Mardi 6 mars. Il est 17h30 et je n’ai pas encore écrit la moindre ligne pour l’article de demain. Depuis que j’ai lancé la nouvelle formule du blog, c’est la première fois que je prends du retard. Et même si je bosse beaucoup sur le carnet du Mali, je ne peux pas dire que c’est faute de temps.
Ce n’est pas non plus une panne d’inspiration. Là-dessus, je n’ai aucun scrupule : si un jour ça m’arrive, je ne me forcerai pas.
Non, c’est un problème de conscience.
Je devais terminer mon récit par le retour à Bamako, pour attraper notre avion et rentrer bosser à Paris. Là où j’hésite, c’est dans ce que je dois dire de l’hôte local de la Case à Voyage. Le travail qu’effectue l’association est génial, et être accueilli chez l’habitant a vraiment donné une autre dimension à notre voyage. Si l’un de vous part bientôt au Mali, ou même au Sénégal, je l’encourage vivement à opter pour ce type d’hébergement.
Le problème, c’est que je n’ai pas aimé mes derniers jours à Bamako, et que je ne veux pas que ça puisse nuire à l’association. Pour autant, et pour rester honnête, je ne conseillerais à personne l’hôte de Bamako. En fait, si, je leur dirais d’aller chez Moustapha pour les premiers jours, histoire d’être accueillis, de découvrir les habitudes du pays, puis d’aller à l’hôtel pour découvrir la ville et apprécier le séjour.
Alors voilà, je vais vous raconter nos derniers jours, vous vous ferez votre avis, mais j’espère que vous comprendrez que ça n’est pas représentatif des hôtes maliens de La Case à Voyage.
Nous sommes passés trois fois chez Moustapha : à notre arrivée, en redescendant sur Siby, et à la fin. C’est un vieux célibataire plutôt bavard et sympathique, mais jusque-là, je lui trouvais trouvais surtout trois gros défauts : le fait que son appartement soit un fumoir (il n’y a que deux pièces, ça se répand forcément, et en tant qu’asthmatique ça ne me réussit pas trop), le fait qu’on soit dépendant de lui pour se balader (le quartier est sympa mais excentré, et à chaque fois, il appelait un copain à lui, à qui on payait la journée et l’essence pour être chacun à l’arrière d’une moto) et le fait qu’on paye beaucoup de choses (si sa moto tombe en panne, c’est nous qui payons le garagiste, et elle tombe souvent en panne).
Lorsque nous sommes rentrés de Siby, ça a mal commencé. Le Belge avait voulu se faire faire un boubou sur mesure, avec une broderie particulière. Moustapha nous avait donc emmené chez un ami à lui, et il était maintenant tant de retourner le chercher. Problème, alors que le quartier regorge de tailleurs, l’ami se trouve lui à l’autre bout de la ville, et il n’a aucun copain motorisé disponible. On tente vainement de parler de transports en commun et le Belge part finalement seul, derrière la moto de Moustapha.
Me voilà seule dans deux pièces vides, sans famille avec laquelle échanger (il a déménagé depuis quelques jours, la petite Ma n’est plus là...), sans télé à regarder, sans radio à écouter. Je n’ose pas m’éloigner, ils doivent revenir vite, alors je grimpe regarder le paysage depuis le toit. Il ne se passe rien dans la rue. Je m’ennuie. J’essaie vaguement de faire la sieste, sans réussir à dormir. Le soleil commence à se coucher quand le Belge revient enfin, encore plus agacé que moi : l’après-midi entier consacré au boubou. En fait, Moustapha en a profité pour voir ses potes, voir sa copine, passer pour la quarantième fois chez le garagiste (on se demanderait presque si ce coup-là n’est pas une arnaque pour nous soutirer de l’argent).
Avant que la nuit ne tombe, nous sortons chercher quelques trucs à grignotter. Le Belge aurait bien voulu trouver de la bière, mais on n’en voit nulle part. Moustapha se propose alors de ressortir en acheter. Oui, il est gentil ! On lui tend un billet, en lui disant d’en prendre pour lui. Il revient avec quatre bouteilles, deux pour lui, deux pour nous, et sort de sa poche un petit sachet de gin, pris avec la monnaie restante (il n’allait pas gaspiller...). Il nous explique qu’il aime bien siroter la bière doucement, mais du coup est toujours en retard sur l’ivresse de ses copains. Alors il rajoute du gin. Parce que oui, c’est en plus un grand buveur et un gros consommateur de cannabis, et même s’il est léger là-bas, ça ne nous réjouit pas de grimper derrière sa moto, sans casque (« j’en fume un petit avant, pour ne pas avoir peur des voitures »).
Je termine mon laïus (dieu que ça fait du bien !) avec notre journée du samedi. J’avais repéré dans nos guides de voyages quelques trucs sympas à faire à Bamako, l’occasion d’enfin en découvrir le centre. J’ai donc expliqué à Moustapha ce que je voulais voir et faire : trouver des cartes postales et les envoyer, acheter une kora pour ma sœur, voir quelques marchés. Il appelle Bouba, son copain à la moto, on paie tout le monde, on paie les pleins d’essence, et vers 10h on part. On roule, je regarde tout autour. Lorsqu’on arrive au marché de l’artisanat, Moustapha nous lâche, ne supportant pas la foule.
On repart bien chargés (je voulais faire ça à la fin, pour ne pas porter les souvenirs toute la journée...), on reprend les motos, et Moustapha nous propose une pause dans un bar. Ils ne servent que de la bière, du coup le Belge sort me chercher une boîte de jus de mangue dans la rue et on paie la tournée générale (il faudrait un « chtliiing $$$ » de dessin animé à chaque fois). Bon honnêtement, payer une bière de temps en temps, ça ne me dérange pas, au contraire, je n’aime juste pas les redondances.
Quelques minutes plus tard, il nous propose d’aller manger dans un bon restaurant où il va souvent. C’est désert mais ça semble propre. Le menu présente des prix corrects. On demande un plat, ils n’ont pas ; une autre, ils n’ont pas non plus. On finit par choisir parmi ce qu’il énumère et on découvre en payant l’addition que c’est le plat le plus cher de tout notre séjour (même dans les restaurants à touristes de Ségou...). Ça me rappelle vaguement les rickshaws indiens qui vous emmènent chez des amis tenant des guesthouses qui sont en fait hors de prix pour avoir la commission... (et franchement, c’était pas top : un poussin et quelques frites molles...)
« Bon, on rentre ? » nous demande Moustapha. Je lui dis qu’on doit encore aller à la poste et qu’après c’est fini. Il me répond qu’elle était en centre-ville, qu’on est loin maintenant. Résultat, il est 14h, je voulais voir Bamako et j’ai surtout passé 2h entre un bar et un restaurant.
J’enrage en arrivant, ayant vraiment l’impression qu’il nous prend pour des porte-feuilles sur pattes. Je force le Belge à ressortir : on a tout l’après-midi devant nous, et je veux voir la ville. Et ce coup-ci, on prend un taxi. On constate au passage que ça nous aurait coûté bien moins cher qu’en prenant les motos. Le chauffeur nous dépose devant la Poste et on apprend, un peu verts, que le samedi, elle n’est ouverte que le matin. Les heures suivantes vont nous faire découvrir Bamako à la recherche de timbres, qu’on vendrait dans tel ou tel endroit, mais à chaque fois les stocks sont vides. Les maliens n’envoient pas beaucoup de courrier...
A l’aéroport, une boutique vend des timbres, nous dit-on. On croise les doigts mais c’est loupé, le dimanche tout est fermé. On postera nos cartes postales depuis Paris...
Bon, j’arrête là-dessus, et je me concentre sur la ville !
Si je vous dis que les trois photo ci-dessus ont été prises dans une capitale, vous y croyez ?
Lafiabougou, c’est « le quartier de la paix », là où vit Moustapha, et on vient y acheter du bétail ! Sur quelques centaines de mètres, les bords de route sont occupés jour et nuit par des moutons, des chèvres, des vaches et des chevaux. Les maliens ayant beaucoup d’humour, à chaque balade le long de la route, on s’est vu proposer des animaux...
La ville est entourée de collines. La théorie veut qu’on puisse monter dessus pour admirer la vue. Le problème, c’est qu’entre brouillard et pollution, on ne voit pas très loin...
Mais ça reste l’occasion de visiter les quartiers les plus à l’écart, où on se sent comme dans un petit village.
Dimanche, après avoir passé l’après-midi à regarder des mariages défiler, nous sommes allés à l’aéroport. Moustapha n’était pas là pour nous dire au revoir, on a glissé la clef sous la porte et on est allés se poster sur le goudron, après avoir fait nos adieux à toute la rue. Deux minutes plus tard, nous étions dans un taxi, à revivre une nouvelle fois ce moment horrible qu’est la fin d’un voyage.
L’aéroport est l’un des plus pourris que je connaisse. Au même niveau que Beauvais, je dirais. Trois boutiques se battent en duel, et celle qui nous faisait venir plus tôt était fermée : pas de timbres. Et interdiction de rentrer à l’intérieur plus de deux heures avant l’embarquement. Du coup, on a passé la soirée à se faire bouffer par les moustiques.
Nous sommes arrivés le lundi, en retard, forcément, après une nuit dont le calme m’a surpris (j’avais rarement aussi bien dormi). Une douche et au boulot, les vacances sont finies.



17 commentaires
Je suis allée faire un tour sur le site de la case à voyage : il est noté qu’ils ont des constacts avec uniquement 10 familles au Mali. Il n’y que ces 10 familles où tu peux dormir, ou bien ces 10 familles sont des relais pour pouvoir aussi dormir chez d’autres gens ?
C’est toujours triste la fin d’un voyage...mais bon, l’avantage du blog et du carnet c’est que tu te replonges souvent dedans.
Concernant la Case à Voyage, le concept est vraiment super, après ca paraît normal qu’ils ne puissent avoir le contrôle de tout. Merci pour le retour tout du long du récit, au global, l’expérience semble avoir été plutôt vraiment positive
Hé bien dis-donc, ça c’est du récit. On sent que tu en a gros sur la patate, et personnellement je te comprends. C’est agaçant quand tu « dépend » des autres et qu’ils en profite. Ce qu’il fait en soit est franchement absurde, il ne se rend pas compte que sur le long terme il est perdant. Malheureusement ce genre de personne ne pense qu’au cours termes...
En tout cas comme d’habitude tes photos sont magnifique... Mon objectif est d’arrivé à produire la même qualité de photo que toi à terme, et j’avoue que j’apprend beaucoup grâce à ton blog...
Estelle : non non, ce ne sont que les familles chez qui tu peux dormir (mais si jamais y’a un soucis, j’imagine qu’ils ont les contacts pour te loger ailleurs). C’est une toute petite structure, donc il n’y a pas vraiment foule !
Donlope : voilà ! c’était génial de bout en bout, et on termine sur du négatif, mais qui ne doit pas bloquer les quelques lecteurs qui tomberaient ici après une recherche google !
Tunimaal : c’est sûr qu’au final, ça donne juste envie d’être radins :/ Il nous a longuement répété la liste de tous les objets qui lui avaient été offerts en cadeaux, frigo, cafetière, etc. mais nous, on n’a rien laissé, sauf notre carte sim avec 10€ dessus !
(mon objectif à moi, c’est de continuer à progresser pour atteindre le niveau de Mc Curry :p )
Ah ! Je connaissais ça les superbes voyages qui finissent sur une note particulièrement négative, c’est très très frustrant ! Dommage...
Mmmmh... moi je l’aurais laissé tomber le m’sieur Moustapha ! Avoir la certitude d’être considérée comme un porte-feuille ambulant est une des choses qui me rebute le plus.
Très belles photos, comme toujours.
Hâte de lire ton carnet.
NowMadNow
Lauren : ça a mal commencé, ça a mal fini... heureusement, que ça a été super entre les deux :p
NowMadNow : franchement, j’ai hésité. Mais on avait payé les nuits d’avance, et mon côté bonne poire m’empêche souvent de m’énerver et de planter les gens.. On était aussi obligés de repasser par chez lui pour récupérer le boubou, notamment. Enfin, c’est pas grave, le reste de voyage était top et les familles géniales !
Le carnet est en bonne voie, j’espère le finir dans les jours à venir !
Je te souhaite vraiment d’atteindre le niveau de Mc Curry, que je ne connais pas d’ailleurs :)... J’aime bien parce que même si tu as un très bon niveau tu veux encore progresser... C’est vraiment cool...
Moi je veux atteindre un bon niveau d’ici à 2 ans pour mon tour du Japon à pieds que je projette de réaliser
Je comprends tout à fait ta frustration quand au Mustapha et son états d’esprit. On a beau avoir un niveau de vie supérieur au leur, on apprécie jamais se faire prendre pour une poire... C’est un peu ce qui nous est arrivé à Madagascar, le jour de notre visite de l’Ankarana... Heureusement, le reste du séjour t’as laissé de meilleurs souvenirs.
tunimaal : ce serait triste si on ne progressait plus, non ? Mc Curry c’est un des monstres sacrés de la photo de voyage. Il a beaucoup photographié l’Asie, et l’Inde (le pays le plus photogénique au monde, petit joueur ^^ )
Tu as déjà commencé à préparer ton tour à pieds ?
LadyMilonguera : il vous était arrivé quoi à Madagascar ?
C’est vrai que c’est plus une question de rapports entre nous que vraiment d’argent (je raconte même pas tout dans l’article ^^ mais je retiens surtout que c’est un très mauvais gestionnaire).
Oui définitivement ce serait triste....
Pour mon tour à pieds je suis encore dans la phase de réflexion sur le projet en soit (à savoir par où commencer et quand exactement). Ce que je sais c’est qu’en Juillet 2012 je veux revenir à Tokyo avec un visa étudiant de 2 ans pour apprendre le Japonais en école.
Ensuite en 2014, je veux courir le marathon de Tokyo en février et dans les mois qui suivront commencer mon tour du pays sur un an (voir un peu plus) à pieds.
Mais je vais avoir beaucoup de questions à gérer :
– le visa (les Japonais sont très embêtant que les visas)
– le climatique (il y à un risque de 70% d’un tremblement de terre de 7 sur Tokyo dans les 4 prochaines années avec une forte probabilité d’éruption du Mont Fuji qui paraliserait Tokyo pendant 2 semaines) ajoute à cela la vingtaine de typhon annuel et les 2 saisons de pluies.
– la logistique
– le financier
– ...
Mais je vais le faire, c’est mon but et je ferais en sorte d’y arriver. J’aimerais être en mesure de prendre un certain genre de photos durant ce voyage et me faire plaisir tout en prenant mon temps.
En ce moment je travaille sur la mise à jour de mon blog sur le Japon en publiant les articles que je n’avais pas publié depuis plusieurs mois. il faut que ce blog me serve de support pour ce tour
voilà un très beau voyage ... que tu as fait à temps !
bravo pour les photos, anecdotes et autres intéressant récits -
comme d’hab : tu es la reine !
tunimaal : donc tu as déjà tout prévu, en fait ^^ (il ne reste que quelques détails !)
lyse : merci 🙂 Oui, il parait qu’il ne fait plus bon y aller. Je ne sais pas ce qu’il en est réellement sur place, mais j’espère que le tourisme ne baissera pas encore plus..
CCA (c’est ça l’Afrique) 🙂
Merci pour ce récit, tas bien du kifer !
en tt cas Mali c sur prochaine destination en afrique inchallah !
en attendant bon retour mec!!!
Moi aussi je suis toujours triste de partir, de rentrer chez moi surtout quand je sais que c’est le boulot, le métro, les cours, la pluie qui m’attendent et pas la mer.
Ton récit, mine de rien, me donne encore plus envie d’être rapidement en aout et de partir au TOGO.
J’habite en Afrique (au Sénégal) et même s’ils nous connaissent maintenant, on sommes toujours considérés comme des portefeuilles ambulants par eux. La dernière fois j’en parlais avec un artisan qui me disait « c’est normal il faut comprendre les temps sont durs et tout coûte cher ». Je n’ai toujours pas réussi à le convaincre que les temps sont durs pour tous le monde et que l’argent ne nous tombe pas du ciel !
quel récit magnifique,moi j’avais l’intension de visiter le Sénégal dans mes prochaines vacances, mais en lisant ton récit je pense que je vais passer par le Mali, ce pays à l’air intéressant