Nous sommes en 2014, je viens d’accoucher d’une petite fille. Je vais faire plein d’erreurs en tant que maman, et notamment celle de tenter de ne pas lui communiquer mes peurs. Je n’aime ni les serpents, ni les chiens, ni l’eau. Enfin, c’est plus compliqué : j’aime nager, mais je ne mets jamais la tête sous l’eau. Je suis tétanisée à l’idée de ne plus pouvoir respirer. Un vieux trauma de cours de natation.
Mais revenons-en à nos moutons. Ou plutôt à nos chiens et à nos serpents. Très tôt, ma fille a manifesté un intérêt pour les serpents. Trouvant un bébé couleuvre dans le jardin de mes parents, essayant d’aller caresser des pythons à Madagascar ou ramassant un serpent dans le Vercors comme s’il s’agissait d’une peluche. Je l’ai donc naturellement encouragée, histoire qu’elle ne développe aucune peur, mère inconsciente que je suis. Et je me suis retrouvée avec des stages « découverte des reptiles », des livres dont je n’ose pas regarder la couverture, et une longue phase « je veux être herpétologue, on peut adopter un serpent, je m’en occuperai ». (Non.)
J’ai aussi assez peur des chiens. Pourquoi ? C’est imprévisible, ça aboie, ça mord, et surtout ça court derrière les vélos. Mais comme je sais qu’ils sentent la peur, là encore, j’ai pris sur moi. Et je me retrouve avec une petite fille qui connaît tous les chiens du quartier parce qu’elle les a tous déjà caressés. Et puis c’est gros, mieux c’est. Oh, et il te saute dessus pour te lécher le visage, c’est merveilleux et pas du tout dégoûtant. (Non, on n’aura pas non plus de chien.)
Et là, vous voyez le truc arriver : bien sûr qu’elle est devenue hyper à l’aise dans l’eau. Elle faisait du snorkeling sous l’eau avant de savoir nager, pendant que je me tenais à la bouée. C’est comme ça que je l’ai inscrite dans un club de plongée pour ses 8 ans.
Et quel rapport avec notre champ de cailloux ? Eh bien quand on habite en région parisienne, on plonge en piscine et en fosse toute l’année. Il faut donc ensuite aller faire des sorties en mer... C’est ainsi que « spot de plongée » est devenu mon critère de choix pour les vacances. Et après Port-Cros au printemps, j’ai opté pour le Morbihan en été (ouais, autre critère : non, la côte d’Azur en août c’est pas possible. Il fait chaud, y’a trop de monde, et on risque de tomber sur Macron ou Hanouna). Et puis j’aimais bien l’idée qu’elle plonge dans différents lieux, pour voir des faunes variées. (Je ne dis pas poissons, parce que son trucs c’est les spirographes et les ascidies) (moi non plus je ne sais pas ce que c’est, rapport au fait que je reste au bord à espérer qu’elle ait assez d’air dans sa bouteille).
Voilà comment on s’est retrouvées sur la plage de Carnac. Et si, comme moi, vous ne connaissiez Carnac que pour ses menhirs, vous saurez maintenant qu’il y a des plages. Et qu’à quelques dizaines de mètres du port, le long des bandes rocheuses, se cache une faune extrêmement riche.
Auray
Retour à l’été 2024. J’ai choisi d’établir le camp de base à Auray, petit village du Morbihan.
Critères retenus : ma pingrerie, la situation idéale pour rayonner sur tout le nord du golfe du Morbihan, et la mignonnerie du village. Oui, on aime quand c’est pittoresque, bien sûr. Sinon on irait à La Baule ou en Vendée.

Fun fact : il y a 8 librairies pour 14 222 habitants à Auray, soit une librairie pour 1777 habitants. Dans ma ville de banlieue parisienne, c’est une librairie pour 16 724 habitants, soit pratiquement 10 fois moins qu’à Auray. (Est-ce parce que la mairie d’Auray est écolo et que les gens de gauche sont plus cultivés que les fans de Pécresse ?)





Bref, on a beaucoup aimé Auray. Pour le petit port mignon, bien sûr, mais aussi pour le reste de la ville, jolie et surtout, vivante, avec ses concerts, son bourg commerçant, son marché. Bref, une petite ville qui existe aussi en hiver quand les touristes ont rangé leurs marinières. Et si vous demandez son avis à Petite Oreille, elle vous dira, du haut de ses neuf-ans-bientôt-dix, qu’il y a deux choses à retenir d’Auray : les bons glaciers, et les côtes. Et en effet, pour explorer un peu le bourg, il faut se perdre dans des dédales de ruelles aux dénivelés sympathiques. Et ça monte, et ça monte. Et ça descend, attention, et ça remonte. Et peu comme la Foire du Trône, mais sans les musiques horribles.
Première escale : Quiberon
Il ne faisait pas trop moche. Alors on a décidé d’explorer Quiberon. J’avais noté quelques spots qui semblaient jolis, sur la côte ouest de la presqu’île, la « côte sauvage ». Sur la carte, la côte Est, donnant sur le Golfe du Morbihan, urbanisée et balnéarisée, me semblait bien moins attirante, et l’heure consacrée à aller de crêperie en crêperie pour trouver un endroit où manger (parce que les Bretons mangent tôt et ferment à 13h) et finir dans une échoppe qui fait du take-away sur la plage (on a mangé sous le crachin mais la dame était gentille, c’était bon, même le kouign-amann, et pas cher) m’a confirmée que Quiberon n’avait d’intérêt que loin des habitations. Là où les vagues battent les falaises et où on peut écrire de grandes envolées lyriques sur la beauté de la nature et la puissance des éléments. Là où Céline Sciamma a tourné son Portrait de la jeune fille en feu, aussi. On a bien retrouvé quelques cailloux aperçus dans le film.







Deuxième escale : Carnac
Il y a encore quelques mois j’ignorais qu’il y avait une plage à Carnac. Et c’est sur place que j’ai découvert que c’est même une grosse ville balnéaire, avec ses boutiques qui vendent des robes et des chapeaux comme s’il ne pleuvait pas 352 jours par an. Notez qu’on était justement là 2 des 13 jours sans pluie, et que j’ai dû mettre de la Biafine sur quelques trous oubliés par la crème solaire.
À Carnac, l’ambiance est au bermuda saumon, éventuellement blanc, et au polo Ralph Lauren avec col remonté. C’est unisexe. À porter pour aller acheter une baguette tradition, pour déposer Auguste, Domitille et Gaspard au cours de voile ou pour rejoindre Mamie sur la plage. Mamie passe d’ailleurs 6 mois de l’année ici, elle y a toutes ses copines. En décembre, elles se donnent rendez-vous place Graslin, en juin sur la plage Légenese.
Petite Oreille explore les fonds marins, trouve enfin les spirographes qu’elle voulait tant voir. Elle est ravie. Depuis le port, difficile d’imaginer la richesse de la faune observable sous l’eau, à quelques mètres de là.








Photos d’un spirographe par Petite Oreille lors d’une de ses plongées.
Maintenant, vous savez à quoi ressemble un spirographe, qui n’est donc pas un jeu des années 60 mais un ver annélide tubicole (bonne chance pour le placer dans une conversation, si vous espérez briller en société avec ça).
Les mégalithes
Quitte à passer du temps à Carnac, nous faisons quelques tours et détours pour observer les fameux alignements.
Les menhirs, cairns, dolmens et autres tumulus sont des mégalithes. Mégalithes, c’st le mot fourre-tout qui regroupe tout ce qui est gros, vieux, et en pierre. Les Moaïs de l’île de Pacques sont des mégalithes. Gunung Padang est un site mégalithique. Stonehenge aussi. En fait, c’est un mot pratique pour ne pas montrer qu’on confond tumulus et cairns, il suffit de dire mégalithe pour tout.
Voyageant avec une enfant de 9 ans qui aime, certes, ramasser tous les cailloux de la cour de récréation pour les ramener à la maison mais pourrait être susceptible de se lasser au 157ème menhir, j’ai eu la mauvaise idée de penser commencer par le plus gros site : les alignements du Ménec. Sur le papier, il s’agit de centaines de menhirs alignés. Sur les photos, ça a de quoi impressionner et questionner.
On déchante rapidement. Le site est entièrement grillagé. Nous marchons entre le grillage et la route pour regarder. Au milieu, le site est carrément coupé en deux par une autre route : exit les menhirs, place aux voitures. Le sentier se poursuit sur des caillebotis. Ce pourrait être agréable mais rien de va. Le grillage s’arrête par moment, pour laisser un menhir dépasser. Un autre menhir est même au milieu des caillebottis. On se demande alors pourquoi mettre un grillage, si tous ne sont pas protégés ? Quant à l’intérieur, c’est une véritable friche. Certains menhirs sont complétement recouverts par la végétation, principalement les ronces et des ajoncs. Face à nous, une horrible « maison des mégalithes » ultra moderne gâche tout le paysage au lieu de se fondre dedans. Elle aurait pu être positionnée sur l’une des extrémités des alignements pour percevoir les « lignes » de menhirs, mais non, il faut se faufiler entre les voitures d’un parking de restaurant. On termine le tour en longeant une route sans trottoir ni protection, en se demandant comment il est possible d’aménager aussi mal l’un des principaux sites touristiques du coin.
Nous avons donc passé les jours suivant à explorer d’autres sites mégalithiques du Morbihan. D’autres alignements, des dolmens, des cairns. Et parce que je trouve qu’il est bien plus agréable de pouvoir marcher librement autour de ces lieux que de les regarder derrière un grillage, je ne vais pas en donner les localisations. J’ai envie de croire que vous, lecteurs, êtes des gens respectueux. Mais je sais aussi que ces horribles grillages sont apparus parce qu’il y avait des dégradations, et je n’ai pas envie d’y contribuer, de quelque manière que ce soit. Tâchons de préserver ce patrimoine.








Troisième escale : l’Île Berder
Cette île a‑t-elle un intérêt architectural, paysager ou patrimonial particulier ? Non. Mais on la visite pour une raison particulière : elle est accessible à pied à marée basse, et ça, c’est amusant. Une petite chaussée permet de traverser les 80m qui séparent l’île de la côte, mais à marrée haute, elle est complétement sous l’eau.
Nous arrivons alors que la mer commence à reculer. La chaussée est encore humide. Les horaires des marées sont affichés devant le passage.

Tout individu qui se retrouverait sur l’île alors que le passage est immergé serait condamné à attendre quelques heures. N’espérez pas traverser à la nage, par contre : le courant est bien trop important (l’un des plus forts courant d’Europe borde l’île), renforcé par l’étroitesse du passage.
Quant aux pompiers, « ils ne déplacent plus », raconte une habitante face à nos visages médusés d’apprendre que certains ont pu appeler les pompiers pour ce genre de raisons.

On a fait le tour de l’île un peu au pas de charge, en regardant la montre alors que nous avions largement le temps. Mais l’idée de rester coincée ne me réjouissait guère !


Quatrième escale : l’Île-aux-moines
Ici, impossible de rester coincées. Enfin, si, nous aurions pu louper le dernier bateau retour. Mais en cette période estivale, les navettes sont fréquentes et les horaires s’étendent tard le soir. En tout cas, suffisamment tard pour que nous ayons le temps de profiter, sans trop regarder la montre.
Comme tous les touristes, on a pris le bateau le matin. Comme tous les touristes, on a ensuite longé le quai pour trouver un loueur de vélos. Des vélos un peu lourds, pas très entretenus, qui grincent et qui couinent. Des vélos un peu chers que tout le monde va louer, parce que c’est le meilleur moyen d’explorer l’île. Quasiment pas de voitures, quelques montées mais rien d’insurmontable.



Nous avons donc d’abord pédalé à l’est toute, puis vers l’extrême sud, en suivant un code couleur, à la manière des lignes de Nantes ou de Poitiers. Quelques arrêts pour un menhir par-ci, un dolmen par-là et le projet de finir la journée à la plage après avoir rendu les vélos à l’agence qui ferme fort tôt. Malheureusement la plage est couverte d’algues. Petite Oreille ronchonne mais, fort heureusement, il y a aussi un très bon glacier artisanal ici.
Cinquième escale : le cairn de Gavrinis
Un peu sur un coup de tête, j’ai pris des billets pour aller visiter le cairn de Gavrinis. Ce sera notre seule visite payante du voyage, et nous n’avons pas regretté une seconde d’y aller. Nous nous sommes rendues, un soir, sur le port de Larmor Baden afin d’embarquer à bord du dernier départ de la journée. Le site de Gavrinis se trouve sur une petite île privée. Les visites y sont très encadrées. Le guide était super, Petite Oreille s’est éclatée à explorer le cairn à la lampe torche, à chercher des motifs, des détails dans les gravures. De quoi terminer notre voyage en beauté !




1 commentaire
Wahou Canon ! Toute mon enfance sur cet article. Merci, superbe article.
Puis-je savoir où la 1e photo du paragraphe « mégalithes » a été prise svp ?
Bonne continuation !