Il est 5h du matin lorsque nous nous levons pour aller à la gare des bus Bittar de Bamako. Moustapha, notre hôte dans la capitale, nous amène « au goudron » et négocie avec un chauffeur de taxi pour nous. Nous grimpons dans la vieille voiture jaune, encore somnolents. Le chauffeur commence à rouler, il fait nuit, on ne voit pratiquement rien autour de nous.
Je ne dis rien au Belge, mais je repère les autocollants à la gloire de Ben Laden et Kadhafi qui décorent l’intérieur du taxi. Il n’y a personne dans les rues, et pendant deux jours la radio n’a cessé de parler des deux français tués au Mali. Je me dis que personne ne sait où on est, qu’il pourrait se passer n’importe quoi. Il nous dépose quelques minutes plus tard à la gare, ouf.
En fait, Kadhafi est très apprécié ici, parce qu’il a construit beaucoup de choses. Et ce sont finalement des décorations assez courantes, sans que les gens détestent les français ou veuillent nous revendre à qui que ce soit ! Ils décorent souvent, également, leurs motos avec des autocollants de Bob Marley ; ils ne sont pas, pour autant, de gros fumeurs d’herbe au regard bovin, misogynes, racistes et homophobes. Pas tous. Bref.
Quelques personnes semblent avoir dormi à la gare. Nous essayons de ne pas les réveiller et nous installons sur les bancs. Et on fait bien de s’asseoir, parce que le bus ne partira que 3h plus tard ! Ici, on le sait, les transports ne partent jamais à l’heure, mais comme les billets sont vendus le jour-même, il faut être en avance pour avoir une place. C’est un vieux bus européen, qu’ils se sont contentés de repeindre aux couleurs de la compagnie. Il reste le trou pour la télé, et on imagine qu’il y a eu, autrefois, de la ventilation. Nous nous installons au milieu, juste devant la porte arrière. C’est un choix stratégique pour pouvoir respirer un peu : comme les fenêtres ne s’ouvrent pas, ils laissent la porte ouverte de temps à autre. Derrière nous, un gamin porte une combinaison de ski...
A peine partis, nous nous arrêtons déjà pour changer un pneu. Des trucs me tombent dans les cheveux. Je secoue la tête machinalement. Nous reprenons enfin la route, pour mieux s’arrêter à chaque village. N’importe quel passager peut dire au chauffeur et à ses assistants où il veut descendre, et tout endroit situé entre Bamako et Ségou est susceptible d’être un arrêt. C’est d’ailleurs pareil dans l’autre sens : on peut se mettre sur la route et attendre qu’un bus passe ! Encore un truc dans les cheveux. Je me décide à lever les yeux, et ne peux retenir un petit rire. Au dessus de moi, fut jadis un haut-parleur. Aujourd’hui, il ne reste qu’une espèce de passoire dans laquelle sont coincés des bouts de paille, des objets tremblotants non identifiés, beaucoup de poussière, mais également de charmants petits asticots dodus et blancs. Ceux-ci gigotent dans tous les sens pour passer à travers les petits trous... et atterrissent dans ma soyeuse chevelure. Il en reste encore trois dedans. Je surveille et me décale aux moments opportuns...
Mais ce petit jeu est vite interrompu. Panne. Et une vraie. Nous voilà bloqués sur le bord de la route. Les gens sont calmes, personne ne râle. Nous restons à attendre... Bientôt, le bus qui partait à 10h nous dépasse. Quelques-uns montent dedans, mais nous n’arrivons pas à ouvrir la soute pour attraper nos bagages. Il faudra prendre notre mal en patience !
Nous arrivons finalement à Ségou avec « un peu » de retard. La ville très agréable, bordée par le Niger. Et très calme. Je vous parlerai de Ségou la semaine prochaine. Nous y sommes restés deux nuits avant de filer chez les dogons, puis y sommes revenus par deux fois. C’est dire si nous y étions bien.
Mais Ségou mérite un article à part entière, et j’ai envie de continuer à vous parler des bus.
Pour rejoindre le Pays Dogon, nous sommes passés par Mopti. Et c’est là que nous avons découvert les minibus. Des petits bus qui partent sans réels horaires et attendent d’être remplis, nous en avions déjà connus en Russie ou au Laos, mais à Mopti, ce fut un vrai exercice de patience. Nous arrivons à la « station » un peu avant 10h. En fait de station, ce sont quelques bouts de tôle avec « Mopti-Bandiagara » peint dessus, et dans la cabane, on trouve un gros monsieur avec tellement de bagues qu’on le croirait mafieux.
Le minibus est en fait un Renault Espace. Nous payons, un peu intrigués, et attendons. Nous allons passer la journée assis sur le même banc, 6h30 d’attente. Nous avions compté les sièges, 7 places. Mauvais calcul. Nous ne partirons qu’en ayant atteint le nombre de 11 passagers, sans compter le chauffeur ni les enfants. Oui, ça loge. Non, ce n’est pas hyper confortable !
Pendant 6h30, nous n’aurons finalement que peu le temps de nous ennuyer. C’est l’avantage du Mali, il y a toujours quelqu’un de gentil avec qui discuter. Mais quand même, régulièrement, nous entendions « on va partir », « après la prière », « bientôt »...
Les touristes pressés finissent généralement par « compléter », c’est-à-dire acheter les places vides pour partir plus vite. Mais nous avons refusé de rentrer dans ce jeu et sommes restés à bavasser en comptant desespérément les gens qui rentraient dans la gargote-bureau...
Au retour du Pays Dogon, nous avons eu plus de chance. Nous voulions essayer d’enchaïner notre minibus depuis Bandiagara et le gros bus pour Ségou, en changeant à Sévaré. Je vous parlerai bientôt de Gobi, notre guide Dogon, mais c’est lui qui a magnifiquement tout arrangé, nous prouvant la flexibilité des horaires de bus maliens. Son frère nous attendait à l’arrivée du mini-bus. Il nous a accompagné jusqu’à la gare (à 100m derrière quelques murs de tôle et un terrain vague) où nous avons découvert que... le bus nous attendait (et on nous avait gardé les deux places derrière le chauffeur) !
Dans le prochain épisode, je vous parlerai donc plus longuement de Ségou !






20 commentaires
Wow ! 6h30 sur place !! Joli ! Sûr que pour des occidentaux, moitié Français (donc râleurs et peu patients) de surcroît, ç’aurait pu devenir un cauchemar ! 😀
Sinon c’est marrant, par moments en te lisant on dirait que tu as pris des intonations de là-bas 😉
Quelle aventure, j’admire ton stoïcisme quant aux vers fugueurs... J’ai hâte de lire l’article sur Ségou, les photos sont magnifiques et donnent envie d’en savoir davantage 🙂
Minami‑o : hé, je tiens à dire que le moins calme et le plus râleur de nous deux, c’est le belge, d’abord !
On a eu peur de ne pas partir, pendant un temps... et le pire, c’est qu’il n’y avait que 60km à faire, et que la famille de Bandiagara nous attendait !
Claire : les vers fugueurs amusaient notre voisine de derrière ! Je crois qu’un hurlement ou tout autre comportement un peu trop expressif aurait choqué. Ils sont assez pudiques.. Et puis franchement, on a vu pire que des petits asticots !
Je pense perso que j’aurais cracké et que j’aurais acheté les places vides ou à la limitte j’aurais marché pour prendre le bus plus tard (je déteste rester à un endroit sans rien faire :P).
Combien coutaient les tickets ?
J’adore ces voyages en bus, qui prennent du temps, trop sérrés... J’aime bien regarder les gens, les paysages qui défilent... Un vrai bordel organisé !
T’as encore beaucoup d’histoires d’asticots ??
Dommage que tu n’as pas un grand angle pour les prises de vue à l’intérieur du bus.
Dire qu’en Suisse je râle quand le train à 3 min de retard, mais en voyage c’est pas pareil 🙂
Adil : les tickets devaient être à 2 ou 3€, mais sachant qu’ils comptent 12 places... Quant à marcher, on ne savait même pas dans quelle direction partir ! Mais franchement, on a eu plein de discussions super intéressantes, donc ce n’était pas non plus du temps totalement perdu... Disons que ça aurait pu être pire !
Estelle : non, c’est bon, je n’avais que deux histoires avec des asticots ! Par contre, j’en ai encore avec les blattes 😀
Et sinon, je dirais que c’est sympa, mais que ça dépend aussi beaucoup du voisin, vu qu’on n’a pas la place pour être tous contre le dossier. J’ai fait un trajet où ma voisine n’arrivaient pas à se décider et n’arrêtait pas de gigoter (il y avait une « mama » un peu « forte » qui prenait deux places, alors que c’était déjà très serré !) en ronchonnant...
Le Chat Photographe : j’ai un 10 – 20
Rgs_ : oh, nous avons bien râlé quand notre avion du retour a encore été en retard, pour compenser 😀
Ton article m’a fait passer un bon moment !
Le mali semble être une éducation à la patience 😉
vivement la suite. As tu fait des croquis ?
Quelle aventure ! Je n ai jamais vécu une longue attente et trajet dans des vieux bus depassés où l on est trop tassé....l année prochaine au Laos !
J aime bien ces histoires de transports où il y a un contact direct avec les gens...
J attends la suite !
Cécile : ils ont un dicton « plus vite que la musique, tu danses mal » (auquel on répondait que ne pas danser n’était pas mieux !)
J’ai fait quelques gribouillis, mais je n’ai rien scanné pour l’instant. Ils seront dans le carnet, de toute façon !
Alex : en fait, il faut y aller tôt : à 7h, ça part assez vite ! Et idéalement, caler ses transports sur des jours de marché, où il y a beaucoup de véhicules sur les routes.
Mais c’est tellement plus sympa qu’une voiture avec chauffeur...
C’est le genre d’aventures qui énerve quand elle arrive mais au final laisse quand même de bons souvenirs...enfin, j’espère 🙂 En tout cas, ça fait des choses à raconter !
J’adore ce coté aventure ... ou tout peut arriver et tu ne peux que patienter ça fait relativiser les quelques minutes de retard dans les transports que les journaux français abordent tous les jours (ou presque).
En parlant de voisins : une fois au Panama, 50 personnes dans un minibus de 25 places, on était evidemment serré. Moi à la fenêtre, Monsieur au milieu, une mama à côté qui allaitait son bébé, qui lui donnait également des espèces de curly entre 2 descentes de lait... Et le gamin qui bavait partout, en s’essuyant à tes fringues... Miam miam !! 🙂
Donlope : exactement ! Tant que ça se termine bien, c’est toujours sympa ! Et puis, on s’y attend un peu, en allant là-bas...
Pyrros : à c’est sûr qu’on n’a pas vu beaucoup de gens pressés, là-bas. Je crois que je n’ai vu un malien courir qu’une fois, en trois semaines ! Après, ils n’utilisent pas les transports pour aller travailler (tout du moins pas ceux-là), sinon ça se passerait surement autrement !
Estelle : et quelques chèvres sur les genoux ?
Haha ! Bin pour les amoureux des animaux et la nature, c’est le pied !! 🙂
Ah les taxi-brousses qui ne partent que quand ils sont trop pleins 🙂
60km vous auriez mieux fait d’y aller à pied :p
Pour Khadafi, j’avais remarqué le même phénomène à Ouaga, c’est du au fait comme tu dis qu’il a pas mal distribué d’argent. Après tout il voulait faire une union africaine avec son pays comme leader...
Estelle : grave 😀 (j’ai pas vu de mammifères à l’intérieur, par contre quelques poulets étaient transportés « à la main » !)
jipe : voilà, si on se met à leur place, on comprend tout à fait qu’ils puissent apprécier Khadafi, qui a fait plus pour le Mali et l’Afrique de l’Ouest que Sarkozy... Heureusement, ils n’en veulent pas aux touristes !
Les Pauvres chaque jour est calvaire pour eux : entre pauvreté , chomage, pollution et manque de soins.
Les bus, c’est l’aventure !
Je l’ai pris à plusieurs reprises, en Côte d’Ivoire, puis au Mali.
Grandes lignes ou taxis brousse, mais toujours bondés, à 3 ou 4 sur des places prévues pour 2.
J’ai vu, la croix tracée sur le pneu pour conjurer le sort du pneu crevé, les dépassements qui frôlaient les bas côtés...
J’ai passé la frontière au retour avec des clandestins, qui descendaient, puis remontaient quelques kilomètres plus loin.
Souvenirs, souvenirs...