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Retour au Groenland, les coulisses

par Madame Oreille

Il y a deux ans, j’ai déci­dé de réa­li­ser mon pre­mier docu­men­taire : « Retour au Groen­land ». Il est enfin fini, et j’ai envie de vous racon­ter ici les cou­lisses du film.

En 1980, mon père est allé au Groenland. 
36 ans plus tard, ma fille et moi avons refait son iti­né­raire, avec lui. Petite Oreille a décou­vert les ice­bergs, les chiens groen­lan­dais, les pay­sages arc­tiques. Mon père a consta­té les chan­ge­ments de ce pays qui l’avait tant marqué.
Et moi, j’en ai fait un film, Retour au Groen­land.

Pour (re)voir la bande-annonce ou télé­char­ger le film, c’est ici que ça se passeDans ce billet, je vais vous par­ler des cou­lisses, du tra­vail effec­tué pour abou­tir à ce documentaire.

La pas­sion de Petite Oreille pen­dant le tour­nage ? Reti­rer la bon­nette qui pro­tège le micro du vent !

De l’idée à sa réalisation

L’i­dée, sur le papier, était plu­tôt simple : on part, on voit ce qui se passe, on filme. Mais le tour­nage n’est qu’une toute petite par­tie de l’i­ce­berg ! Avant de par­tir, il faut pré­pa­rer le tour­nage, et après, il reste encore toute la post-production !

C’é­tait ma pre­mière expé­rience, à la fois dans le docu­men­taire, et dans une vidéo longue (des exemples de mes vidéos « courtes » en cli­quant ici). Je vou­lais le faire comme un pro­jet per­son­nel : je n’ai pas cher­ché de boîte de prod, et j’ai assu­ré le tour­nage et le mon­tage moi-même.

L’écriture

On pour­rait croire qu’il suf­fit de fil­mer le voyage. En réa­li­té, il n’y a pas tant d’im­pro­vi­sa­tion que ça. Avant de par­tir, il faut savoir ce qu’on veut fil­mer et com­ment. C’est vrai pour une vidéo courte, mais encore plus pour un docu­men­taire : il faut défi­nir le style de réa­li­sa­tion pour avoir une uni­té dans le film, et sur­tout avoir un fil nar­ra­tif, une his­toire qui se déroule et qui amène le spec­ta­teur à une conclu­sion (quelle qu’elle soit).

Tout ne se dérou­le­ra jamais comme pré­vu. Il faut en être conscient dès le début ! Sur­tout dans le cadre d’un pre­mier docu­men­taire, on fait des erreurs de débu­tant, on oublie des choses, on n’est pas assez réac­tif par ailleurs. Et puis, par­fois, l’im­pré­vu amè­ne­ra des scènes qui seront inté­res­santes ! Bref, l’é­cri­ture per­met d’a­voir en tête un dérou­lé du film, mais il ne faut pas res­ter blo­qué des­sus : c’est une trame, un guide, pas une obligation !

Avant de par­tir, j’a­vais donc en tête les grandes lignes ain­si que quelques scènes-clés. Cer­taines ont pu se tour­ner, d’autres pas, mais au moins je savais où j’al­lais. Et régu­liè­re­ment, au fil du voyage, j’ai pris des notes, pour construire la nar­ra­tion du film et voir s’il n’al­lait pas me man­quer quelque chose. Car, non, je ne pour­rais pas refaire un aller-retour au Groen­land pour retour­ner une scène !

Les partenaires

Je ne suis pas une très bonne com­mer­ciale. Le suc­cès de ce blog a été une réelle oppor­tu­ni­té pour moi car je peux exer­cer le métier de mes rêves sans avoir à démar­cher des clients. Les Offices de Tou­risme et Agences de Voyage viennent direc­te­ment vers moi pour me deman­der d’al­ler prendre des pho­tos ou tour­ner des vidéos pour eux, que deman­der de plus ?

Je savais dès le départ qu’une par­tie des coûts du tour­nage se ferait en fonds propres (avec mes éco­no­mies). Je n’ai donc contac­té que des par­te­naires sus­cep­tibles d’être inté­res­sés et n’ai pas per­du trop de temps à écrire à droite et à gauche. J’ai essuyé quelques refus dûs à la nature-même du pro­jet (cer­taines entre­prises ne sou­tiennent que des exploits spor­tifs ou des « grandes aven­tures »), mais il était hors de ques­tion de modi­fier le pro­pos du film pour cor­res­pondre aux attentes d’é­ven­tuels par­te­naires : je vou­lais mon­trer un Groen­land moderne, vivant, et non pas aller cher­cher l’eski­mo* dans son igloo, ni nous mettre en scène dans des bivouacs de l’extrême sur l’in­land­sis ! (*Eski­mo est un terme extrê­me­ment péjo­ra­tif inven­té par les explo­ra­teurs pour dési­gner les habi­tants des régions arc­tiques. Ils ne se sont jamais appe­lés ainsi.)

J’ai pré­pa­ré un petit dos­sier pré­sen­tant le pro­jet, et je l’ai envoyé par mail à quelques contacts poten­tiels. L’Office de Tou­risme du Groen­land et Grand Nord Grand Large ont répon­du oui tout de suite. Au-delà du simple aspect finan­cier, c’é­tait aus­si génial de pou­voir échan­ger avec des pas­sion­nés qui m’ont beau­coup aidée dans la logis­tique et l’ap­proche de ce pays si particulier.
Ensuite, le pro­jet a été sou­te­nu par Les Petits Barou­deursQue­chuaAven­ture Nor­dique et Chap­ka, des coups de pouce bienvenus !

A noter qu’il existe aus­si des bourses pour mon­ter ce genre de pro­jet. Mais, là aus­si, il faut ren­trer dans cer­taines cases et géné­ra­le­ment avoir moins de 30 ans (et j’ai mon­té ce pro­jet un an trop tard !).

Mon père, pen­dant une ran­don­née à Ilulisat

Le montage

Le mon­tage a été une vraie prise de tête. Je m’é­tais blo­quée trois mois pen­dant l’hi­ver 2016 – 2017, pour me consa­crer à ce pro­jet (trois mois qua­si­ment sans par­tir, ce fut long !) mais j’ai lar­ge­ment débor­dé sur mon plan­ning : regar­der les rushes, ré-écou­ter les inter­views en boucle, envi­sa­ger quinze façons d’é­crire le film... Puis fina­le­ment, reve­nir à ce que j’a­vais en tête lors de la pré­pa­ra­tion : une nar­ra­tion qui suit le fil chro­no­lo­gique du voyage. Même si les séquences n’ont pas vrai­ment été tour­nées dans cet ordre-là (l’in­tro a été tour­née au milieu du voyage, par exemple !), le but est que le spec­ta­teur ait l’im­pres­sion de suivre cette chro­no­lo­gie, et pas de sau­ter constam­ment d’une ville à l’autre.

J’ai tra­vaillé sur Pre­mière. Ce logi­ciel per­met de créer des séquences qu’on assemble à loi­sir. L’in­té­rêt, c’est qu’on peut mon­ter sépa­ré­ment plu­sieurs mor­ceaux du film et ne les agen­cer qu’à la fin. Sur­tout sur un film long, c’est beau­coup plus facile de tra­vailler ain­si que de n’a­voir qu’une seule grosse séquence avec la tota­li­té des plans du film. Paral­lè­le­ment à ça, j’ai tra­vaillé beau­coup sur papier : un post-it par mor­ceau du film, pour visua­li­ser la construc­tion et tout réagen­cer sim­ple­ment. C’est aus­si quelque chose que je fais beau­coup sur tous mes mon­tages complexes.

Quand j’ai été sûre de l’ordre des dif­fé­rentes séquences, je les ai réunies, puis j’ai tra­vaillé mes tran­si­tions. Au fur et à mesure, j’ai taillé, peau­fi­né, réglé, jus­qu’à obte­nir mes 40 minutes.

Pour mon­trer le Groen­land de 1980, j’ai uti­li­sé les pho­tos de mon père, bien sûr. Il a fait scan­ner ses dia­po­si­tives, et j’ai choi­si de les ani­mer légè­re­ment pen­dant le film afin d’é­vi­ter l’ef­fet dia­po­ra­ma. Ces ani­ma­tions reprennent des tech­niques type paral­lax (que j’a­vais uti­li­sées ici il y a quelques années, ou plus récem­ment), réa­li­sées grâce à Pho­to­shop et After Effects.

La musique

Au début du pro­jet, j’ai contac­té un ami com­po­si­teur : Flo­nou.
Nous avions déjà fait quelques vidéos ensemble et j’a­dore vrai­ment son travail !

Le son est quelque chose d’extrêmement impor­tant pour moi. J’es­saye de tou­jours soi­gner les ambiances. La plu­part des gens ne le remar­que­ront pas, ou plu­tôt, ne sau­ront pas que c’est le son qui a tant influé sur la per­cep­tion des images. Selon moi, une bonne musique accom­pagne les images : elle doit sem­bler natu­relle. Et pour « Retour au Groen­land », pou­voir béné­fi­cier d’une musique com­po­sée pour le film était une vraie chance afin de créer l’am­biance par­faite, et faire en sorte que la musique change de tona­li­té ou de rythme au bon moment ! Ça nous a pris quelques mois, mais je suis vrai­ment ravie du résultat !

L’affiche

Erreur de débu­tant n°54 : ne pas pen­ser à prendre une pho­to pour l’af­fiche pen­dant le tour­nage ! Et pour en avoir par­lé avec d’autres jeunes réa­li­sa­teurs, c’est une erreur clas­sique. On se concentre sur le film, et on oublie com­plè­te­ment ce détail qui est pour­tant primordial.

Une bonne affiche, c’est com­pli­qué, quel que soit le film. Dans mon cas, ça m’a occu­pée quelques jour­nées, et fina­le­ment, je ne suis pas mécon­tente du ren­du qui est assez fidèle au film.

Les festivals

Je vais vous avouer une chose. Dans ma jeu­nesse, pen­dant mes études d’au­dio­vi­suel, plu­sieurs de mes courts-métrages ont été dif­fu­sés en fes­ti­val. Et à chaque fois, c’é­tait hor­rible. J’a­vais envie de vomir pen­dant toute la pro­jec­tion avec l’im­pres­sion que mon film de trois minutes durait des heures et la ten­ta­tion de par­tir en cou­rant pour évi­ter de croi­ser les regards de spec­ta­teurs. Par­ler en public n’est déjà pas chose simple, mais pré­sen­ter un tra­vail per­son­nel est un véri­table exer­cice ! Pour autant, je trouve ça génial d’al­ler à la ren­contre du public, de répondre aux ques­tions, et d’é­cou­ter les cri­tiques, même néga­tives. Ce sont des échanges qui offrent un regard neuf sur le film, et qui per­mettent aus­si d’a­van­cer et de pro­gres­ser (car je compte bien réa­li­ser d’autres documentaires !).

Pour l’ins­tant, quelques dates sont déjà calées avec des fes­ti­vals sym­pa, et je met­trai les dates à jour au fur et à mesure sur la page prin­ci­pale du blog ain­si que sur la page dédiée au film (je vous tien­drai éga­le­ment au cou­rant sur face­book et twit­ter). Cer­taines de ces pro­jec­tions s’ac­com­pa­gne­ront d’a­te­liers pho­to, d’ailleurs !

Quelques photos souvenirs prises pendant le tournage

Je suis par­tie avec ma fille qui avait presque 2 ans à l’é­poque, mon père, et Mon­sieur Oreille qui a joué les assistants.
Nous avons tour­né à la fin de l’é­té 2016, entre mi-août et début sep­tembre, dans la région de la baie de Dis­ko, entre Sisi­miut, Ilu­lis­sat, Saq­qaq et Qeqer­tar­suaq. Je vous ai déjà racon­té une par­tie du voyage sur ce blog (et vous pou­vez retrou­ver tous les articles sur le Groen­land ici). Place main­te­nant à d’autres images mon­trant... les coulisses !

Voya­ger avec ma fille, et par­ta­ger tout cela avec elle, fut une expé­rience géniale. La voir s’é­mer­veiller pro­cure tou­jours un véri­table sen­ti­ment de bon­heur. Pour autant, gérer un tour­nage avec un enfant n’est pas chose aisée !



Elle avait pra­ti­que­ment 2 ans à l’é­poque. Un âge où les enfants ont envie de bou­ger mais pas for­cé­ment de suivre un sen­tier pen­dant des heures... On a donc essayé de trou­ver l’é­qui­libre entre les moments ran­do dans le porte-bébé, les moments de jeu et de liber­té. Et de temps à autre, je par­tais seule avec mon père pour aller dans des endroits moins acces­sibles, faire des time-lapse, ou même réa­li­ser cer­taines interviews.

Les inter­views, jus­te­ment, n’ont pas été simples à gérer. Il fal­lait trou­ver des habi­tants qui parlent anglais, qui acceptent d’être fil­més, et qui soient là au moment du ren­dez-vous. Je m’at­ten­dais à ren­con­trer des dif­fi­cul­tés, à ce que peu d’ha­bi­tants parlent anglais, mais je ne pen­sais pas que ce serait aus­si com­pli­qué de les fil­mer. Nous avons été bien accueillis, les groen­lan­dais nous sou­riaient faci­le­ment. Pour autant, il y a plu­sieurs inter­views que je n’ai jamais pu faire car les per­sonnes contac­tées ne sont pas venues ou n’é­taient pas chez elles à l’heure fixée ! J’ai appris plus tard que c’est assez clas­sique chez eux : s’il fait beau, il n’est pas rare que tout le monde aban­donne ce qui était pré­vu pour par­tir chasser.

Heu­reu­se­ment, nous avons quand même ren­con­tré de nom­breuses per­sonnes pas­sion­nantes et ado­rables, dont Knud, ci-dessous.

Et maintenant ?

Eh bien, cette expé­rience a été très enri­chis­sante et j’ai déjà com­men­cé la mise en prod de mon pro­chain docu­men­taire. Je crois que j’y ai pris goût !

Cré­dit pho­to : cer­taines des pho­tos de cet article ont été prises par Jean-Michel Amiot.

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1 commentaire

Marie 1 novembre 2017 - 20:46

L affiche du film est vrai­ment géniale
Heu­reu­se­ment qu » elle avait été oubliée au moment du tour­nage... En tout cas, cela fait envie d aller voir ce documentaire.

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