin.

Nous avons donc pas­sé les jours sui­vant à explo­rer d’autres sites méga­li­thiques du Mor­bi­han. D’autres ali­gne­ments, des dol­mens, des cairns. Et parce que je trouve qu’il est bien plus agréable de pou­voir mar­cher libre­ment autour de ces lieux que de les regar­der der­rière un grillage, je ne vais pas en don­ner les loca­li­sa­tions. J’ai envie de croire que vous, lec­teurs, êtes des gens res­pec­tueux. Mais je sais aus­si que ces hor­ribles grillages sont appa­rus parce qu’il y avait des dégra­da­tions, et je n’ai pas envie d’y contri­buer, de quelque manière que ce soit. Tâchons de pré­ser­ver ce patrimoine.

Troisième escale : l’Île Berder

Cette île a‑t-elle un inté­rêt archi­tec­tu­ral, pay­sa­ger ou patri­mo­nial par­ti­cu­lier ? Non. Mais on la visite pour une rai­son par­ti­cu­lière : elle est acces­sible à pied à marée basse, et ça, c’est amu­sant. Une petite chaus­sée per­met de tra­ver­ser les 80m qui séparent l’île de la côte, mais à mar­rée haute, elle est com­plé­te­ment sous l’eau.
Nous arri­vons alors que la mer com­mence à recu­ler. La chaus­sée est encore humide. Les horaires des marées sont affi­chés devant le passage.

Tout indi­vi­du qui se retrou­ve­rait sur l’île alors que le pas­sage est immer­gé serait condam­né à attendre quelques heures. N’es­pé­rez pas tra­ver­ser à la nage, par contre : le cou­rant est bien trop impor­tant (l’un des plus forts cou­rant d’Eu­rope borde l’île), ren­for­cé par l’é­troi­tesse du pas­sage.
Quant aux pom­piers, « ils ne déplacent plus », raconte une habi­tante face à nos visages médu­sés d’ap­prendre que cer­tains ont pu appe­ler les pom­piers pour ce genre de raisons.

On a fait le tour de l’île un peu au pas de charge, en regar­dant la montre alors que nous avions lar­ge­ment le temps. Mais l’i­dée de res­ter coin­cée ne me réjouis­sait guère !

Quatrième escale : l’Île-aux-moines

Ici, impos­sible de res­ter coin­cées. Enfin, si, nous aurions pu lou­per le der­nier bateau retour. Mais en cette période esti­vale, les navettes sont fré­quentes et les horaires s’é­tendent tard le soir. En tout cas, suf­fi­sam­ment tard pour que nous ayons le temps de pro­fi­ter, sans trop regar­der la montre. 

Comme tous les tou­ristes, on a pris le bateau le matin. Comme tous les tou­ristes, on a ensuite lon­gé le quai pour trou­ver un loueur de vélos. Des vélos un peu lourds, pas très entre­te­nus, qui grincent et qui couinent. Des vélos un peu chers que tout le monde va louer, parce que c’est le meilleur moyen d’ex­plo­rer l’île. Qua­si­ment pas de voi­tures, quelques mon­tées mais rien d’insurmontable. 

Nous avons donc d’a­bord péda­lé à l’est toute, puis vers l’ex­trême sud, en sui­vant un code cou­leur, à la manière des lignes de Nantes ou de Poi­tiers. Quelques arrêts pour un men­hir par-ci, un dol­men par-là et le pro­jet de finir la jour­née à la plage après avoir ren­du les vélos à l’a­gence qui ferme fort tôt. Mal­heu­reu­se­ment la plage est cou­verte d’algues. Petite Oreille ron­chonne mais, fort heu­reu­se­ment, il y a aus­si un très bon gla­cier arti­sa­nal ici. 

Cinquième escale : le cairn de Gavrinis

Un peu sur un coup de tête, j’ai pris des billets pour aller visi­ter le cairn de Gavri­nis. Ce sera notre seule visite payante du voyage, et nous n’a­vons pas regret­té une seconde d’y aller. Nous nous sommes ren­dues, un soir, sur le port de Lar­mor Baden afin d’embarquer à bord du der­nier départ de la jour­née. Le site de Gavri­nis se trouve sur une petite île pri­vée. Les visites y sont très enca­drées. Le guide était super, Petite Oreille s’est écla­tée à explo­rer le cairn à la lampe torche, à cher­cher des motifs, des détails dans les gra­vures. De quoi ter­mi­ner notre voyage en beauté !

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1 commentaire

Mgentil 20 octobre 2024 - 9:08

Wahou Canon ! Toute mon enfance sur cet article. Mer­ci, superbe article.
Puis-je savoir où la 1e pho­to du para­graphe « méga­lithes » a été prise svp ?
Bonne continuation !

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