Cet article est écrit dans le cadre d’un évènement particulier : la nouvelle édition de « La Boîte à Photos ». C’est quoi ? Hé bien, c’est une quinzaine de blogs francophones traitant de la photo qui s’associent pour proposer, tout au long de la semaine, une série d’articles sur un thème commun. Et pour cette nouvelle édition, c’est un peu particulier : nous fêtons l’anniversaire de la Boîte à Photos, un an ! Du coup, nous avons choisi un thème en correspondance : l’expérience. (tous les articles ici).
Vous pouvez aussi suivre l’évènement sur Facebook et Twitter ! (et on remercie au passage Laurent Vaissade pour le logo !)
Pour ma part, j’ai envie de vous proposer un article lié à la photo de voyage, bien sûr, mais un peu particulier par rapport à ceux que j’écris habituellement sur ce blog : un compte rendu d’expérience. Et le sujet de cette expérience ? L’expérience. C’est tiré par les cheveux ? Peut-être, mais je trouvais ça intéressant...
Introduction
En Avril 2009, je prenais l’avion pour la première fois. Mon Belge et moi nous apprêtions à embarquer dans le transsibérien, notre premier grand voyage. Avant cela, nous n’avions pas réellement voyagé. Et c’est en vue de ce périple que j’ai acheté mon premier reflex, quelques mois plus tôt : un 450d (un reflex entrée de gamme, donc) avec le 18–55is du kit, et un canon 100mm.
J’ai traîné l’appareil un peu partout (du Père-Lachaise au jardin de mes parents, on repassera pour l’exotisme, mais il faut bien s’entraîner !) pour le prendre en main, puis nous sommes partis passer un week-end à Amsterdam, l’occasion de tester une situation plus « voyage ». C’étaient mes tout débuts, et j’ai fait beaucoup d’âneries, comme ne pas garder tous mes RAWs, par exemple. Mais je me suis plutôt éclatée...
En 2009 comme en 2013, j’aime les lieux un peu déserts...
(Cliquez pour agrandir)
Conditions de l’expérience
En Mars 2013, soit 4 ans plus tard, nous retournons à Amsterdam. Les conditions sont pratiquement les mêmes : arriver en train le vendredi soir, repartir le dimanche, passer deux jours à pieds entre les canaux, sous un ciel bleu toujours gris.
Je n’ai pas regardé mes vieilles photos avant de partir, pour ne pas les avoir en tête et être trop influencée même si, forcément, certaines images me sont revenues.
Ce qui a changé entre 2009 et 2013 : mon matériel et mon expérience. Du 450d + 18–55 je suis passée au 5dII + 16–35 (et souvent 50 ce week-end-ci), et d’une photographe débutante (enfin, soyons honnête, j’avais quelques bases dues à mes études d’audiovisuel et mon boulot de retoucheuse photo...), je suis devenue un peu plus aguerrie (je commence à être publiée et mon premier livre sort bientôt chez Eyrolles. Sans être encore tout à fait professionnelle, j’arrive au moins à me faire plaisir et à réaliser les photos que j’ai en tête sans me heurter à un manque de connaissances techniques, même si je commets, bien sûr et heureusement, encore des erreurs).
Le but de l’expérience
La question posée par cette expérience photographique est simple : est-ce que, 4 ans plus tard, mes photos seront meilleures ?
En 2009, je ne savais pas corriger les déformations ni redresser les images (ou tout du moins, je n’y prêtais pas encore attention)
Postulat et frustration liée à la photo de voyage
L’une des spécificités de la photo de voyage, c’est qu’on ne reviendra que peu probablement sur place. Ainsi, quand on regarde ses photos au retour, il n’est pas rare d’enrager devant un gros loupé qu’on ne pourra pas recommencer de sitôt. C’est l’eternelle frustration du photographe de voyage. Il ne pourra pas non plus revenir tous les matins au même endroit pendant des semaines pour attendre la lumière parfaite.
Dès lors, on présuppose qu’être déjà venu sur place pourrait me faciliter la tâche (expérience (légère !) du lieu) et que mes progrès en photographie devraient me permettre de faire des photos dont je suis contente.
Pendant l’expérience, ressenti du cobaye
L’expérience en tant que telle m’a totalement bloquée. J’ai eu l’impression d’être en compétition avec moi-même, et ça a annihilé toute créativité. Pour autant, il faut nuancer cette remarque car ce ressenti peut être lié à la finalité de cette expérience ô combien scientifique : la publication sur un blog. C’est-à-dire afficher aux yeux de tous un résultat, quel qu’il soit, et craindre que ce soit un échec.
Ainsi, je me suis retrouvée en constante hésitation, à me dire intérieurement « non, c’est nul », sans être capable d’essayer des choses. Toutes mes photos me semblaient banales, je n’arrivais pas à me concentrer pour trouver des idées.
C’est une sensation que j’avais déjà eue, mais à moindre mesure : cette envie de ramener, de chaque voyage, des photos meilleures que sur le précédent voyage. Voire même, en plein voyage, ne pas réussir à faire de photos un jour parce qu’on a l’impression que tout était mieux la veille...
En 2013, j’essaie souvent d’avoir un premier plan sur mes images
Conclusion de l’expérience
Il faudrait réitérer l’expérience dans d’autres conditions pour vérifier l’influence qu’a le cadre de ladite expérience. Un cobaye ne se comporte pas de la même manière dans un laboratoire. Pour autant, voici les conclusions que je peux en tirer :
L’inexpérience photographique libère l’envie d’essayer des choses par simple curiosité. On n’a aucune barrière, on ne se préoccupe pas de règles, on essaie ! L’inconvénient, c’est qu’on n’a pas les connaissances techniques pour forcément en tirer le meilleur : méconnaissance des règles de la photo (c’est bien de passer outre mais pour contourner une règle correctement, il faut déjà la connaître) et autres difficultés techniques (difficile de faire ce que l’on veut réellement tant qu’on n’a pas le matériel bien en main).
L’inexpérience des lieux du voyage est à double tranchant : d’un côté, on ne sait pas forcément où aller ni quand, et on passe sans doute à côté de beaucoup de choses. Mais d’un autre côté, on voit la ville d’un regard totalement neuf, en étant curieux de tout, ouvert à toutes les bifurcations. Et on va sans doute plus facilement être attentif aux détails qui ne nous surprendront plus avec le temps. Par exemple, quelqu’un me racontait cette semaine que les touristes en Afrique s’émerveillent au moindre zèbre pendant les premiers jours, puis finissent par ne plus y faire attention, tellement il y en a partout : mais si ça se trouve, la meilleure photo de zèbre était là, sous leurs yeux, le dernier jour du voyage, alors qu’ils n’étaient plus assez extatiques pour la voir ?
A Amsterdam, c’est pareil avec les vélos et les canaux. Au début, on photographie chaque canal puis ; rapidement ; on trouve qu’ils se ressemblent tous et on n’est plus attentif.
Alors, est-ce que mes photos de 2013 sont meilleures que celles de 2009 ?
Je me rends compte que dans les deux cas, j’ai résolu le problème du mauvais temps (tout gris) en travaillant en noir et blanc, ou en désaturant légèrement. Mes cadrages de 2009 sont très approximatifs, mais j’espère continuer à progresser pour dire, dans quatre ans, que mes cadrages de 2013 étaient, eux aussi, approximatifs. Puisque c’est finalement ce qui est génial en photo : on continue d’apprendre, et dans le voyage, il y a toujours quelque chose à découvrir.
Et là c’est frappant : en 2009, je cadrais parfois très bizarrement !
15 commentaires
Il y avait déjà du bon en 2009 je trouve 🙂
Et tu gères carrément mieux le rendu du ciel gris en 2013 aussi 🙂
(visible dans le 3e exemple)
En 2009 tu shootais déjà direct en N&B ou c’est en post-prod ?
Je me dis exactement la même chose en voyant mes vieilles photos 😉 Début au 450D itou.
« Mes cadrages de 2009 sont très approximatifs, mais j’espère continuer à progresser pour dire, dans quatre ans, que mes cadrages de 2013 étaient, eux aussi, approximatifs. »
Tout est dit ! Merci pour cet article 😉
« Et là c’est frappant : en 2009, je cadrais parfois très bizarrement ! » (sur le dernier exemple)
Est-ce que ce n’est pas dû au facteur crop de l’APS‑C, qui ne pardonne pas en grand angle ? 18 sur le 450D, c’est très différent de 16 sur le 5DIII...
Expérience intéressante que de voir comment notre style photographique évolue au fil des années qui passent...
Aymeric
un article très intéressant et un compte rendu ainsi qu’une mise à nu si je peux dire fort instructif à tous photographes.. merci pour ce partage..
L’expérience comme facteur « bloquant », voila une approche originale et très pertinente J’ai fait le même constat que toi lors de mon dernier voyage en Laponie. Maîtrisant mieux maintenant mon réflex et les règles de la photo, combien de fois me suis-je prise la tête pour essayer de trouver de meilleurs cadrages, ou des idées plus originales, trouvant ce que je faisais nul, alors qu’auparavant je me lançais sans aucun complexe. C’est fou à quel point on peut se mettre la pression soi-même. On se mets peut-être aussi la barre trop haut. En tous cas, tes photos 2013 sont très convaincantes:-)
C’est un excellent exercice de photographier à quelques années d’intervalle les mêmes sujets.
La maitrise technique peut être supérieure mais j’y vois aussi un bon moyen de voir l’évolution de la vision du photographe. Avec le temps qui passe, on évolue et on ne souhaite pas forcément montrer les mêmes choses.
[...] « Une expérience sur l’expérience en photo de voyage » par Aurélie de madame-oreille.com [...]
Hmmm... A la lecture, on dirait que tu regrettes cette « innocence » perdue.
Est-ce que t’amuses plus maintenant que tu maîtrises plus ?
« En 2009, je ne savais pas corriger les déformations ni redresser les images (ou tout du moins, je n’y prêtais pas encore attention) »
Par corriger, s’agit-il d’une correction post-production ou au moyen de réglages mieux maîtrisés ?
Merci pour l’article qui met en perspective les progrès que je vais faire d’ici 4 ans 🙂
Même question que Jessica pour la déformation – Je sais qu’il y a un mode dans lightroom pour corriger les déformation de chaque couple boitier/lentille – c’est à ca que tu fais référence (auquel cas faudrait peut être que je le fasse systématiquement)
Pour le reste, le traitement du noir et blanc s’est bien amélioré en post-prod aussi, j’avais d’ailleurs beaucoup aimé ton article à ce sujet sur photoshop. Si tu veux faire le même sur lightroom hésite pas !
Toujours un plaisir de te lire et heureux d’apprendre la parution prochaine
Merci de partager ce genre d’expérience. Tous photographes sait qu’il évolue, mais comment ?
J’avais lu un article qui expliquait aussi comment nous jugeons notre propre travail. Il y a des pics ou nous nous jugeons très bon, puis par la suite nous voyons que nos photos, aussi belles quelles soient, ressemble a celle de tout le monde..
Moi j’aime beaucoup de principe de faire un enquête sur soit même et sa propre évolution, ça fait apparaitre nettement le chemin parcouru, et peut être celui qui reste a parcourir !
[…] « Une expérience sur l’expérience en photo de voyage » par Aurélie de madame-oreille.com […]