Il y a quelques semaines, j’ai rencontré Tania. Elle a la vingtaine et prépare un projet intéressant. L’occasion d’échanger quelques mots, sur son voyage tout d’abord, puis sur la question du matériel dans de telles conditions climatiques. Interview par grand froid ! (d’où le titre pourri, je n’avais pas d’inspiration !)
Pour la blague, nous avons dû réenregistrer l’interview après que j’aie fait une très lamentable fausse manip. Mais d’après elle, les deuxièmes prises sont toujours meilleures...
Certaines des illustrations de cet article ont été faites ce dimanche par votre serviteuse, avec Mony Cazamea au maquillage.
Oreille : Je te laisse te présenter ?
Tania : Tania Houlbert, 22 ans. Je suis d’origine orléanaise, j’ai vécu en Sologne et je suis arrivée à Paris il y a trois ans pour faire un BTS audiovisuel, option montage. J’ai enchaîné avec une année en contrat pro (trois semaines en entreprise « rich media » pour apprendre le cadre et la réalisation) et je viens donc de finir mes études. Je suis restée dans la même entreprise et suis auto-entrepreneuse à côté : audiovisuel non stop ! (rires)
Et donc tu as pour projet de partir en Laponie ?
C’est un projet que je prépare depuis un an et demi. Ce sera mon second voyage et j’ai décidé d’en faire un projet audiovisuel pour lier mes deux passions. Depuis toute gosse, je lis pas mal de Jack London et la vision du film « Croc blanc » a dû pas mal m’influencer. « Woua, je veux faire du traîneau à chiens » (rires). Il y a deux ans, ma mère m’a offert un premier séjour de trois jours en traîneau dans le Jura. J’y ai rencontré un musher qui animait ces raids touristiques et il m’a présenté des contacts à lui. L’idée a muri pendant des mois et me voilà prête à partir !
photos de Tania, dans les Voges
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Je ne suis pas sûre que tout le monde sache ce qu’est un musher...
Ce sont les conducteurs de traîneau. On a toujours l’idée du fouet, mais ça en est très éloigné. Ils ont une meute autonome de 15 à 30 chiens. Autrefois, dans les régions nordiques, ils s’occupaient de la distribution du courrier, des médicaments, etc. Maintenant, c’est devenu une activité touristique. Ils emmènent des comités d’entreprises, des particuliers, en raid ; que ce soit un baptême d’un après-midi ou une grande balade de plusieurs jours, mais toujours en traîneau à chiens pour découvrir certaines régions de France, le Canada, ou la Laponie.
Le terme vient de « marche », pour faire décoller les chiens.
Donc l’idée c’est de ramener un documentaire ?
C’est un premier documentaire mais j’espère qu’il y en aura d’autres derrière. Ce sera un format moyen-métrage (de 13 ou 26 minutes selon les rushes qu’on aura) sur la découverte de la Laponie côté Suède. On part le 10 Janvier, pile pour les aurores boréales, au meilleur moment pour voir la région sous toutes ses lumières. On ira vers le cercle polaire, vers les montagnes en traîneau à chiens, ou en raquettes si les chiens fatiguent trop !
Ce sera un docu rythmé par les rencontres. On aura deux mushers et certainement un guide de montagne suédois et peut-être un « saamis » (éleveur de rennes).
photos de Tania, dans les Voges
Et vous êtes plusieurs sur ce projet ?
Je pars avec Guillaume Temps, mon meilleur ami. Il a rejoint le projet il y a trois mois parce que je me suis rendue compte que je voulais apporter un peu de fiction dans ce documentaire : deux citadins un peu farfelus qui ont soif de voyages mais ne sont pas du tout prêts pour vivre ce genre de choses. Ce sera 10% du docu, mais j’y tiens et je me suis rendue compte que je ne pouvais pas le faire seule. Il m’assistera au cadre et à la réalisation, et on échangera les rôles pour le prochain documentaire.
Avant la Laponie, tu avais déjà voyagé ?
J’ai fait mon premier grand voyage en Juin, pile à la période des moustiques, c’était génial ! (rires) C’était un road trip de 3000 km dans tous les parcs nationaux du Québec, en mode baroudeuse, avec la tente et l’appareil photo. C’était magnifique et très sympa. Ça m’a vraiment donné le goût du voyage, même si je l’avais un peu avant
Et une fois le documentaire monté, il se passe quoi ? On le voit où ?
On va en faire une version courte pour le web, qui sera diffusée sur pas mal de plateformes et j’espère que ça gagnera en visibilité grâce à nos partenaire (ci-gît un message subliminal, ndlr). La version longue sera destinée à des projections dans des cinémas de quartiers. On va essayer de faire quelques partenariats mais ce sera surtout sur Orléans, notre ville d’origine où j’ai déjà organisé des événements et où ce sera donc plus facile. Mais j’espère faire quelques projections sur Paris également ! Elles seront accompagnées d’expos photo.
Le but est aussi de le faire concourir dans les festivals en espérant revendre les rushes à des boîtes de prod, voir le documentaire entier. Plutôt pour des WebTV...
Entre Guillaume et toi, comment vous vous repartissez les rôles ?
Les rôles « fiction » sont définis, ils vont nous ressembler un peu ! Quant à derrière la caméra, on va s’échanger les rôles. Ça fait déjà un an que je travaille sur ce film, c’est moi qui vais le réaliser et Guillaume m’assistera. Pour le prochain, on inversera ! Ce n’est pas plus mal parce que c’est quand même un très gros boulot de préparation et ça permet de souffler un peu.
Et le prochain, une idée ?
Je pense qu’après un mois en Laponie, on va avoir envie de chaleur... (rires) Ce sera un pays un peu plus chaud, histoire d’alterner aussi les paysages. On tenterait bien l’Argentine, l’Amérique du Sud..
Tu reviendras ici pour nous indiquer comment partir avec un reflex dans un pays tropical (teaser inside, ndlr) ! Mais en attendant, restons sur le froid. Tu pars avec quoi comme matériel ?
On a opté pour le reflex car ça nous permet de n’avoir qu’un seul appareil pour la photo et la vidéo. On aura trois objectifs, histoire d’avoir du grand angle et de longues focales pour la photo animalière, même si je crains que notre énorme meute de chiens en folie fasse fuir les rennes !
On ne prend pas le haut de gamme tropicalisé, pour des raisons de poids et de finances, même si j’aimerais bien. Je craindrais moins pour mon 60D.. Le boîtier plastique est très sensible au froid. En-dessous de ‑10°C, il commence à faire du bruit, à ne plus se déclencher... Ce qui craint dans le boîtier, c’est la partie électronique. S’il gèle, il va s’adapter, c’est pas dramatique. Mais si je rentre dans une tente chauffée, une maison, ou même dans l’avion, le gel va fondre, créer de la condensation, et va s’incruster dans les circuits électroniques. Et c’est là que ça pose problème ! La solution, c’est d’avoir un étui en néoprène qui fait vraiment une deuxième peau. Il faut prendre quelque chose qui est spécialement conçu pour le modèle de votre appareil. Souvent, c’est conçu pour contenir un grip, et si on n’en a pas, l’appareil se balade dedans... Ça fait une deuxième couche imperméable, un peu comme les sous-vêtements thermolactyles pour grand froid, qui ramasse le gel quand il fait froid de sorte que le boîtier ne craigne rien.
Mais pour les changements de températures brutaux, je vais passer par un sac de congélation.
C’est un sac alimentaire ?
C’est un sac alimentaire ! Il faut qu’il soit un peu gros pour contenir le matériel (ça vaut aussi pour le matériel son). Comme c’est hermétique : toute la buée sera prise par le sac et non par le boîtier. Donc on est dans le froid, on le met dans le sac pendant 30 à 60 minutes avant de le rentrer au chaud, pour éviter le changement brutal.
Et pour les objectifs, il faut prévoir quelque chose de particulier ?
Les objectifs craignent moins parce qu’il y a moins d’électronique. Je les ai pris tropicalisés, et l’étui en néoprène recouvre un peu la connectique entre le boîtier et l’objectif. C’est davantage la buée dans un passage chaud-froid qui peut nous empêcher de prendre un belle photo !
Par contre, s’il neige trop, ou s’il pleut, je mettrai un petit sac plastique dessus, pour protéger de l’humidité.
Il me semble que par grand froid, la question de la batterie est assez primordiale...
Le lithium ne tient pas du tout quand il fait froid. J’ai appris ça de Viencent Munier : ce sera dans mes poches intérieures, dans une petite chaufferette à passer à la casserole toutes les trois heures, pour éviter qu’elles ne se déchargent trop. Et la nuit, les batteries seront dans mon sac de couchage, avec les optiques, pour éviter qu’elles ne prennent froid ! Le boîtier par contre restera à l’extérieur.
Et pour les cartes mémoires ? L’ordinateur ?
Je ne prends pas le risque de l’ordinateur, on ne pourra pas recharger la batterie. Je vais donc miser sur beaucoup de cartes, surtout en shootant en Raw et en filmant en Full HD, et peut-être un petit videur de cartes mais je n’ai pas encore trop confiance, et on revient au problème de la batterie. On va donc essayer de voir avec les mushers pour trouver une étape tous les deux ou trois jours afin d’accéder à un ordinateur et de vider les cartes mémoires...
Est-ce que tu prends un deuxième boîtier pour assurer, même si vous êtes déjà chargés ?
J’aimerais vraiment... Déjà, je vais assurer mon matériel pour pouvoir en racheter un rapidement en cas de pépin. On sera loin des villes, par contre. Après, peut-être un petit hybride avec un grand angle, pour shooter rapidement, même si je crains un peu pour le froid. Pas de compact parce que ça va nous lâcher... Peut-être un deuxième reflex, si on peut.
Le question du poids du matériel se pose peut-être un peu moins dans le cadre d’un voyage en traîneau à chiens, non ?
Se pose moins, c’est vrai, parce qu’on a tout le traîneau pour porter, mais se pose quand même parce que les chiens ne sont pas des machines, qu’ils vont être fatigués comme nous. S’il y a beaucoup de poudreuse, on va pousser le traîneau autant qu’eux vont le tirer, et en plus, on a tout le bivouac dans le traîneau, et toute leur bouffe ! Les sachets de croquettes pour 28 chiens, ça prend de la place !
Vous partez en Janvier. Quand est-ce qu’on peut espérer voir les premières images ?
On rentre fin janvier – début février. J’espère qu’une dizaine de jours plus tard, on aura un premier teaser avec les premières images. On va essayer de poster deux teasers par semaine en rentrant, et sans doute un mois plus tard une première version courte (13minutes) et un peu plus tard la version longue...
Et en attendant, vous pouvez toujours regarder la présentation du projet, sans Laponie mais avec beaucoup d’humour et de créativité :
Quelques liens :
25 commentaires
Sympa l’interview et la vidéo est excellente, vraiment drôle.
J’ai hâte de voir ce que ça va donner, donc merci pour la découverte !
Donlope : on aurait déjà envie de voir le film alors qu’ils ne sont pas encore partis !
Franchement ce projet est génial !! c’est vrai que j’au ssi hâte de voir la vidéo !! ça donne carrément envie de faire un raid en traineau !!!
Vraiment cool comme interview pour parler de ce sujet qu’est le froid sur le matériel.
Peut-on avoir un lien pour le revetement de l’appareil ?
En tous cas, la période est bien choisie pour voir des aurores boréales, puisque le soleil est très actif en ce moment, ce qui augmente considérablement les chances d’en voir. Ce n’était pas le cas il y a 2 ou 3 ans alors qu’elles se faisaient rares.
Estelle : je ne sais pas pourquoi, mais ton commentaire me rappelle un article... 😉
Adil : si Tania passe par ici, j’imagine qu’elle saura te répondre.. Je vais lui demander.
Arnaud : j’en déduis que tu y étais récemment.. En traineau aussi ? ça c’était bien passé avec le matériel photo ?
Récemment, pas vraiment, j’ai passé un an en Suède en 2002 – 2003, plus précisément à Stockholm. J’en ai profité pour visiter un peu la Scandinavie, notamment le nord. J’ai eu la chance de voir quelques aurores à Stockholm, mais moins que j’espérais.
Hello !
Article ô combien intéressant (comme tout ce que tu publies sur ce blog d’ailleurs ;)), et justement qui répond partiellement à mes questions sur l’utilisation d’un DSLR par grand froid (escapade à St Pétersbourg prévue en Février). Néanmoins je n’arrive pas à mettre la main sur une housse néoprène comme celle présentée ci dessus pour protéger mon petit 550D, connais-tu les références ?
D’avance merci beaucoup !
Chouette article !
Si vous voyez le père noël en Laponie, vous lui parlez de moi. 🙂
Ho non je ne vois pas lequel... 😉
Bon là je ne pourrais pas partir sur un coup de tête... J’aime pas le froid... T’as déjà voyagé par grand froid ?
Merci pour cet interview et la vidéo, ça me refait un peu voyager en Laponie suédoise où j’étais allée en janvier il y a quelques années. Ah le chien de traîneau (et oui il faut beaucoup pousser avec!)! Et les joies de l’appareil photo par grand froid. Bon moi j’avais un petit compact et n’étais pas du tout équipée, du coup, une chaussette, l’appareil photo dans la poche intérieure du manteau et ça a fait plus ou moins l’affaire ! 5 ans plus tard, l’appareil fonctionne encore donc...
Bonjour à tous ! Et merci pour ces commentaires sympatoches 🙂
J’ai mis du temps à le retrouver mais voici le tant attendu... lien vers l’étui neoprene ! http://www.lenscoat.com/bodyguard-clear-backsuptmsup-p-1036.html
Attention cependant dans cet étui tient votre appareil + son grip ! Et il y a des modèles pour 450/550/650D, pour 60D/7D et pour 5D/1D... (je suppose qu’ils font les mêmes pour Canon). Choisissez donc bien votre modèle.
J’ai vu qu’ils en faisaient aussi pour objectifs... Enfin vous trouverez votre bonheur !
Encore merci Aurélie pour cet article 🙂 Et contente que la vidéo plaise !
Tania : merci d’avoir pris le temps de passer. On saura dans quelques semaines si cet équipement aura été efficace 😉 (mais t’es pas drôle, t’aurais pu prendre une housse colorée en fait !)
Pierre-Antoine : St Petersbourg en février, ça devrait être sympa ! En Avril à Moscou, il neigeait encore... J’espère que tu as une bonne chapka ! Et c’est vrai que le 550d est assez fragile. Le mien est mort après une journée de crachin :/
Estelle : je crois que le pire que j’ai fait, c’était l’Écosse pour le Nouvel An... dans un hôtel où il y avait une minuterie pour le chauffage ! On s’était bien pelé mais je crois qu’à côté de la Laponie, c’est rien !
Ca fait vraiment envie, la Scandinavie est dans un coin de ma tête également 🙂
Vivement les premières images !
Top le lien vers la fameuse housse 😉 Un grand merci !
Effectivement la chapka sera de rigueur, mais j’habille aussi mon précieux 550D !
Héhé... Moi c’était à Londres à Noël y’a 2 ans : le chauffage dans la chambre était à fonds, mais le froid rentrait par les fenêtres qui dataient de Mathusalem... donc pareil, gelés !! Je te raconte pas le passage à la douche... LOL
En tout cas, pareil, j’ai hâte de voir les 1eres images et vidéos de ce voyage en Laponie...
Merci Tania pour le lien, c’est toujours bon a savoir. Ca protège de l’eau un peu ?
Bonjour,
merci pour cet article très intéressant.
@Adil : Le néoprène c’est une sorte de mousse donc ça doit protéger de l’eau un minimum mais pas autant que du plastique, je ferais un petit retour de mon expérience avec cette housse après la Laponie 🙂 Après il existe aussi des sortes de capuches pour appareil, en plastique... Mais toutes ces couches commencent à compliquer la manipulation !
@Madame Oreille : je me suis dit que la housse « camouflage » dans la neige, ça n’avait plus de sens !
Merci pour ton article et tous vos commentaires 🙂
Merci pour cet article. C’est vraiment intéressant tout ce qu’il y a à prévoir quand on va de le grand froid. Je fais pas mal de vidéos et je vais suivre vos conseils pour garder au chaud les batteries.
[...] Aurélie Amiot aka Madame Oreille – « Tania et le froid« [...]
J’arrive un peu tard mais je tenais à dire BRAVO à Tania pour tout son travail de réalisation. J’ai un peu farfouillé pour voir ses projets et je suis fan, c’est frais, dynamique, ça fait plaisir et en plus c’est beau !! Continue comme ça et j’ai hâte de découvrir tes prochains projets ! (voir aider en matière de postprod si besoin).
Merci encore Madame Oreille de nous faire découvrir tous ces petits trésors (je suis une grande fan des photos de Madame Oreille aussi).
Continuez comme ça et continuez de nous faire rêver !!
Merciiiiiii !
[…] Il y a quelques jours, Tania Houlbert m’a invité à la projection de son film Borealis tourné dans des conditions de froid extrême (à lire : Tania et le froid). […]
Une belle surprise de voir cet article par hasard après avoir rencontré Tania et Guillaume au festival ABM et après avoir vu le film qui est top par ailleurs. Je ne sais pas s’il y a eu l’interview pour les tropiques mais je sais que le second film est sortie sur le thème des tortues... Belle interview en tout cas !
Merci pour cette chouette interview Tania ! Ca me rappelle mon voyage avec mon copain en Laponie l’année dernière. Ce qui m’a marquée, c’est la ballade en chien de traîneau, c’était juste super !! A part le froid, c’était une aventure que je referais avec plaisir 🙂
J’imagine que tu es passée par une agence pour organiser tout ça ? J’ai entendu parler de http://www.globesetters.com/fr/ mais je ne sais pas exactement ce que ça vaut, tu connais ?
En tout cas merci pour le lien pour l’appareil photo, ce sera sûrement pratique pour notre prochain voyage et immortaliser les plus moments !