J’entame le récit de ces trois semaines passées entre Moscou et Pékin tant que c’est encore présent.
Nous partons donc le samedi 4 avril direction l’aéroport CDG. Il faut dire que je n’avais jamais pris l’avion, c’était donc la première angoisse : vais-je avoir peur ?
Après avoir attendu, emballé notre unique sac dans du plastique, puis encore attendu longtemps, on embarque. Non, c’est bon, je ne suis pas tendue, tout se passe bien, on pourra prendre notre correspondance à Vienne.
Minuit et demi, on arrive enfin à Moscou et on commence les formalités du pays : cartes d’immigration (comme si les formulaires des visas n’étaient pas assez compliqués, il faut aussi remplir ces cartes et aller voir une agence pour payer, encore, un enregistrement) tamponnées par de charmants douaniers qui adorent les photos et sourient tout le temps.
L’aéroport est désert. On récupère rapidement notre sac et on se dirige vers la sortie où on est assaillis par des chauffeurs de taxis nous proposant leurs services. Un chauffeur déjà payé est censé nous attendre, mais aucun panneau ne porte nos noms. On le cherche, refusant toutes les propositions des taxis.
Deux aller-retours plus tard, on le voit enfin, au milieu des taximen. Ouf, c’est pas qu’on serait peureux, mais quand même. Direction le parking. On remarque que toutes les voitures sont crades. En fait, la neige fondue a libéré la poussière, et celle-ci est omniprésente dans la ville ; c’est réellement désagréable de se prendre des bourrasques poussiéreuses dans la figure. Heureusement, il a pas mal neigé, et un peu plu (si si, c’est une bonne chose, en fait)
En voiture. Notre chauffeur met de la musique. On aura droit au chart américain, quelques classiques britons et à Desirless. Pourquoi pas. Après tout, les panneaux avec Lara Fabian, Patrica Kass ou Mylène Farmer fleurissent partout, le meilleur de la culture française. On traverse la banlieue jusqu’au centre, et enfin, notre hébergement. Galina, prof de français, nous attend. Nous dormirons deux nuits chez elle avant d’aller prendre le train.
Au matin, nous discutons avec elle des choses à voir, car il est vrai qu’on n’a pas prévu grand chose à part la place rouge et le musée Pouchkine (qu’on ne verra même pas, au final !). Elle nous donne un plan touristique, nous montre les endroits sympas, et c’est parti pour la journée. Nous logeons dans le centre-sud ; nous remontons donc vers le Kremlin en passant d’abord par les vieux quartiers, les églises, les coins pittoresques.
On arrive au Kremlin, les touristes, les vendeurs. La place rouge est fermée (et on ne saura pas pourquoi).
On galère pour trouver un lieu où manger entre deux bâtiments en travaux. Car oui, c’est ce qui frappe tout de suite, des travaux partout !
Et on repart sur les boulevards pour rejoindre l’Arbat, rue commerçante un peu vide le dimanche dont on retiendra surtout les vendeurs d’animaux : dehors, des cartons avec des têtes de chiots qui dépassent... Au coin de la statue de Boulat, on décide de bifurquer, et là ça devient assez dramatique. Moscou, c’est un fort taux de chaumage allié à un fort taux d’alcoolisme, on le sent dès qu’on y arrive. Rajoutez ce caractère froid (les gens qui sourient sont des idiots), et vous mettez à coup sûr tous les touristes mal à l’aise. Mais avec ça, il y a aussi les grandes artères à 18 voies qui traversent la ville, avec leurs mauvais chauffeurs qui ne sont traversables que de deux manières : de rares passages cloutés avec petit décompte de 40 secondes (pile poil le temps nécessaire si on marche à bonne allure, mais on a vu un couple de personnes âgées obligé de s’arrêter au milieu) ou des passages souterrains. Dans ceux-ci, on trouve assez souvent des boutiques comme on en verra ailleurs en Russie : une vitrine, et une vendeuse derrière une fenêtre à qui on demande ce qu’on veut, que ça soit des denrées alimentaires, du déodorant ou des vêtements.
Mais parfois, ce sont de simples couloirs, et c’est comme ça que la journée s’est mal finie. En rejoignant notre quartier, nous sommes tombés sur un énième gros boulevard intraversable. Le périf parisien, à côté, c’est un petit chemin de campagne où il fait bon randonner. On a donc dû le longer jusqu’à trouver un passage clouté ou souterrain. Moscou n’est pas fait pour les piétons (et je ne parle même pas des handicapés), c’est le moins qu’on puisse dire. Après une relativement longue marche, nous trouvons enfin un escalier à descendre pour s’engouffrer sous l’avenue. Mais on s’arrête aussi vite. Le souterrain est vide, ni passants ni magasins, juste quatre silhouettes tenant des bouteilles d’alcool et un pitbull monstrueux qui nous fixe. Quand on vit depuis assez longtemps avec quelqu’un, on arrive à ne plus avoir besoin de parler : nous sommes remontés fissa à la surface, plutôt marcher encore trois kilomètres que s’approcher du chien. Et c’est comme ça qu’on s’est retrouvé devant l’immonde ministère des affaires étrangères bien éloignés de notre destination et un peu perdus. Un officier de police nous a indiqué sommairement en langage des signes notre chemin (faut pas espérer en trouver un anglophone) et nous sommes rentrés, pieds en compote et un peu dégoûté par une première journée assez effrayante globalement : on sent qu’on n’est pas les bienvenus...
Après une deuxième nuit sur un matelas aussi moelleux qu’un tatami, un petit-déjeuner ponctué par des questions de notre hôte sur les exceptions de la conjugaison française nous laissant perplexes, on repart pour une deuxième journée, mais en métro ce coup-ci ! On commence par notre obligation de la journée : aller dans une agence pour dire « oui oui, on est chez vous » au gouvernement russe et filer de la thune. Puis, direction le centre, à nouveau. Le métro est plus simple qu’à Paris (il n’y a pas de couloirs dans tous les sens avec cinquante sorties différentes possibles) à deux détails près : les stations sont en cyrillique (heureusement, le chauve s’y est mis) et quand il y a une correspondance, il y a deux noms de station, un pour chaque ligne. Et le métro est également beaucoup plus classe, statues, peintures, tout à la gloire du communisme et de l’URSS (CCCP) !
On arrive sur la place rouge, heureusement ouverte, et on comprend pourquoi elle est si célèbre. Fermée, on n’en voyait qu’une petite partie, rien d’impressionnant. Là, on longe le musée, le Goum (Гум), le tombeau de Lénine (Лeнин). On décide d’aller visiter Basile le Bienheureux (Храм Васи́лия Блаже́нного). L’intérieur est un dédale plein de dorures et de couleurs assez amusant.
Avant d’aller visiter le Kremlin (Кремль), on s’arrête dans un restaurant discret mais sympathique qui vaudra au chauve d’apprendre la valeur du rouble. Un jeune homme prend nos manteaux, sa collègue nous conduit jusqu’à un ascenseur pour nous installer à un étage pratiquement vide décoré dans un style médiéval. Je goûte ainsi mes premiers pelmenis (пельмени) aux champignons, très bons. Puis, à la fin du repas, dans un russe encore balbutiant, le chauve demande l’addition. Après avoir utilisé la carte bleue, le serveur revient vers nous en disant « ten ». Marc lui tend alors un billet de dix roubles. Le serveur semble s’offusquer et redit « ten » en montrant ses doigts. Il doit juger le pourboire trop faible, on redonne dix. Il redit « ten ». Bon, il veut dix au lieu de vingt, et le chauve reprend un des billets. Le serveur n’a pas l’air de trouver ça drôle quand nous comprenons enfin : il parle en pourcentage, et il ne s’agit pas de pourboire, mais de service non compris, alors forcément, quand on lui a tendu l’équivalent de 20 centimes d’euros pour tout salaire, il n’a pas dû apprécier...
On se dirige vers le Kremlin, juste à côté. J’avais lu dans le Routard qu’on ne pouvait y entrer avec un sac, donc, nous étions partis sans. Arrivés devant, on contemple les pictogrammes listant les autres interdits pendant que quelques touristes se font fouiller par des militaires à l’entrée.
Curieusement, on n’est plus très motivés, surtout en voyant les prix (je doute que le russe moyen puisse y rentrer). Finalement, on opte pour une balade autour puis dans les petites rues derrières, en suivant le guide pour connaître l’histoire des églises qu’on découvre tous les dix mètres.
Enfin, on se décide à rentrer pour se reposer et préparer nos sacs avant le départ en train. On rentre dans le premier métro pour prendre la ligne circulaire qui fait le tour du centre. On ressort trois stations plus loin dans un lieu qui ne nous dit rien. Les gens sont encore moins accueillants, on se sent clairement mal. Le pourcentage de gens clairement éméchés est très élevé. On remarque qu’ici, les gardes sont armés. On range les appareils photos, on aura toujours des têtes de touristes, mais sans attirer les convoitises. On s’éloigne au plus vite avant de chercher sur le plan où nous nous trouvons. Impossible de trouver la rue. On demande, personne ne veut nous répondre. On marche jusqu’à trouver un autre métro : nous avons pris le circulaire dans le mauvais sens et comme nous avions compté trois stations, et que nous n’avons pas vérifié avant de sortir, nous sommes à l’autre bout de la ville, dans le quartier de la gare, là où nous devons revenir à 23h30. On commence à stresser. Si l’endroit est aussi effrayant en fin d’après midi, qu’en est-il une fois la nuit tombée ? Et pour couronner le tout, en rachetant des tiquets de métro, le chauve se fait insulter pendant une bonne minute par la caissière, sans qu’on comprenne pourquoi...
On rentre. Galina ne comprend pas comment on peut prendre une ligne circulaire dans le mauvais sens, mais nous confirme que le quartier de la gare n’est pas un endroit très sympathique. Elle nous explique dans la foulée comment trouver notre train facilement (ce n’est pas une gare comme on l’entend chez nous, mais un alignement de quais dehors). On n’est pas très rassurés, voire même carrément flippés. Je ne ressors pas l’appareil photo de son sac et range mon bonnet vert fluo. On va la jouer discret sous des capuches. Je cache en même temps mes oreilles et mon visage, les russes n’aiment pas les piercings... C’est comme les noirs, on a eu beau être à l’affût, on n’en a vu qu’un, caché.
On s’engouffre dans l’étouffant métro le plus profond du monde, avec ses gardiens d’escalators. C’est un direct jusqu’à la gare. On arrive avec 15 minutes d’avance, le train est déjà là. On cherche notre wagon et on monte. C’est parti pour quatre nuits dedans.
[ à suivre... ]