NUCICULTURE n.f. du latin nux, nucis (« noix ») et cultura ( action de cultiver). Culture du noyer, éventuellement du noisetier. Un·e nuciculteur·trice produit donc des noix.
Au cœur de la vallée de l’Isère, des noyeraies s’étendent à perte de vue. Du Haut Grésivaudan jusqu’à la Drôme, ce sont 6800 hectares de noyers que cultivent 868 producteurs de noix, sous l’AOP Noix de Grenoble.
C’est ici, au pied du Vercors, dans le village typique de Cognin-les-Gorges que j’ai rendez-vous avec Laurence Chavance, nucicultrice.
On ne peut pas louper la Ferme Michallet : une sculpture représentant une noix d’un bon mètre de diamètre signale l’entrée. Lorsque je rentre dans la boutique de la ferme, une dame est en train de casser des noix en écoutant la radio. Je me présente. Elle téléphone aussitôt à Laurence, puis, souriant à ma fille, lui demande si elle aime les noix. Réponse positive. Notre interlocutrice est ravie. « C’est très bien, parce que la noix, c’est très bon pour la santé, ça permet de... ». Pas le temps de terminer la phrase, Laurence vient d’arriver.
Laurence nous propose de la suivre sur l’exploitation familiale. En chemin, elle nous raconte l’histoire des lieux.
À la fin du 19ème siècle, la famille achète la ferme. Pendant plus de cent ans, les générations se succèdent et cultivent du tabac, des fruits, produisent des noix et du lait. Dans les années 80, le père et le frère de Laurence décident de développer l’élevage tout en plantant de nouvelles noyeraies. Mais quelques années plus tard, tout bascule. C’est la crise de la « vache folle ». La famille décide d’arrêter l’élevage pour se concentrer sur la nuciculture. Le bâtiment de stabulation devient station à noix.
Aujourd’hui, cela fait 20 ans que Laurence travaille dans le GAEC. Elle a remplacé son père, parti à la retraite, même s’il n’est jamais bien loin des noyers. Associée avec ses neveux, elle continue de produire des noix et le moment de notre visite correspond justement à la fin de la période du ramassage.
En approchant du bâtiment, Laurence nous explique qu’elle aurait dû terminer hier, mais l’un de ses collègues, d’une exploitation voisine, a eu une panne sur une machine. « Elles ne servent qu’une fois par an, on ne se rend compte qu’il y a un problème qu’au dernier moment », explique Laurence. Alors Laurence s’occupe de trier de les noix de son voisin, pour l’aider dans sa récolte.
La nucicultrice est occupée toute l’année. De février à mars, il faut entretenir les vergers : planter, greffer, tailler. Du printemps jusqu’à fin août, le travail se concentre sur le sol des noyeraies. Celui-ci doit être plat, et l’herbe bien rase, pour faciliter le passage des machines. Car l’étape suivante, c’est la saison du ramassage des noix. Exit les grandes gaules d’autrefois pour aller taper les branches ! On fait maintenant passer des vibreurs qui secouent l’arbre et font tomber les noix, avant le passage de la machine qui les ramasse. Ensuite, c’est la préparation puis la commercialisation des noix.
La Ferme Michallet a obtenu la certification bio depuis quelques semaines. Laurence m’explique que ça n’a pas changé grand-chose dans son travail : ils étaient déjà en agriculture raisonnée avant la conversion au bio. Le label est juste une reconnaissance de leur travail.
Ainsi, pour enrichir le sol autour des noyers, Laurence et ses neveux favorisent des engrais organiques, riches en magnésium et en potassium. Ils surveillent également beaucoup les arbres, afin d’agir contre certaines maladies, comme la bactériose et l’anthracnose, mais aussi et surtout contre deux insectes redoutés dans toute la filière nucicole : les carpocapses et les mouches du brou.
Les carpocapses, petits papillons de nuit, étaient déjà bien connus des producteurs de pommes et de poires. Mais depuis quelques années, avec le réchauffement climatique, ils commencent à s’attaquer aux noix. Les larves du carpocapse et de la mouche du brou raffolent des noix... et ravagent les vergers.
Pour s’en prémunir, Laurence installe des pièges à phéromones qui trompent les mâles et empêchent ainsi la reproduction d’avoir lieu.
Pendant que nous parlons, Bastien, le fils de Laurence, s’active à côté de l’installation. Une remorque, remplie de noix, attend d’être traitée. Laurence nous explique le déroulé de chaque étape. Lors du ramassage, la machine attrape tout ce qui se trouve au sol. Dans la remorque, au milieu des noix, on trouve donc aussi des cailloux et des morceaux de bois. Les premières machines vont ainsi trier et séparer pour ne garder que les noix, qui partent ensuite au lavage afin de retirer la terre, puis le brou qui pourrait être encore attaché.
Bastien met les machines en route. Le son des noix qui s’entrechoquent est infernal. Il porte un casque anti-bruit pour supporter le vacarme. Laurence attrape ses bouchons d’oreille et me fait signe de la suivre vers l’intérieur.
Dans le bâtiment, ce n’est pas moins calme. Ici, des milliers de noix circulent autour de nous. Laurence m’explique que l’équipe fait des pauses de temps en temps, mais que ce qui rend la chose supportable, c’est surtout que ça ne dure que pendant une période très courte. Courte mais intense.
Les noix, après ces premiers tri et lavage, ont encore un long trajet à faire avant de ressortir. Certaines étapes ont pu être automatisées, d’autres nécessitent toujours une intervention humaine.
Ainsi, devant un tapis roulant, un homme trie les noix qui sortent de la laveuse. À la main, il retire celles qui ne sont pas bonnes. Il a l’œil. Ses mains parcourent la récolte à toute vitesse. Je peine à faire la mise au point, lui reste impassible, concentré.
L’une des étapes les plus importantes arrive ensuite : le séchage. Pendant trois à cinq jours, il faut surveiller continuellement le taux d’humidité dans le cerneau (la partie comestible de la noix) tout en envoyant de l’air chaud (mais pas trop !).
La Noix de Grenoble est une Appellation d’Origine Protégée. C’est-à-dire que non seulement sa zone de production est délimitée (seules celles produites sur les territoires de 261 communes, dont 184 en Isère, ont le droit à la dénomination), mais en plus elle doit correspondre à certaines normes en matière de production et de qualité.
Laurence me parle, ensuite, de la couleur des cerneaux, qui doivent être dorés, mais aussi du calibrage. C’est l’étape importante qui va déterminer quel pourcentage de la récolte pourra bénéficier de l’AOP.
Une fois séchées, les noix passent donc dans une machine qui va les classer selon leur diamètre. Si la Noix de Grenoble peut être issue de trois variétés de noyers (franquette, mayette ou parisienne), son diamètre doit dépasser 28mm. Il en est ainsi pour les 14 000 tonnes de Noix de Grenoble produites chaque année dans la vallée !
Avant de partir, je demande à Laurence quelles sont les bienfaits de la noix pour la santé. Sa belle-sœur, qui nous a accueillies à notre arrivée, n’avait pas fini sa phrase ! La noix réduirait les risques de maladies cardiovasculaires, renforcerait le système immunitaire, et serait pleine de vitamine E. Mais ce que je retiens surtout, c’est que, pendant ce temps-là, Petite Oreille se régale...
La boutique fait de la vente directe, ainsi que de la vente par correspondance. Appelez avant de passer pour vérifier les heures d’ouverture.
Téléphone : 04 76 36 22 94
16 Rue de Chaponnière
38470 Cognin-les-Gorges
Cet article a été écrit dans le cadre d’une collaboration avec l’Office de Tourisme de Saint-Marcelin Vercors Isère.
2 commentaires
Bonjour,
Habitant cette petite, mais très agréable commune de Cognin les Gorges depuis le printemps, j’ai été attiré par votre article pour de nombreuses raisons ! D’abord, par ce que j’ai la chance et le privilège d’habiter juste en face de La Ferme Michallet, ensuite parce que j’adore les noix, et surtout à la lecture de votre pseudo » Mme Oreille » car l’anecdote c’est qu’il y a quelques jours, j’ai demandé à Laurence de visiter la « station » de production, alors en plein fonctionnement. Comme vous, j’ai été « agressé » par le bruit, étant retraité de l’industrie pharmaceutique et agro-alimentaire, j’ai quelques problèmes d’audition et je me suis senti obligé de conseiller à Laurence la plus grande prudence pour ses oreilles. Effectivement, le personnel porte soit un casque, soit de bouchons d’oreilles, et la production ne dure que quelques semaines. Merci pour votre reportage et aux mais touristes de passage, n’hésitez pas à visiter Le Grand Séchoir de Vinay, et vous n’aurez plus aucun secret sur la NOIX de Grenoble !
Merci d avoir posé votre regard sensible sur notre belle région. Vos photos sont magnifique , elles font la part belle à l’humain, aux gestes, à la nature.
Au plaisir de vous suivre pour découvrir d autres ambiances.