Il n’y a que deux endroits dans le monde où observer les orangs-outans : Sumatra et Bornéo. C’était un rêve de gamine que d’aller les voir, et j’ai eu la chance de partager ce moment, ces rencontres, avec ma fille de 3 ans et demi.
Nous nous sommes donc rendues à Bukit Lawang, dans le nord de Sumatra. Ce petit village est la porte d’entrée principale du Gunung Leuser, un parc national où se trouvait jusqu’à récemment un centre de réhabilitation pour les orangs-outans. Le travail du centre était de remettre en liberté les primates qui vivaient en captivité (animaux domestiques chez des habitants...). Les orangs-outans bénéficiaient de fruits mis à leur disposition, le temps d’apprendre à se nourrir par eux-mêmes. Ces plateformes ont fait la joie des voyageurs pendant de nombreuses années, permettant d’observer très facilement les orangs-outans. Aujourd’hui, ces plateformes sont fermées et tous les hommes des bois (orang = humain, outan = forêt) sont retournés à la vie sauvage mais ils restent peu craintifs des humains. Pour les voir, il faut donc partir en expédition dans la forêt...
Un trek dans la jungle
Nous partons au petit matin. Rendez-vous à 7h30 avec Miles, notre guide pour la journée. Il arbore fièrement la chemise qui montre qu’il est un guide officiel. Avec un enfant en bas âge, je ne voulais pas partir avec n’importe qui, et encore moins avec un groupe. C’est donc Evaneos qui a tout organisé (mais j’en reparle plus bas, dans le guide pratique). Petite Oreille a ses jumelles autour du cou, elle est ravie de jouer les exploratrices le temps d’une journée. Un peu moins ravie lorsque le chemin commence directement par une montée mais oh, regarde, un petit macaque !
Nous marchons depuis moins d’une heure lorsque nous rencontrons nos premiers orangs-outans. Une femelle et son petit. Je suis surprise de les voir aussi proches de nous, Petite Oreille, elle, ne s’attendait pas à ce que ça soit si gros. C’est un animal sauvage, tu ne peux pas aller lui faire un câlin ! Leur regard est incroyable, leurs mains et leur gestuelle également. Oui, je suis d’accord qu’ils sont beaux, mais tu ne peux pas aller les caresser ! Ils se déplacent avec une grande élégance, tout en légèreté, d’une branche à l’autre. Nous sommes toutes les deux captivées.
Gunung Leuser, un sanctuaire
Pour rejoindre Bukit Lawang, il faut parcourir les 90km qui sépare le village de Medan, la grosse ville de la région. 90km, ça veut dire plus ou moins 4h, en Indonésie. Et ça laisse le temps de contempler le paysage : des palmiers à perte de vue.
C’est aujourd’hui un fait connu, les cultures d’huile de palme sont une vraie problématique. Et en les regardant défiler, je prends la mesure de la catastrophe : rien ne pousse aux pieds des arbres. Aucun autre arbre, aucune plante, uniquement de l’herbe. Impossible pour les animaux de trouver à se nourrir dans un tel désert, aussi vert soit-il.
Pour autant, le plus grand danger pour les orangs-outans reste malheureusement la chasse : les pertes absolues en effectif sont maximales dans les forêts exploitées pour leur bois et dans les forêts primaires protégées, où survivent actuellement les plus importantes populations d’orangs-outans. Dans ces zones forestières, la chasse illégale constitue la première cause de ce déclin. (source : Marc Ancrenaz, chercheur)
Les orangs-outans sont ainsi victimes du braconnage, tué pour leur viande et ses prétendues propriétés médicinales.
Fort heureusement, le parc national de Gunung Leuser est un espace protégé, reconnu réserve de biosphère par l’Unesco. C’est aussi un haut lieu du tourisme à Sumatra, où l’observation des orangs-outans fait vivre tout le village de Bukit Lawang !
Pour voir les orangs-outans,
il faut du temps et de la chance
Petite Oreille, Miles et moi marchons toute la journée dans la jungle. Nous avons de la chance, la chaleur n’est pas trop étouffante aujourd’hui. Nous avons même beaucoup de chance car nous retombons sur d’autres orangs-outans ! À chaque fois, nous prenons le temps de les observer : regarder comment ils cueillent les fruits, comment ils sautent, comment ils communiquent entre eux.
Les orangs-outans passent leur temps dans les arbres. S’ils ne sont pas en train de chercher à manger, ils se construisent un nid pour s’installer confortablement.
Je demande à Miles s’il en voit autant à chaque expédition. Il est justement épaté d’en voir autant aujourd’hui ! Ce sont des animaux sauvages, qui vivent en liberté : il arrive qu’ils restent cachés. C’est la différence entre le safari et le zoo, l’observation en pleine nature ne garantit pas la présence de l’animal ! Alors forcément, si on veut vraiment voir les orangs-outans, il faut mettre toutes les chances de son côté et rester le plus longtemps possible en forêt. Sur les treks de deux jours, Miles me dit en voir pratiquement à chaque fois. À l’inverse, sur les sorties d’une demi-journée, les probabilités d’en rencontrer descendent à 50%.
Les orangs-outans mâles sont solitaires. Les femelles élèvent seules les petits et les gardent près d’elles quatre ans. Pourtant, nous appercevons un jeune mâle qui semble rechercher de la compagnie, venant jouer avec le petit, sitôt celui-ci sorti de son nid. Aucune agressivité entre eux, ni entre la mère et le jeune mâle. Ni même entre le femelle orangs-outans et les humains. Il est d’ailleurs curieux de constater qu’elle ne nous considère pas comme un menace, qu’elle n’a aucune méfiance à notre égard.
Les orangs-outans de Bornéo, ou même plus au nord du parc, ont tendance à garder leurs distances. Ceux de Bukit Lawang, à l’inverse, ont encore en mémoire l’époque de la réintroduction, lorsqu’ils étaient nourris. Et même si ce petit est né en pleine nature, sa mère ne lui apprend pas à craindre les humains.
Observer les orangs-outans
avec un enfant ?
Partir marcher dans la jungle avec un enfant en bas âge peut faire peur, mais je vous le recommande chaudement tant Petite Oreille était ravie ! Pour autant, cela suppose que l’enfant accepte l’idée de marcher toute la journée et soit intéressé par la faune ou la flore, bien sûr. À 3 ans et demi, Petite Oreille a pu marcher toute la journée, sans soucis (je l’ai mise sur mes épaules pendant moins de 10 minutes avant la pause déjeuner, puis elle est repartie de plus belle !).
Les guides proposent des randonnées de plusieurs durées : demi-journée, journée complète, deux jours, voire plus long. Avec un enfant en bas âge, il est bien évidemment déconseillé de faire les treks de plusieurs jours. Outre le bivouac précaire dans la jungle, cela suppose aussi des journées entièrement dédiées à la marche sans réelle possibilité de jeu. Je doute que l’enfant apprécie l’expérience ainsi !
Je vous conseille donc de choisir entre une demi-journée et une journée complète, et surtout, de ne pas vous joindre à un groupe : ainsi, on va au rythme de l’enfant, et on ne culpabilise pas de ralentir d’autres voyageurs. Notre guide, réservé via Evaneos, a été super avec Petite Oreille, faisant en sorte que toute la journée soit ludique pour elle !
Donc : peut-on aller voir les orangs-outans avec un enfant ? Oui ! Mais en adaptant le trek.
Et en prenant également quelques précautions ! Qui dit trek dans la jungle, dit chaussures fermées, pantalon, antimoustique. La veille, on se couche tôt. Le matin, on mange bien. Et hop, c’est parti pour une journée de marche !
Parce qu’il n’y a pas que les orangs-outans
Certes, on vient pour les orangs-outans, ils sont l’attraction principale. Mais il n’y a pas qu’eux !
À Bukit Lawang, on croise des macaques partout. Ce sont des petits chapardeurs dont il vaut mieux rester éloigné.
Ils avaient ainsi appris à ouvrir les poubelles de notre hôtel, vidant tout le contenu par terre à la recherche de quelques restes.
En se promenant en ville, nous avons également vu un macaque rentrer dans une boutique pour attraper un fruit, avant de ressortir tranquillement pour le manger sur le toit voisin, narguant la vendeuse. C’est pour cela que les hôtels conseillent de ne pas laisser les portes ouvertes, sous peine de les voir rentrer à l’intérieur : ils ont très bien compris que les touristes transportent souvent biscuits et friandises !
De manière générale, il vaut mieux se tenir à distance d’eux, et surveiller ses affaires. Ils peuvent devenir agressifs assez facilement. Les indonésiens ont d’ailleurs tendance à s’éloigner rapidement lorsqu’un macaque s’approche de trop près !
Pendant notre trek, Petite Oreille et moi avons donc, bien sûr, croisé nombre de macaques. Toujours en bande ! Nous avons également eu la chance d’observer un babouin, quelques gibbons, et de nombreux semnopithèques de Thomas, une espèce endémique à Sumatra bien reconnaissable à sa petite crête. En étant attentifs, vous verrez également de très beaux oiseaux.
Bukit Lawang et les orangs-outans,
guide pratique
Bukit Lawang est un village touristique. Cela signifie qu’il peut y avoir du monde, mais également qu’ils y a toutes les infrastructures pour recevoir les touristes. Le village est construit tout en longueur, autour de la rivière Bohorok. Partout, des petites passerelles permettent de traverser. Tout au nord, il reste les bâtiments liés au centre de réhabilitation et à la plateforme de nourrissage. Au sud, se trouve la principale entrée du parc, et donc le départ de la plupart des treks.
Entre les deux, on trouve des dizaines d’hôtels, de restaurants et de petites boutiques. Les touristes indonésiens apprécient également Bukit Lawang, ne serait-ce que pour la rivière. L’eau est claire et fraîche. Tout le monde s’y baigne facilement. Et surtout lorsqu’il fait chaud, c’est très agréable !
Quel trek ?
Il existe des formules différentes et il est assez facile de demander du sur-mesure. Mais on verra surtout quatre options : la demi-journée, la journée complète (départ tôt le matin, retour en milieu d’après-midi), le trek de deux jours avec nuit en bivouac et retour en tubbing, et les randonnées de plusieurs jours pour s’enfoncer réellement dans la jungle.
Le tubbing, vous verrez beaucoup de gens le pratiquer à Bukit Lawang (et dans de nombreux lieux en Asie !). Le concept est simple : utiliser une chambre à air de camion pour se laisser porter par le courant. Ici, ils attachent plusieurs chambres à air ensemble pour former une grosse embarcation sur laquelle tout le groupe peut monter, et les guides mène le radeau pendant cette petite descente en rafting.
Le repas est généralement inclus, et sera la plupart du temps un nasi goreng dans une feuille de bananier avec des fruits. Renseignez-vous sur la mise à disposition d’eau et n’hésitez pas à apporter une bouteille en plus (et éventuellement, une gourde d’eau du robinet pour les enfants qui crapahutent et auront besoin de se laver les mains !).
Il est possible de réserver un guide absolument partout (et certains viendront directement proposer leurs services...). Toutefois, à titre personnel, j’ai préféré tout organiser à l’avance avec Evaneos : seule avec un enfant, je trouvais cela plus rassurant, et le guide qu’ils ont choisi était top !
Comment aller à Bukit Lawang ?
Bukit Lawang est un endroit touristique : il est aisé de trouver des bus pour s’y rendre. Vous trouverez des indications détaillées sur les transports en commun chez Laurène ou chez Lauriane.
Si vous voulez éviter les bus publics, il est aisé de réserver un transport privé en le demandant à votre hôtel.
Pour ma part, je ne me voyais pas gérer les changements de bus avec mes sacs, ma fille et la chaleur. J’ai choisi la facilité : j’ai demandé à l’agent local d’Evaneos de venir me chercher à l’aéroport de Kualanamu pour me conduire directement à l’hôtel à Bukit Lawang. Dans le cas d’un transfert privé, il faut compter entre 3 et 4h de trajet, selon les embouteillages à Medan.
(oui, j’ai tout demandé à Evaneos, vu qu’ils font du sur-mesure !)
Que faire d’autre à Bukit Lawang ?
Si vous êtes pressés, vous pouvez très bien venir, faire le trek, repartir. Mais je trouvais que tant qu’à faire autant de trajet, autant rester un peu sur place, quand même. Alors, concrètement, y’a pas vraiment beaucoup de choses à faire. Mais on ne s’ennuie pas !
Se promener dans le village, regarder les enfants de baigner, s’installer en terrasse pour siroter un jus de fruits frais, observer les singes dans les arbres, se baigner dans la rivière, louer une chambre à air / bouée pour quelques heures... Les occupations ne manquent pas !
La ville se parcourt à pied, aucune voiture ne peut emprunter les petits chemins. Longer la rivière en marchant est vraiment agréable. Vous trouverez quelques boutiques, mais la plupart sont dénuées d’intérêt : il n’y a pas vraiment d’artisanat local.
Parmi les visites classiques, il y a la bat cave, la grotte aux chauves souris. Elle est accessible à pied, en empruntant un petit chemin qui part vers le sud. L’entrée demande d’escalader un peu, mais ça confère tout son charme au lieu. A l’intérieur, la cavité est gigantesque, avec des puits de lumières réguliers mais pas suffisants pour se passer de lampe frontale (en Indonésie, le soleil se couche tôt, garder toujours une petite lampe avec vous !). Et au plafond, des centaines de petites chauve-souris. Une deuxième cavité, moins accessible, est quant à elle investie par les roussettes.
En fin de journée, les chauves souris quittent la grotte dans une nuée pour aller manger.
Avec Petite Oreille, nous nous sommes baignées tous les jours dans la rivière, au bas de notre hôtel. L’occasion de se rafraîchir, mais aussi d’échanger avec des locaux. Le contact se fait facilement, même si peu d’indonésiens parlent anglais.
Faut-il aller voir les élèphants ?
De l’autre côté du parc Gunung Leuser, se trouve Tangkahan. Le village, minuscule et plus difficile d’accès, est connu pour ses éléphants. Ils sont utilisés par les rangers du parc pour patrouiller dans la jungle, et font aussi office d’attraction pour les touristes, qui peuvent donner le bain ou monter à dos d’éléphant.
L’éléphant de Sumatra est le plus petit d’Asie, et il n’en reste que peu de spécimens à l’état sauvage. À moins de partir en trek pendant 15 jours dans le parc national, les chances de l’observer sont donc infimes. La tentation d’aller à Tangkahan est donc grande, surtout que tout est présenté comme éthique, écologique.
Toutefois, il faut savoir que les dressage visant à permettre à un humain de contrôler un tel mastodonte est extrêmement violent. Pour un éléphant, il n’est ni inné ni naturel d’avoir un homme sur le cou en train de lui dire où aller. Cet article de Seth et Lise résume bien le soucis. Impossible de savoir comment ont été dressés les éléphants de Tangkahan, mais nous avons décidé de ne pas prendre part à tout cela.
(Ma fille a décrété qu’elle reviendrait faire un long trek quand elle aurait 12 ans, pour les voir dans la jungle...)
Où dormir à Bukit Lawang ?
Les hôtels ne manquent pas à Bukit Lawang, mais si vous espérez une certaine qualité, il est conseillé de réserver à l’avance. Je vous propose ici plusieurs options que j’ai trouvées charmantes. La plupart des hôtels ont le Wi-Fi (au moins à la réception). Toutes les chambres ont des moustiquaires.
Si vous restez longtemps, le Back to Nature est une option qui peut être intéressante : situé à l’extérieur du village, en remontant la rivière vers le nord, l’hôtel donne vraiment la sensation d’être en pleine jungle, loin de tout. Notez que les voitures n’accèdent pas là-bas, et que le transport des bagages pourra être pénible si vous ne restez qu’une nuit.
Petit jardin et terrasse au bord de la rivière. Toutes les chambres possèdent un balcon. Salle de bain privée avec eau chaude (c’est rare).
Un petit hôtel charmant, parfait pour le repos dans le hamac au bord de l’eau. Ils ont un bon restaurant.
Hôtel qui a le bon goût d’être décoré avec style. Comme tous les autres, il possède une terrasse qui donne sur la rivière.
Toutes les chambres ont un balcon, et les salles de bain ont l’eau chaude. Que demander de plus ?
Quel équipement pour le trek ?
Pour les adultes comme pour les enfants, il faudra prévoir des chaussures fermées, un pantalon et de l’antimoustique. Dans toutes les petites boutiques vous trouverez des bouteilles de minyak tawon, une petite huile. Ça ne coûte vraiment pas cher (environ 2€) et ça a des propriétés apaisantes sur les piqûres de moustiques (puisque même couvert d’antimoustique, vous vous ferez piquer !).
Prévoyez de l’eau, car il peut faire chaud, mais prévoyez aussi un k‑way pour vous protéger (et une housse pour le sac !).
Et pour photographier les orangs-outans ?
Les orangs-outans sont gros et peu craintifs. Le gros télé-objectif d’ornithologie ne sera donc pas nécessaire. Un petit télé léger, avec un range type 70 – 200, fera l’affaire. N’oubliez pas de prendre de quoi protéger votre matériel en cas de pluie, des lingettes et des sachet de silicat pour l’humidité ambiante, et des batteries de rechange ! Optez pour un sac confortable, c’est primordial en rando : bretelles qui ne cisaillent pas les épaules, dos aéré pour la chaleur.
Ce séjour à Bukit Lawang a été fait dans le cadre d’une « pause » au milieu du projet #ImmersionSumatra, réalisé en partenariat avec Evaneos, qui organise des voyages en direct avec des agents locaux. (Concrètement, je ne me voyais pas venir à Sumatra sans aller voir les orangs-outans !)
Merci à Option Way ainsi qu’à l’Office de Tourisme d’Indonésie pour leur soutien dans ce projet.
9 commentaires
Des photos impressionnantes et de très beaux dessins !
Merci beaucoup Sam 🙂
Quelles créatures merveilleuses... Je suis en admiration.
Faut aller les voir en vrai, c’est encore mieux 😉
Elles sont magnifiques tes photos !
Merci 🙂
Bonjour,
Grand grand amoureux et protecteur des Orangs Outans, je voudrais vous demander si vous n’auriez pas un livre avec vos photos, à vendre ?
Je vous remercie énormément pour ce compte rendu et ces photos absolument fabuleuses.
Merci POUR EUX.
Magos V.
waw ! J’aimerais tellement faire un voyage comme cela avec mon fils. C’est impressionnant comment ta fille aime marcher ...mon garçon aura bientôt 18 mois et il préfère encore le quatre-patte ! Par curiosité;il est possible d’observer les orangs outang à bornéo malaisie ou indo et à Sumatra ; as-tu eu des commentaires ? Lequel est le mieux pour un voyage en famille ? J’en profite pour te dire que tes photos sont magnifiques et que j’adore te lire.
Je suis retombé sur cette article par le biais du résumé de ton année 2018. Quel magnifique reportage sur Sumatra, toute la série (Belitung, Sumatra Ouest, Bukit Lawang) est splendide. Le ministère du tourisme a axé depuis des années sa campagne de communication autour des « lieux Instagramable », quel plaisir de constater que le vent est peut-être en train de tourner.
J’en profite pour apporter quelques informations supplémentaires sur Bukit Lawang et ses orangs-outans.
Bukit Lawang est le point d’entrée principal du parc national du Mont Leuser (Taman Nasional Gunung Leuser), le plus populaire surtout de part sa proximité avec Medan, où on trouve l’aéroport le plus proche. Bukit Lawang a servi de centre de réhabilitation de 1978 à 1991, date à laquelle le gouvernement a mis un terme à l’expérience devant son échec (les primates généralement confisqués chez des particuliers qui les gardaient comme animaux de compagnie et « ré-introduits » ne sont jamais redevenus indépendants). Depuis Bukit Lawang vit exclusivement du tourisme.
Les orangutans qu’on voit à Bukit Lawang sont quasiment toujours les fameux « ré-introduits » ou leur progéniture. Ils sont encore aujourd’hui régulièrement nourris, malgré ce qu’on dit aux visiteurs, car incapables de se nourrir par eux-mêmes (pour rappel on a plus ré-introduits de spécimen depuis 1991, mais ils ont transmis leur comportement à leur descendance). Ils sont certes libres, mais définitivement pas sauvages. Il y a aussi une population sauvage a Bukit Lawang, mais les orangutans sont des animaux territoriaux et les « ré-introduits » se massent près des chemins, excluant de fait les sauvages.
Tu n’y as pas été confronté, mais une part importante des guides attirent les singes avec de la nourriture pour les photos. La proximité avec les primates à Bukit Lawang est absolument anormale ; il suffit de visiter d’en voir ailleurs pour s’en rendre compte. Les taux de mortalités constatés sont sans commune mesure avec ceux mesurés dans les populations sauvages et certains cas de cannibalisme mère-infant ont déjà été observés ce qui suggère un important stress.
Ceci dit j’ai vu des orangs-outans pour la première fois à Bukit Lawang également et toutes ces considérations sont complètement effacées par l’émerveillement qu’on peut ressentir. Je suis retourné plus tard dans le parc national, en choisissant d’autres points d’entrées, plus loin de Medan mais aussi moins fréquentés.
Tant qu’à passer par une agence de voyage, il me parait bien plus judicieux de visiter d’autres sites (par exemple Ketambe ou Kedah, dans la province d’Aceh tous les 2). Les prix des guides sont les mêmes, la fréquentation bien moindre, les animaux réellement sauvages. C’est 4 et 7h de route de plus par contre.