
You are new entering Free Derry, un des symboles locaux
Derry ou Londonderry ?
Sur la route de Londonderry, tous les panneaux de signalisation sont tagués : le London est rayé, ne laissant que le Derry. Je relis les quelques pages de mon guide parlant de la ville. Que faut-il dire ? Derry ou Londonderry ? Car c’est bien de la même ville qu’on parle, Derry-tiret-Londonderry, tout au nord de l’Irlande du Nord.
Les animateurs de télévision diront Londonderry une fois, avant de dire Derry. Les gens ne voulant froisser personne diront Derry-Londonderry. Mais bien souvent, on entendra simplement Derry. Car il faut se souvenir de l’histoire récente de l’Irlande du Nord, et comprendre que Derry fut un des points principaux de celle-ci. C’est d’ailleurs pour cela qu’il me paraît intéressant de commencer un voyage en Irlande du Nord par Derry : on appréhende la partie « Histoire récente » avant de se plonger dans les paysages.
Un monsieur m’a dit une phrase très intéressante : la différence entre l’histoire de France et l’histoire d’Irlande, c’est que la leur est encore actuelle. Et force est de constater que, partout, je vais croiser des gens qui auront souffert des évènements, perdu un proche, connu des blessés. Pour autant, même si les convictions de certains restent profondes, tout le monde s’évertue à passer à autre chose, à avancer. Intérieurement, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec Sarajevo, ville magnifique, gens accueillants, stigmates encore visibles, et cet espèce d’inévitable point Godwin, à chaque rencontre, où la personne évoque toujours la guerre encore récente. En tant que voyageur, on est surpris : on ne comprend pas pourquoi cette dame nous dit que son fils est enterré à Sarajevo, pourquoi ce monsieur nous dit que son frère a fait partie des prisonniers du « block H », ceux qui ont fait la grève de la faim. Tout cela nous semble bien trop intime, je ne me sens presque pas digne de recueillir ces histoires sur lesquelles je n’ai pourtant posées aucune question. Puis, le voyageur comprend que le local a besoin d’en parler, non pour se confesser mais pour pouvoir dire que tout ça est fini, qu’ils avancent vers autre chose aujourd’hui.
Petit rappel historique
Pour plus de détails, vous pouvez vous référer à Wikipédia mais pour la version courte, ce qu’il faut retenir, c’est qu’en 1920, l’Irlande a été séparée en deux : l’Irlande du Nord restant attachée au Royaume-Uni. Vers la fin des années 60, des affrontements ont débuté entre les deux camps. On dit souvent qu’il y avait d’un côté les catholiques et de l’autres les protestants mais en réalité, il s’agissait moins d’un conflit religieux que politique, les catholiques étant en majorité nationalistes (et républicains) et les protestants unionistes (voulant rester attachés à la Grande Bretagne). Au coeur des protestions, il y avait l’égalité des droits civiques, notamment (le droit de vote étant accordé de façon pas très égalitaire).
Les affrontements ont été très violents, avec notamment le Bloody Sunday où l’armée a ouvert le feu sur des manifestants nationalistes pacifiques : c’était à Derry, en 1972, 14 personnes ont été tuées, dont la moitié étaient des adolescents. Depuis les années 90, un processus de paix a été entamé, même s’il aura fallu presque deux décennies pour que la paix soit réellement effective. A l’heure actuelle, il y a forcément encore quelques extrémistes (mais quel pays n’en a pas...) mais les gens ont surtout envie de passer à autre chose. J’aurais tendance à croire que la crise aura aussi aidé les gens à se souder plutôt que se déchirer.
Derry et les fresques commemoratives
Derry ayant été un des bastions de cette révolte républicaine, la ville en garde quelques traces. Dont ce petit tiret qui rend son nom si compliqué, les nationalistes ne voulant pas avoir un « London » (ai-je seulement besoin de vous dire que London est la version anglaise de Londres, la capitale britannique ?) dans le nom de leur ville.
Le coeur de la résistance était dans un quartier nommé Bogside, un quartier très populaire aujourd’hui encore, où l’IRA avait ses quartiers. Le Bogside de Derry est connu pour ses fresques, des murs entiers couverts de peinture pour raconter les évènements. On est plus dans le commémoratif que dans le revendicatif, et ça prend aux tripes. On retrace ainsi 40 années de lutte, chaque fresque étant expliquée par un petit panneau qui mérite une lecture.
Si vous visitez Derry, vous pouvez vous joindre à des visites du quartier organisées par les habitants. Ceux qui militaient hier se sont reconvertis...
We want to move on : Derry capitale de la Culture
Pour l’année 2013, l’Irlande dans son ensemble organise de nombreux évènements, et Derry en profite doublement, ayant été élue capitale de la Culture. Du coup, si vous y passez, regardez le planning, il y a des choses très variées auxquelles assister ! (Lien : Derry sur le site de l’Office de Tourisme d’Irlande en France)
De mon côté, j’ai pris part au « Carnivale of Colours ». En soi, ce n’est pas conçu pour être une manifestation touristique mais c’est justement ça qui me plaisait : deux après-midi, dans un parc, avec des familles irlandaises venues s’amuser. Concerts, conteurs, cours de djembé, artistes de rue, pièces de théâtre, de cirque, ateliers maquillage... Il y en avait pour tous les goûts. L’ambiance était à la détente, aux rires.
Mon premier marathon
En parallèle au carnaval se tenait le premier marathon de Derry, le Walled City Marathon (en référence aux remparts qui cerclent l’hyper centre-ville. Non, je n’ai pas essayé de le courir, j’ai juste apprécié le suivre un petit peu. Il partait devant mon hôtel, ce qui était fort pratique, puis faisait une boucle dans la campagne et sillonnait la ville dans tous les sens. Ici, pas de kenyans surentraînés, mais surtout des locaux, contents de participer. D’ailleurs, au bout de 5 miles, beaucoup étaient déjà en train de marcher. Mais qu’importe, même en arrivant 8h après les premiers, ils seront toujours applaudis sur le chemin. Et je crois que c’est ce que je retiendrai de ce marathon : des gens qui ne se connaissent pas, et s’encouragent pourtant mutuellement (enfin, j’ai quand même eu l’impression que beaucoup se connaissaient). C’est hyper émouvant, de voir quelqu’un passer, avec les jambes qui tremblent mais l’envie d’aller jusqu’au bout : et là, les passants l’applaudissent, les voitures klaxonnent. Et je trouve ça hyper courageux, d’aller jusqu’au bout, même si le vainqueur aurait déjà eu le temps de le faire trois fois.
Il y avait même quelques fauteuils roulants (juste dépassés par le trio de tête des valides, mais c’est logique vu le nombre de côtes du parcours), et là, on se dit qu’ils ont une sacrée motivation... En bref, je n’ai jamais aimé regarder le sport. Pourtant, j’ai passé un bon moment sur le marathon, bon endroit pour discuter, pour voir toute une ville soutenir 2000 coureurs.
Dans le prochain épisode, on prend la route pour commencer l’itinéraire sur les traces des paysages de Game of Thrones (l’Irlande du Nord étant l’un de leurs principaux lieux de tournage), dont vous retrouvez le résumé et tous les lieux géolocalisés ici.








4 commentaires
J’adore la photo des fantomes qui courent le marathon ! Top!!!
J’avais ressenti exactement la même chose que toi à Sarajevo. Des personnes t’arrêtent dans la rue pour te parler de la guerre, mais j’avais l’impression que cela leur faisait du bien aussi de voir des touristes venir et s’intéresser à leur histoire. C’était très touchant. C’est intéressant de savoir que tu as eu un peu le même ressenti en Irlande...
Oui, très bizarre cette sensation, parce que tu sais pas trop quoi répondre... En soit, leur histoire m’intéresse, mais je suis quand même mal à l’aise lorsqu’un inconnu me parle de choses aussi intimes que la mort d’un proche, avant même de me dire son prénom.
Mais oui, je suis sure qu’ils sont heureux de voir les touristes.
D’ailleurs, certains sont heureux de voir le G8 là-bas, non parce qu’ils soutiennent ce qu’il va s’y passer, mais parce que ça veut dire qu’une page s’est tournée...
J’aime bien la partie histoire de ton article.
L’histoire de l’Irlande m’a toujours intéressé, le Bloody Sunday, etc...
Tes photos sont superbes en tout cas, on retrouve bien l’ambiance Irlandaise !
Merci beaucoup pour la lecture.