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Mali épisode 2 : rejoindre Ségou

par Madame Oreille

Il est 5h du matin lorsque nous nous levons pour aller à la gare des bus Bit­tar de Bama­ko. Mous­ta­pha, notre hôte dans la capi­tale, nous amène « au gou­dron » et négo­cie avec un chauf­feur de taxi pour nous. Nous grim­pons dans la vieille voi­ture jaune, encore som­no­lents. Le chauf­feur com­mence à rou­ler, il fait nuit, on ne voit pra­ti­que­ment rien autour de nous.

Je ne dis rien au Belge, mais je repère les auto­col­lants à la gloire de Ben Laden et Kadha­fi qui décorent l’in­té­rieur du taxi. Il n’y a per­sonne dans les rues, et pen­dant deux jours la radio n’a ces­sé de par­ler des deux fran­çais tués au Mali. Je me dis que per­sonne ne sait où on est, qu’il pour­rait se pas­ser n’im­porte quoi. Il nous dépose quelques minutes plus tard à la gare, ouf.

En fait, Kadha­fi est très appré­cié ici, parce qu’il a construit beau­coup de choses. Et ce sont fina­le­ment des déco­ra­tions assez cou­rantes, sans que les gens détestent les fran­çais ou veuillent nous revendre à qui que ce soit ! Ils décorent sou­vent, éga­le­ment, leurs motos avec des auto­col­lants de Bob Mar­ley ; ils ne sont pas, pour autant, de gros fumeurs d’herbe au regard bovin, miso­gynes, racistes et homo­phobes. Pas tous. Bref.

Quelques per­sonnes semblent avoir dor­mi à la gare. Nous essayons de ne pas les réveiller et nous ins­tal­lons sur les bancs. Et on fait bien de s’as­seoir, parce que le bus ne par­ti­ra que 3h plus tard ! Ici, on le sait, les trans­ports ne partent jamais à l’heure, mais comme les billets sont ven­dus le jour-même, il faut être en avance pour avoir une place. C’est un vieux bus euro­péen, qu’ils se sont conten­tés de repeindre aux cou­leurs de la com­pa­gnie. Il reste le trou pour la télé, et on ima­gine qu’il y a eu, autre­fois, de la ven­ti­la­tion. Nous nous ins­tal­lons au milieu, juste devant la porte arrière. C’est un choix stra­té­gique pour pou­voir res­pi­rer un peu : comme les fenêtres ne s’ouvrent pas, ils laissent la porte ouverte de temps à autre. Der­rière nous, un gamin porte une com­bi­nai­son de ski...

A peine par­tis, nous nous arrê­tons déjà pour chan­ger un pneu. Des trucs me tombent dans les che­veux. Je secoue la tête machi­na­le­ment. Nous repre­nons enfin la route, pour mieux s’ar­rê­ter à chaque vil­lage. N’im­porte quel pas­sa­ger peut dire au chauf­feur et à ses assis­tants où il veut des­cendre, et tout endroit situé entre Bama­ko et Ségou est sus­cep­tible d’être un arrêt. C’est d’ailleurs pareil dans l’autre sens : on peut se mettre sur la route et attendre qu’un bus passe ! Encore un truc dans les che­veux. Je me décide à lever les yeux, et ne peux rete­nir un petit rire. Au des­sus de moi, fut jadis un haut-par­leur. Aujourd’­hui, il ne reste qu’une espèce de pas­soire dans laquelle sont coin­cés des bouts de paille, des objets trem­blo­tants non iden­ti­fiés, beau­coup de pous­sière, mais éga­le­ment de char­mants petits asti­cots dodus et blancs. Ceux-ci gigotent dans tous les sens pour pas­ser à tra­vers les petits trous... et atter­rissent dans ma soyeuse che­ve­lure. Il en reste encore trois dedans. Je sur­veille et me décale aux moments opportuns...

Mais ce petit jeu est vite inter­rom­pu. Panne. Et une vraie. Nous voi­là blo­qués sur le bord de la route. Les gens sont calmes, per­sonne ne râle. Nous res­tons à attendre... Bien­tôt, le bus qui par­tait à 10h nous dépasse. Quelques-uns montent dedans, mais nous n’ar­ri­vons pas à ouvrir la soute pour attra­per nos bagages. Il fau­dra prendre notre mal en patience !

Nous arri­vons fina­le­ment à Ségou avec « un peu » de retard. La ville très agréable, bor­dée par le Niger. Et très calme. Je vous par­le­rai de Ségou la semaine pro­chaine. Nous y sommes res­tés deux nuits avant de filer chez les dogons, puis y sommes reve­nus par deux fois. C’est dire si nous y étions bien.

Mais Ségou mérite un article à part entière, et j’ai envie de conti­nuer à vous par­ler des bus.

Pour rejoindre le Pays Dogon, nous sommes pas­sés par Mop­ti. Et c’est là que nous avons décou­vert les mini­bus. Des petits bus qui partent sans réels horaires et attendent d’être rem­plis, nous en avions déjà connus en Rus­sie ou au Laos, mais à Mop­ti, ce fut un vrai exer­cice de patience. Nous arri­vons à la « sta­tion » un peu avant 10h. En fait de sta­tion, ce sont quelques bouts de tôle avec « Mop­ti-Ban­dia­ga­ra » peint des­sus, et dans la cabane, on trouve un gros mon­sieur avec tel­le­ment de bagues qu’on le croi­rait mafieux.
Le mini­bus est en fait un Renault Espace. Nous payons, un peu intri­gués, et atten­dons. Nous allons pas­ser la jour­née assis sur le même banc, 6h30 d’at­tente. Nous avions comp­té les sièges, 7 places. Mau­vais cal­cul. Nous ne par­ti­rons qu’en ayant atteint le nombre de 11 pas­sa­gers, sans comp­ter le chauf­feur ni les enfants. Oui, ça loge. Non, ce n’est pas hyper confortable !
Pen­dant 6h30, nous n’au­rons fina­le­ment que peu le temps de nous ennuyer. C’est l’a­van­tage du Mali, il y a tou­jours quel­qu’un de gen­til avec qui dis­cu­ter. Mais quand même, régu­liè­re­ment, nous enten­dions « on va par­tir », « après la prière », « bientôt »...
Les tou­ristes pres­sés finissent géné­ra­le­ment par « com­plé­ter », c’est-à-dire ache­ter les places vides pour par­tir plus vite. Mais nous avons refu­sé de ren­trer dans ce jeu et sommes res­tés à bavas­ser en comp­tant deses­pé­ré­ment les gens qui ren­traient dans la gargote-bureau...

Au retour du Pays Dogon, nous avons eu plus de chance. Nous vou­lions essayer d’en­chaï­ner notre mini­bus depuis Ban­dia­ga­ra et le gros bus pour Ségou, en chan­geant à Séva­ré. Je vous par­le­rai bien­tôt de Gobi, notre guide Dogon, mais c’est lui qui a magni­fi­que­ment tout arran­gé, nous prou­vant la flexi­bi­li­té des horaires de bus maliens. Son frère nous atten­dait à l’ar­ri­vée du mini-bus. Il nous a accom­pa­gné jus­qu’à la gare (à 100m der­rière quelques murs de tôle et un ter­rain vague) où nous avons décou­vert que... le bus nous atten­dait (et on nous avait gar­dé les deux places der­rière le chauffeur) !

Dans le pro­chain épi­sode, je vous par­le­rai donc plus lon­gue­ment de Ségou !

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20 commentaires

Minami-o 10 février 2012 - 10:57

Wow ! 6h30 sur place !! Joli ! Sûr que pour des occi­den­taux, moi­tié Fran­çais (donc râleurs et peu patients) de sur­croît, ç’au­rait pu deve­nir un cauchemar ! 😀
Sinon c’est mar­rant, par moments en te lisant on dirait que tu as pris des into­na­tions de là-bas 😉

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claire 10 février 2012 - 13:04

Quelle aven­ture, j’ad­mire ton stoï­cisme quant aux vers fugueurs... J’ai hâte de lire l’ar­ticle sur Ségou, les pho­tos sont magni­fiques et donnent envie d’en savoir davantage 🙂

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Oreille 10 février 2012 - 13:47

Minami‑o : hé, je tiens à dire que le moins calme et le plus râleur de nous deux, c’est le belge, d’abord !
On a eu peur de ne pas par­tir, pen­dant un temps... et le pire, c’est qu’il n’y avait que 60km à faire, et que la famille de Ban­dia­ga­ra nous attendait !

Claire : les vers fugueurs amu­saient notre voi­sine de der­rière ! Je crois qu’un hur­le­ment ou tout autre com­por­te­ment un peu trop expres­sif aurait cho­qué. Ils sont assez pudiques.. Et puis fran­che­ment, on a vu pire que des petits asticots !

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Adil 10 février 2012 - 18:25

Je pense per­so que j’au­rais cra­cké et que j’au­rais ache­té les places vides ou à la limitte j’au­rais mar­ché pour prendre le bus plus tard (je déteste res­ter à un endroit sans rien faire :P).

Com­bien cou­taient les tickets ?

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Estelle 10 février 2012 - 19:50

J’a­dore ces voyages en bus, qui prennent du temps, trop sér­rés... J’aime bien regar­der les gens, les pay­sages qui défilent... Un vrai bor­del organisé !
T’as encore beau­coup d’his­toires d’asticots ??

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Le Chat Photographe 10 février 2012 - 20:31

Dom­mage que tu n’as pas un grand angle pour les prises de vue à l’in­té­rieur du bus.

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Rgs_ 11 février 2012 - 17:38

Dire qu’en Suisse je râle quand le train à 3 min de retard, mais en voyage c’est pas pareil 🙂

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Oreille 12 février 2012 - 9:58

Adil : les tickets devaient être à 2 ou 3€, mais sachant qu’ils comptent 12 places... Quant à mar­cher, on ne savait même pas dans quelle direc­tion par­tir ! Mais fran­che­ment, on a eu plein de dis­cus­sions super inté­res­santes, donc ce n’é­tait pas non plus du temps tota­le­ment per­du... Disons que ça aurait pu être pire !

Estelle : non, c’est bon, je n’a­vais que deux his­toires avec des asti­cots ! Par contre, j’en ai encore avec les blattes 😀
Et sinon, je dirais que c’est sym­pa, mais que ça dépend aus­si beau­coup du voi­sin, vu qu’on n’a pas la place pour être tous contre le dos­sier. J’ai fait un tra­jet où ma voi­sine n’ar­ri­vaient pas à se déci­der et n’ar­rê­tait pas de gigo­ter (il y avait une « mama » un peu « forte » qui pre­nait deux places, alors que c’é­tait déjà très ser­ré !) en ronchonnant...

Le Chat Pho­to­graphe : j’ai un 10 – 20

Rgs_ : oh, nous avons bien râlé quand notre avion du retour a encore été en retard, pour compenser 😀

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cecile 13 février 2012 - 3:18

Ton article m’a fait pas­ser un bon moment !
Le mali semble être une édu­ca­tion à la patience 😉
vive­ment la suite. As tu fait des croquis ?

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Alex 13 février 2012 - 3:38

Quelle aven­ture ! Je n ai jamais vécu une longue attente et tra­jet dans des vieux bus depas­sés où l on est trop tassé....l année pro­chaine au Laos !

J aime bien ces his­toires de trans­ports où il y a un contact direct avec les gens...

J attends la suite !

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Oreille 13 février 2012 - 10:38

Cécile : ils ont un dic­ton « plus vite que la musique, tu danses mal » (auquel on répon­dait que ne pas dan­ser n’é­tait pas mieux !)
J’ai fait quelques gri­bouillis, mais je n’ai rien scan­né pour l’ins­tant. Ils seront dans le car­net, de toute façon ! 

Alex : en fait, il faut y aller tôt : à 7h, ça part assez vite ! Et idéa­le­ment, caler ses trans­ports sur des jours de mar­ché, où il y a beau­coup de véhi­cules sur les routes.
Mais c’est tel­le­ment plus sym­pa qu’une voi­ture avec chauffeur...

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Donlope 13 février 2012 - 14:28

C’est le genre d’a­ven­tures qui énerve quand elle arrive mais au final laisse quand même de bons souvenirs...enfin, j’es­père 🙂 En tout cas, ça fait des choses à raconter !

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Pyrros 13 février 2012 - 17:31

J’a­dore ce coté aven­ture ... ou tout peut arri­ver et tu ne peux que patien­ter ça fait rela­ti­vi­ser les quelques minutes de retard dans les trans­ports que les jour­naux fran­çais abordent tous les jours (ou presque).

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Estelle 13 février 2012 - 18:43

En par­lant de voi­sins : une fois au Pana­ma, 50 per­sonnes dans un mini­bus de 25 places, on était evi­dem­ment ser­ré. Moi à la fenêtre, Mon­sieur au milieu, une mama à côté qui allai­tait son bébé, qui lui don­nait éga­le­ment des espèces de cur­ly entre 2 des­centes de lait... Et le gamin qui bavait par­tout, en s’es­suyant à tes fringues... Miam miam !! 🙂

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Oreille 15 février 2012 - 12:52

Don­lope : exac­te­ment ! Tant que ça se ter­mine bien, c’est tou­jours sym­pa ! Et puis, on s’y attend un peu, en allant là-bas...

Pyr­ros : à c’est sûr qu’on n’a pas vu beau­coup de gens pres­sés, là-bas. Je crois que je n’ai vu un malien cou­rir qu’une fois, en trois semaines ! Après, ils n’u­ti­lisent pas les trans­ports pour aller tra­vailler (tout du moins pas ceux-là), sinon ça se pas­se­rait sur­ement autrement !

Estelle : et quelques chèvres sur les genoux ?

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Estelle 16 février 2012 - 18:55

Haha ! Bin pour les amou­reux des ani­maux et la nature, c’est le pied !! 🙂

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Julien 16 février 2012 - 22:25

Ah les taxi-brousses qui ne partent que quand ils sont trop pleins 🙂

60km vous auriez mieux fait d’y aller à pied :p

Pour Kha­da­fi, j’a­vais remar­qué le même phé­no­mène à Oua­ga, c’est du au fait comme tu dis qu’il a pas mal dis­tri­bué d’argent. Après tout il vou­lait faire une union afri­caine avec son pays comme leader...

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Oreille 20 février 2012 - 14:05

Estelle : grave 😀 (j’ai pas vu de mam­mi­fères à l’in­té­rieur, par contre quelques pou­lets étaient trans­por­tés « à la main » !)

jipe : voi­là, si on se met à leur place, on com­prend tout à fait qu’ils puissent appré­cier Kha­da­fi, qui a fait plus pour le Mali et l’A­frique de l’Ouest que Sar­ko­zy... Heu­reu­se­ment, ils n’en veulent pas aux touristes !

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La Mode Dans Le Monde 3 mars 2012 - 22:35

Les Pauvres chaque jour est cal­vaire pour eux : entre pau­vre­té , cho­mage, pol­lu­tion et manque de soins.

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Marie 16 janvier 2013 - 13:16

Les bus, c’est l’aventure !
Je l’ai pris à plu­sieurs reprises, en Côte d’I­voire, puis au Mali.
Grandes lignes ou taxis brousse, mais tou­jours bon­dés, à 3 ou 4 sur des places pré­vues pour 2.
J’ai vu, la croix tra­cée sur le pneu pour conju­rer le sort du pneu cre­vé, les dépas­se­ments qui frô­laient les bas côtés...
J’ai pas­sé la fron­tière au retour avec des clan­des­tins, qui des­cen­daient, puis remon­taient quelques kilo­mètres plus loin.
Sou­ve­nirs, souvenirs...

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