Wiki a dit : Entéléchie signifie donc littéralement : « fait de se tenir dans ses limites » ou « action de conserver ce qu’on possède ».
C’est une affirmation qui ne met pas en cause notre capacité à faire de bonnes photos sans rien savoir d’un pays, mais je suis persuadée qu’on ne peut pas débarquer dans un pays sans savoir un minimum à quoi nous allons devoir faire face.
Tout d’abord, une bonne photo de voyage est une invitation au voyage. Il faut donner envie d’aller dans les mêmes endroits que vous. Et pour cela, c’est simple : il faut aimer le pays, prendre du bon temps.
Un exemple, en Inde : on est confronté à beaucoup de choses difficiles (pauvreté, saleté, ...). Il faut réussir à faire abstraction des points négatifs, très présents dans un tel pays. Dès la sortie de l’aéroport de New Delhi, vous passez devant des bidonvilles, voyez des gamins estropiés faire la manche, des cadavres sur les trottoirs. Je ne suis pas journaliste, je n’ai pas de compte à rendre sur la pauvreté, les conditions de vie (cf. article sur l’éthique du voyageur photographe). Je suis forcément touchée, mais ce n’est pas mon rôle de le photographier. J’ai essayé de me focaliser sur le positif, de photographier des gens souriants. Bref, de donner une belle image du pays. Et je crois que c’est là que l’on peut se dire qu’on a fait une bonne photo : quand elle plaît à quelqu’un qui vit là-bas.
C’est mon premier point : laisser ses préjugés à la maison, se blinder, ne pas faire de comparaisons injustes. Bref, aimez le lieu où vous vous trouvez, et partagez votre « amour » !
Et puisque vous vous passionnez pour votre destination, ce sera alors un réel plaisir que de se renseigner à son sujet. Et on arrive à mon deuxième point, le sujet qui me tient à cœur aujourd’hui : connaître l’histoire du pays, ses mœurs, sa culture.
Est-ce qu’on verra dans votre photo de la place Rouge que vous êtes capable de citer tous les dirigeants russes sur 4 siècles ? Non. Par contre, vous saurez ce qui est important, ce qu’il faut mettre en valeur. L’espèce de cube moche, là-bas ? Bof, c’est moche. C’est qui Lénine, d’abord ?
C’est surtout important dans votre approche même du sujet. Culturellement, nous n’avons pas tous le même rapport à la photographie. Certains peuples en sont friands, d’autres beaucoup moins. Pire, on ne peut pas tout prendre en photo, et cela va changer selon les pays.
Tout d’abord, il va y avoir l’aspect légal. En effet, vous n’aurez par exemple pas le droit de photographier dans certains métros. Dans d’autres endroits, ce seront les trépieds qui seront interdits. Si, généralement, il ne s’agit que d’un simple rappel à l’ordre, ce n’est quand même pas très agréable de devoir expliquer à des policiers qu’on ne savait pas, surtout quand ceux-ci parlent rarement anglais...
Et puis il y a des choses plus floues, ces sujets sensibles qu’on peut légalement photographier mais qui sont susceptibles de nous attirer des soucis. Il y a plein de détails à connaître, qui dépendront de votre destination, mais il y a cinq « valeurs sûres » sur lesquelles il vaut mieux se renseigner :
- Les femmes
C’est très sensible, surtout que ça peut très vite changer. Je ne vous apprends rien si je vous dis que dans pas mal de régions, les droits de la femme sont en pleine régression. Et c’est notamment dans ces zones qu’il peut être compliqué de leur tirer le portrait, voire même, de nouer un contact, surtout si vous êtes un homme. Il faudra donc connaître les limites à ne pas franchir : se demander si certains contextes sont plus propices que d’autres, si l’âge, le statut marital ou social, a une influence. Le but est de ne heurter personne, mais également d’éviter tout problème...
- Les enfants
C’est, malheureusement, un peu comme les femmes : l’enfant peut être d’accord pour poser sans que ça n’empêche un adulte de débarquer pour tout gâcher. C’est plus vrai dans les sociétés occidentales, où on a de plus en plus peur des photos. Ainsi, il est impensable d’aller faire des photos d’enfants jouant dans un parc parisien, surtout si vous êtes un homme, quadragénaire, et que vous portez un long imperméable. Blague à part, certaines sociétés protègent beaucoup leurs enfants de la photographie, voire des étrangers. A l’inverse, dans d’autres endroits, les enfants vous assailliront pour jouer devant l’objectif et ce sera à vous de vous imposer une limite.
Par exemple, un jour, des gamins qui jouaient dans l’eau m’ont demandé de prendre des photos. Problème, ils étaient nus... Et ça nous amène directement au point suivant !
- La nudité
Le rapport au cœur, la pudeur, sont, là encore, très différents d’une contrée à l’autre. De manière générale, il faudra différencier la nudité « naturelle » et la nudité « érotique ». Par exemple, une femme pourra accepter d’être immortalisée en train de donner le sein à son enfant, mais pas en train de se laver.
A titre strictement personnel, je me méfie aussi beaucoup de la nudité des enfants. Elle ne me gêne pas, mais je ne me vois pas la photographier. Aussi, pour reprendre l’exemple plus haut, j’ai attendu le moment parfait où « rien » ne serait visible (la vignette qui illustre cet article). Sinon, j’aurais cadré sur les visages.
- La religion
Sujet délicat, forcément ! Vous pouvez être au Paradis, avoir 100% de réponses positives pour les portraits, et ne pas avoir le droit de prendre en photo un caillou qui symbolise un Dieu. Et là, impossible de le deviner... Certains lieux touristiques seront ornés d’un petit panneau, d’autres pas. De manière générale, il faudra être hypra respectueux, éviter le flash, et ne pas mitrailler si le bruit de l’obturateur résonne trop !
- L’armée (et autres machins du même genre)
Autre sujet délicat, et pour lequel ou va trouver trois types de pays : ceux où ça dépend de l’humeur du militaire, ceux qui sont très fiers de leurs costumes, et ceux dont il ne vaut mieux pas croiser le regard...
En conclusion, savoir comment agir face à ces situations vous évitera des soucis, mais vous permettra aussi de savoir quelle approche choisir !
Certains d’entre vous ont probablement des anecdotes à raconter sur le sujet ?
Par exemple, notre guide-interprète en Mongolie nous avait parlé d’un groupe de touristes qui avait reçu des cailloux : ils avaient voulu photographier des mongols en plein dépeçage. Là-bas, ils adorent les photos, mais ne supportent pas le fait de ne pas y être en valeur. Ils sont capables d’aller se changer pour être à leur avantage sur vos photos de vacances !
14 commentaires
Sans partir à l’étranger on rencontre les mêmes problèmes d’un quartier à un autres, d’une ville à un village etc ... tout dépend finalement de la culture.
Parfois les gens se battent pour être pris en photos et savoir ou et quand elle sera diffuser et sur un autre terrain il se battront pour ne pas que leurs têtes soient affichées.
C’est pareil avec les policiers qui selon les circonstances sont plus ou moins d’accord pour etre pris en photo, c’est pourtant la même personne ...
Très bon article ! Au final comme l’article sur l’éthique c’est que du bon sens mais c’est de le rappeler que les gens ne pensent pas forcément comme nous. Étrangement je trouve que le sujet des enfants et plus sensible en occident que dans les pays en développement. Personelement, il y a plusieurs occasions où j’aimerais le prendre en photo mais que je n’ose pas à cause de cela.
Pour les femmes, je trouve qu’on voit très bien ce qui ce passe dans ce documentaire :
http://www.youtube.com/watch?v=kQyTgIWQbiU&feature=related&fb_source=message
Le grand Steve Mccurry part à la recherche de la fille afghan et on voit qu’il faut l’autorisation des maris pour voir les femmes alors qu’avec les enfants, aucun soucis.
l avantage de photographier les Chats et les gens ?
la passion que le touriste/photographe à de commun avec le local ‚cette boule de poil individualiste et cela change complètement l’approche
Pyrros : c’est complètement vrai ! D’un jour à l’autre, selon le lieu, les circonstances... On peut photographier un homme à moitié nu à la gay pride mais ne pas obtenir l’autorisation de ce même homme un jour où il sera assis à la terrasse d’un café ! Dans certains quartiers, un simple plan large pourra nous valoir quelques réflexions.. Il faudrait tâter le terrain avant chaque sortie.
Adil : on a de plus en plus un blocage en occident, malheureusement. Mais en même temps, je peux comprendre les parents, on ne sait pas ce qu’il va advenir de la photo... Alors qu’ailleurs les enfants sont souvent les premiers à valoir être pris en photo !
(j’adore Steve McCurry !)
Bacri : ah c’est sur que les chats n’ont pas les moyens de se défendre :p T’as déjà fait des séries avec les chats et leurs humains de compagnie ?
le chat étant politiquement incorrecte ( ce qui me plait en lui)si il n’apprécie pas le Photographe il se tire .
la plupart du temps quand je voyage ( le dernier voyage d’automne Laos ‚Thaïlande,Birmanie)c était pour photographier les chats dans les monastères avec les moines mais surtout les nonnes habillées de rose en Birmanie
le prochain sera les chats au pays du maneki neko(Japon)au printemps et en automne les chats des moines Tibetains
sur le blog ce sont exclusivement les photos de jeunesse du chat Photographe
Très bon article, j’adore !
Lorsque j’ai fait un article sur la Thaïlande, j’ai appris qu’il ne fallait surtout pas se moquer du roi et de son image. J’ai donc appris, qu’un touriste avait été emprisonné après avoir déchiré un billet thaï, parce qu’il y avait le visage du roi dessus !
Comme quoi, il faut faire très attention aux cultures locales !
Merci pour cet article en tout cas !
Je travaille pour un site de voyage en parallèle à mon blog (de mode, ça n’a donc rien à voir ^^) et je n’hésiterai pas à te recontacter !
Manon
Bacri : oui, il est un peu frustrant ton blog, d’ailleurs 😉 C’est intéressant comme approche, de se focaliser sur angle aussi précis.
(made in)Faro : C’est exactement le genre d’exemple que j’adore ! On ne peut pas deviner seul que ce sera aussi mal vu, surtout que ça vaut de la prison ! Après tout, en Thaïlande, les chauffeurs de taxi se moquent de notre petit président, on pourrait attendre la même chose vis à vis de leur roi..
Repasse quand tu veux 😉
Je ne suis pas trop d’accord avec le paragraphe number trois – mais ça doit être une déformation de journaliste. Ce n’est que mon opinion mais je pense que pour aimer un pays, justement, il faut savoir voir et accepter les défauts que tu cites. Ne photographier que les « belles » choses, est-ce que ce n’est pas une autre facette du préjugé ? Est-ce que ce n’est pas véhiculer d’autres préjugés lorsque l’on montre ces photos à d’autres personnes qui n’ont jamais visité le pays ? Ca m’arrive parfois d’entendre des énormités du genre : « ils n’ont pas beaucoup de choses mais ils sont plus heureux que nous ».
Bref, de mon côté, je serais plutôt pour « sublimer » les choses que l’on pourrait juger tristes, sales ou dérangeantes. Pour reprendre ton exemple, prendre la photo d’un gamin estropié mais qui offre un sourire énorme, franc, vivant, comme pour dire que « ce n’est pas si grave et que la vie va de l’avant » – j’ai déjà vu une telle scène mais ... à ce moment là, je n’ai pas osé la prendre en photo.
je suis d’accord avec Chris
Chris : Je pense que je n’ai pas forcément formulé ça très bien. Je ne crois pas qu’il faille se limiter au « beau », c’était plutôt l’idée de montrer le positif, de ressortir le meilleur, d’oublier un peu le négatif. Bref, de ne pas jouer le misérabilisme (au final, ça revient un peu à sublimer, comme tu le dis). Alors bien sur, le « bon sauvage pauvre mais souriant » est aussi un préjugé grossier... Quand je regarde des photos de Sarajevo prises récemment par des voyageurs, je vois beaucoup de noir & blanc et de gros plans sur des impacts de balles. Alors que c’est une ville magnifique, avec un centre historique très agréable, très sûr. Ces traces ne sont pas représentatifs de la ville, et on n’a pas besoin des touristes pour savoir ce qu’il s’y est passé... Dans la même idée, les cimetières musulmans sont très beaux, avec les pierres blanches : on peut alors évoquer la guerre sans faire une photo triste. Tu vois ce que je veux dire ?
Mais c’est aussi un point de vu « photo de voyage », et pas « reportage ». On a forcément des approches très différentes !
Bacri : oui, il est un peu frustrant ton blog, d’ailleurs 😉 C’est intéressant comme approche, de se focaliser sur angle aussi précis.
on photographie et on voyage selon son caractère ‚et on ne me surnomme pas Bacri pour rien
pour moi le blog est un travail à long terme ‚pour comprendre quelqu’un il faut connaître sa jeunesse
pour le moment j’archive les images ‚car je ne pense pas pouvoir pendant les voyages assister ‚le chat dans ses photos ‚editer les photos traiter les images et ecrire un texte
me concentrer sur un sujet aussi précis me permet d’être un spécialiste sur mon sujet
Oui effectivement, en Thaïlande, il ne faut surtout pas dire du mal du roi ! Les thaïlandais ne rigolent pas avec ça parce c’est d’office la prison ! Et j’avoue, qu’il faut se contenir parce l’image du roi est omniprésente, sur tout supports possibles et imaginables, ça m’avait beaucoup marqué. Et les photos le représentant sont kitchissimes à souhait et datent d’au moins vingt ans quand il était encore jeune.
Et aussi de ce que je me souviens, un homme peut être pris en photo avec un moine sans problème mais pas avec une femme.
D’où l’importance comme tu dis de bien se renseigner sur sa destination et/ou d’avoir un bon guide sur place.
hola Madame le escribo desde centro america trabajo en el instituto nicaraguense de turismo y me gustaria saber mas informacion sobre su blog, como cuantos seguidores y visitantes tiene y el perfil de su blog, porfavor.
gracias
Article datant de 2013 mais reste intéressant et on ne peut plus vrai !
Au Pérou, certains gamins dans les lieux les plus touristiques sautaient devant l’objectif de l’appareil photo (alors que mon truc c’est plutôt les paysages sans PERSONNE dessus quand j’ai décidé) puis demandaient de l’argent... Dans le Cañon del Colca, près d’Arequipa, en pleine nature, on avait croisé un petit groupe (genre 4 hommes et 2 mules) d’une communauté pendant le trek... Evidemment, on les a pris en photo... Et le guide nous a expliqué après (parce qu’il a vu qu’ils sont passés sans s’arrêter ou sans nous causer de problème) que certaines communautés deviennent agressives et refusent les photos, parce qu’elles pensent que l’appareil capture l’âme du sujet (personne ou animal), et que ça aurait pu mal tourner... Donc de faire attention... On n’a plus croisé personne après, mais on s’en souvient !
Il faut respecter les gens, et se renseigner un minimum sur les us et coutumes, les traditions, les courants de pensée... Et on passe un bon voyage ! Avec plein de belles photos au retour...
Perso, avec les paysages, j’ai rarement eu des problèmes éthiques 😉