Je vous livre ici le contenu d’un carnet de route.
J’ai longtemps hésité avant de publier ce récit, très différent de ce que vous pouvez habituellement lire sur ce blog.
J’y parle de choses personnelles et intimes.
Je tiens à prévenir les lecteurices les plus sensibles que certains passages évoquent des scènes de violence, notamment sexuelle.
Dans le train, juillet 2020.
J’entame ce carnet comme un testament. L’envie de hurler au monde mon histoire. Que quelqu’un sache ce qu’il s’est passé. Comme si ça pouvait changer quelque chose.
Je suis partie.
Il y a plein de façons de partir. Partir travailler, partir en week-end, partir en voyage. Et puis il y a les grands départs. Ceux dont on ne reviendra pas. Quand on se prépare à une nouvelle vie, un nouveau départ.
Pendant des années, j’ai voyagé pour fuir. Je suis passée maîtresse dans l’art du départ. Plier les t‑shirts, ranger les culottes, attraper deux brosses à dents et embarquer ma fille quelque part, loin. Loin.
Mettre de la distance, nous offrir une respiration. Nous étions heureuses pendant quelques jours, quelques semaines. Troquer la peur contre les rires.
Au milieu des rizières d’Indonésie, dans les champs de thé du Sri Lanka ou quelque part dans les campagnes françaises, nous pouvions redevenir une mère et sa fille. Elle jouait avec les autres enfants. J’avais l’impression de lui offrir une belle vie malgré tout. Une parenthèse.
Je savais que ça ne durerait pas. Nos fuites n’étaient que de courte durée. Chaque départ appelait un retour. J’avais beau partir le plus longtemps possible, il fallait toujours rentrer. Adieu les rires, l’insouciance. Les amis rencontrés sur place allaient nous manquer, mais nous regretterions surtout l’impression d’une vie normale, pleine de légèreté.
Je regarde le paysage défiler. J’aurais aimé écrire une envolée lyrique sur le roulis du train, les bruits de la machine. Mais c’est un TGV. Tout ce que j’entends, ce sont les gens autour de moi.
Tu serais mon conseiller bancaire. Voilà une heure qu’elle lui explique comment diversifier son patrimoine immobilier ainsi que le principe des actions. Tu ne peux pas être un grand financier sans être attentif au monde qui t’entoure. Tu vois, y’en a qui ont réussi à anticiper la crise du Covid en sortant l’argent avant que la bourse ne s’écroule ! Elle est blonde, petites lunettes, marinière rouge et blanche. Elle enchaîne sur les classes moyennes françaises qui font confiance aux universités, pour toi y’a ce qui s’appelle les grandes écoles, mais il faut d’abord qu’ils t’acceptent. Le gamin réplique “mais j’ai de bonnes notes !”. Il doit avoir 9 ou 10 ans.
À côté de moi, deux jeunes adolescents comparent les fesses de la copine de Rapinoe, celle qui est bonne, au foot hein, et de la gardienne de l’équipe de France. Voilà 3h que le train est parti. Ils ont joué à “Devine qui c’est ?” avec des joueurs de foot. Puis au petit bac avec des joueurs de foot.
“Mais il ne faut pas que tu oublies que le plus important dans la vie, ce sont les valeurs humaines”, conclut la maman de devant.
Place 11. Le train file à travers les champs. Place 11, comme le 11 janvier. Le jour où j’ai su qu’il fallait que je parte.
« tu vas sauter »[20:27, 11/01/2019] Aurélie : Il m’a jetée sur le tipi. Il m’a poussée violemment, agrippée par le poignet. Avec des insultes. Connasse. Alice pleurait. Il puait l’alcool. « quand ma fille demande quelque chose, on lui donne »[20:33, 11/01/2019] Aurélie : Le tipi est cassé
J’ai choisi une boucle, un itinéraire où on revient au point de départ. Ce n’est pas un voyage initiatique où la marche transcende l’héroïne. Je vais tourner en rond. Mes pas n’ont plus d’importance, je n’ai aucun contrôle sur ma vie. Oh, j’ai essayé. Je me suis battue. J’ai passé des nuits dans des dossiers. J’ai accumulé les preuves. Tout ce que je trouvais. Mais la justice m’a broyée.
Le bruit du classeur qu’on referme. La voix froide qui annonce. Je rendrai ma décision le 22 novembre, d’ici là Alice reste scolarisée à Houilles. Sans un regard. Je m’effondre. Ma tête tourne. Mon avocate me presse vers la sortie. On reste impassible devant un juge. Même lorsque intérieurement on a envie de hurler. Rester à Houilles ? Retourner chez moi, chez nous, avec lui ?
C’est un jour d’automne comme un autre à Versailles. En d’autres occasions, j’aurais visité la ville. Les feuilles craquent sous mes pieds. Lui repart tranquillement. Moi, ma vie s’effondre.
C’est à cet instant que j’ai compris que j’allais devoir me battre. Que rien ne me serait facile. J’avais confiance en la justice. Je pensais que si on avait un bon dossier, on nous croyait. Je pensais qu’ils nous protégeraient, ma fille et moi. Je pensais que si je documentais tout, que je démontrais qui il était, j’aurais le droit de partir. Je pensais que ce jour marquait la fin du calvaire, ce n’était en réalité que le début.
J’entends la voix de son avocate dans ma tête. Madame Amiot cherche à faire passer Monsieur pour un monstre, alcoolique, violent, misogyne, raciste... La vérité, c’est que ce ne sont que des disputes de couple, et que c’est Madame qui les provoque pour pouvoir se placer en victime.
Une prise de sang, pour prouver qu’il n’est pas alcoolique. Quelques témoignages de gens que je ne connais pas pour dire qu’il est formidable. Et puis des mensonges, bien sûr. Et s’il ne s’est jamais occupé de sa fille, c’est parce que j’ai un emploi du temps allégé. Quant à sa collection d’armes, il aurait suffit que je demande pour qu’il s’en débarrasse, voyons.
C’est bien connu. Les 149 femmes mortes en 2019 auraient d’ailleurs pu y penser. Hé, s’il te plait chéri, j’aime pas trop quand tu menaces de me tuer, tu peux arrêter ?
Mon voisin est silencieux. Il a acheté un magazine à la gare, pour se donner une contenance, sans doute. Mais il n’a pas lâché son téléphone depuis que nous avons quitté Paris. Quant à moi, je garde les yeux vers la fenêtre. Le masque cache en partie mon visage. Et heureusement. Ce masque en tissu, c’est ma carapace face au monde extérieur. Je contemple les sommets qui commencent à se dessiner. Et personne ne peut savoir ce qu’il se passe sous le masque.
J’ai eu quelques jours pour trouver un endroit où vivre. Aucune famille sur place, mais obligation de déposer ma fille tous les matins à l’école. Je n’ai pas eu le choix. Si elle loupait un jour de classe, je perdais toute chance d’avoir la garde. Je la condamnais.
Petite ville de banlieue sans réel charme, aucun hôtel. J’ai épluché Booking, Air BnB, Clé Vacances, Abritel. J’ai appelé. Déjà pris, ne veut pas d’enfant, pas disponible. J’ai élargi mes recherches jusqu’à trouver un petit appart dans une ville voisine. 1500€ les trois semaines. Ce que je ne savais pas à ce moment-là, c’est que le délibéré aurait deux semaines de retard. Puis encore deux semaines. Puis encore une semaine. Il me faudrait donc trouver un autre appartement, en catastrophe, et vivre au jour le jour sans savoir quand la décision tomberait...
J’ai la gorge serrée par la colère. Comment une société peut-elle prétendre protéger les femmes dans ces conditions ? Si je n’avais pas eu la chance d’avoir de l’argent, j’aurais été condamnée à retourner chez moi, dans la maison que j’ai payée.
Puisque oui, pendant que je devais trouver des endroits où vivre avec ma fille, pendant que je sabordais mon activité professionnelle en ne pouvant travailler et en n’ayant aucune visibilité sur les mois à venir, m’obligeant à annuler peu à peu les projets, hé bien lui vivait tranquillement dans la maison. J’ai fourni l’apport, le crédit est à nos deux noms. Je continue de payer, sans pouvoir y vivre. C’est la triple peine. Je dois payer pour son toit à lui, je dois loger ma fille, je dois vivre dans la peur à proximité de lui.
J’ai cru que j’avais oublié les sardines. Je me voyais ranger la tente après avoir tout testé, mais je ne voyais pas les sardines. Je n’avais pas pu les planter dans le carrelage du salon, bien sûr. Je les avais laissées dans leur pochette. J’avais monté la tente pour m’entraîner, une dernière fois. Une tente une place, légère. Mais avais-je pensé à mettre les sardines dans le sac ?
Je m’imaginais, arrivée sur mon premier bivouac, découvrant que j’avais oublié les sardines. J’ai vidé mon sac sur le siège du RER. Les sardines étaient dedans, j’ai poussé un soupir de soulagement.
L’idée d’aller faire le Tour du Mont Blanc était venue quelques semaines plus tôt. J’avais un mois seule. Un mois sans ma fille. Je vivais chaque semaine sans elle comme un déchirement. Ce mois serait une torture. Je le savais. On m’arrachait ma fille pour la confier à son géniteur. Lui qui ne s’était jamais occupé d’elle avait aujourd’hui les pleins pouvoirs. Pouvoir de la séparer de moi. Pouvoir de lui faire du mal.
Il fallait que je fasse quelque chose de ce temps. Que je m’occupe les mains, la tête, les jambes. Alors j’ai choisi d’aller marcher. J’espérais que bouger mes jambes me viderait la tête. Je pensais qu’avoir le souffle coupé ferait passer l’envie de hurler. En réalité, il y a des images qui ne vous quittent jamais. Et marcher en silence pendant 10h ne les chasse pas.
Allongée par terre, je regarde autour de la pièce. Il est debout, face à moi, il parle fort. Alice est sur le canapé. Elle nous regarde. Le tipi est cassé. Je suis dessus. L’armature s’est brisée lorsqu’il m’a projetée dessus. Je vais te jeter de la fenêtre du premier étage, a‑t-il promis. Les mots sortent de sa bouche comme des cailloux qu’il me jette, un flot continue d’insultes. Alice ne bouge pas. J’ai essayé de m’approcher d’elle, de la rassurer. Il m’a soulevée par le col. Ancien boxeur, une tête de plus que moi. Je ne fais pas le poids. Je me traîne jusqu’à la porte. Je crie. À l’aide.
Tout s’arrête. Je prends ma fille dans mes bras. Je pleure. Elle aussi. Je lui dis qu’elle n’y est pour rien. Je ne sais pas laquelle de nous deux a le plus besoin de se blottir contre l’autre.
J’envoie des messages à mes parents. Je leur raconte tout. Il est redescendu dans le sous-sol. J’entends le bruit des canettes. Je ne sais pas s’il va monter dormir avec nous. Je ne sais pas si je serai toujours en vie demain matin. Alors je serre ma fille contre moi, et j’écris. Que quelqu’un sache.
Il faut tout de suite trouver un avocat, prévient ma mère en arrivant. Elle ne me laissera plus seule avec lui. Et nous entamons ensemble le combat. Il faut que je parte. Que je mette de la distance entre lui et moi. Qu’il ne puisse plus me faire du mal. Qu’il ne puisse surtout pas se venger sur notre fille.
Je tremble. Ma main sur ma bouche ne peut contenir les sons que j’émets malgré moi. Je suis dans le hall du tribunal de Versailles. Ma mère a passé son bras autour de mes épaules. Ma main peine à tenir le papier. Les sanglots parcourent mon corps entier. Chaque phrase est plus violente que la précédente. Madame ne peut pas prouver la dangerosité de monsieur. Monsieur semble être un père dévoué. Garde alternée.
C’est la veille des vacances. Joyeux Noël.
J’arrive à la gare des Houches. Le train continue vers Chamonix, et moi je cherche l’indication du sentier. Le chemin commence par une route sans trottoir. C’est un couple de promeneurs qui me l’indique, eux cherchent à retourner à leur chambre d’hôte. Une grande montée m’attend. Chemin pour 4×4, puis sentier plein de cailloux. Je marche sous les arbres. Ce départ n’a rien d’agréable.
Un Christ en béton de 25m de haut se dresse face à la vallée. Quelques tables et bancs sont installés derrière lui. Je pose mon sac pour profiter de la vue. Face à moi, le Mont-Blanc et ses glaciers. Je souffle un peu. Mon sac est lourd, surtout après plusieurs mois de confinement.
Je discute avec une mère et ses ados qui finissent le Tour. Puis avec une deuxième famille. Voir des enfants heureux me tord l’estomac. Tout ce que j’ai pu faire pour ma fille s’est retourné contre moi. Qu’elle soit décrite comme épanouie, curieuse, bonne élève, n’a pas été la preuve que j’étais une bonne maman, mais qu’il ne se passait rien de grave.
Je continue de monter. Je souffre. J’ai du mal à respirer et j’ai la tête qui tourne. Je mets ça sur l’altitude, même si je ne suis guère à plus de 1500m. J’ai mal dormi la nuit dernière. Comme la nuit d’avant. J’avance à petit pas en me demandant quelle est la dernière fois où une nuit s’est passée sans que je fasse de cauchemars.
J’entends ses pas dans l’allée. Ma gorge se noue. Les cailloux sous ses chaussures. J’ai envie de vomir. Il sait ce qu’il va se passer. Moi aussi. Il n’a même plus besoin de négocier. Autrefois, il prenait le couffin, allait poser Alice dans la pièce voisine. Elle appelait, elle pleurait. Elle était si petite. Je priais pour que tout aille vite. J’avais les yeux humides, les dents serrées. J’avais mal. Mal parce que l’accouchement était encore récent. Mal parce que chaque cri de ma fille me tailladait les poumons. Son mouvement de va et vient me donnait la nausée. J’avais la tête qui tourne. J’avais envie de lui crier d’arrêter, de me laisser aller chercher Alice. Je fermais les yeux. Qu’il finisse, vite. Et je courais, dégoulinante, la retrouver tandis qu’il s’endormait, satisfait.
Appuyée contre le bord de la baignoire, je lui tourne le dos. Je lui demande de ne pas me toucher. Je ne supporte plus ses mains. Tout me dégoûte en lui. Il remonte son pantalon. Je ne le regarde pas. Je ne sais plus s’il lance un « bonne journée ». Il a dû le dire, à une époque. Je tire le rideau et tourne le robinet. Combien de litres faut-il laisser couler pour ne plus se sentir sale ?
Je suis partie mais pas vraiment. J’ai voulu m’enfuir mais je suis restée là, prise au piège. Interdite de mettre de la distance entre lui et moi. Le soir, en fermant mes volets, je scrute l’obscurité pour vérifier qu’il n’est pas là. Et le matin, je me rassure en me disant qu’il n’a pas l’adresse. Pour l’instant.
Je m’arrête au bord du chemin. Un replat domine la vallée. Je m’assois. Je regarde le Mont-Blanc en me disant que ça vaut peut-être le coup, cette randonnée, quand même. J’attends que le soleil baisse pour planter ma tente. Chercher un endroit à peu près plat. Virer les cailloux. Tapis de sol, chambre, armature, sardines. Je regarde le soleil se coucher. Les montagnes prennent des teintes rosées, orangées.
J’écoute le silence. Je me demande si j’ai peur, là, toute seule, dans ma tente minuscule. J’entends les brindilles qui glissent contre le bas de la toile. Je ferme les yeux. J’ai mis 650km entre lui et moi aujourd’hui, rien ne peut m’arriver.
Que je le veuille ou non, être une victime fait partie de moi. Cela ne me définit pas, mais ça impacte toute ma vie, mon quotidien. C’est parce que je suis une victime que je sursaute à chaque bruit de scooter. C’est parce que je suis une victime que je scrute chaque silhouette lointaine un peu trop familière. C’est parce que je suis une victime que j’ai des cauchemars. C’est parce que je suis une victime que je suis en colère.
Et ce matin-là, c’est dans la colère que je puise l’énergie pour monter jusqu’au sommet. Le sentier serpente à travers la forêt, avant d’enfin me laisser apercevoir quelque vue dégagée. Je prends mon temps. Je remplis ma gourde dans un cours d’eau. Je laisse passer les randonneurs pressés. J’admire la bruyère. Comment on fait pour ne penser à rien, déjà ?
C’est aussi la colère qui m’a fait tenir ces six derniers mois. Et l’espoir, un peu. Impossible de le perdre totalement, mais impossible de s’y laisser aller pleinement. C’est dangereux, l’espoir, quand on sait qu’aucune issue n’est possible.
J’ai mis du temps à assumer le terme victime. À associer l’idée de violence conjugale à ma vie. À dire le mot viol. Je n’ai jamais eu le visage tuméfié. De l’extérieur, nous avions une vie parfaite. Il ne sera jamais condamné. Je ne serai jamais reconnue comme victime par la justice. Comme des milliers d’autres femmes.
Je m’arrête grignoter quelques abricots à côté du chalet de Bellachat. Il est tôt. Je me serais bien laissée tenter par une tarte aux myrtilles, mais le restaurant n’est pas ouvert. Je laisse partir un homme qui chante à tue-tête loin devant. Au bout du chemin rocailleux, le Brévent, 2525m et des dizaines de touristes, venus admirer la vue en télécabine.
Je me souviens de la première semaine. L’huissier est passé. J’étais sur le parking de Castorama. Je ne sais plus ce que j’étais venue acheter. Était-ce une lampe pour le nouvel appartement, ou des cartons pour le déménagement ? J’ai signé le papier. L’ordonnance du jugement. Je n’avais plus le droit d’aller chercher ma fille à l’école. Je ne la reverrai pas avant une semaine complète. Elle n’avait pas son doudou, aucun vêtement à sa taille, ni pyjama ni culotte. Mais il avait sa fille. Il avait le droit, alors il allait la prendre. Elle était à lui. Et ni elle ni moi n’avions notre mot à dire.
Pendant trois mois, les semaines impaires se sont ressemblées. Le lundi, elle m’expliquait combien elle était heureuse avec papa, que c’était lui sa vraie famille puisqu’elle avait son nom. Elle me disait qu’elle n’avait jamais connu le bonheur avant, qu’il n’y avait que maintenant, avec lui, qu’elle était bien. Que nos souvenirs n’étaient que des mensonges. Elle s’isolait dans sa chambre. Elle ne voulait pas me voir.
Le mercredi, nous avions la journée pour nous. Doucement, je la retrouvais. Elle recommençait à me regarder dans les yeux. Elle recommençait à rigoler.
Le week-end passait toujours trop vite, et chaque dimanche était un nouveau déchirement.
Au fil des semaines, elle a commencé à arrêter de me repousser. À se confier. À m’expliquer le tiraillement, mais aussi la peur, les colères. Je crois qu’elle a fini par comprendre que, peu importe toutes les horreurs qu’elle pourrait me dire, je serai toujours sa mère, là pour elle, les bras ouverts, inconditionnellement.
La descente du Brévent par le col n’est pas facile. Les nuages noircissent le ciel, il ne faut pas s’attarder. Rocailles, névés, échelles à prendre à l’envers. Plusieurs fois, je perds le chemin. J’aperçois d’abord un chamois, fugace, traversant la neige. Puis des bouquetins, plus loin. Je m’approche, doucement, mais deux marcheurs arrivant en face de moi les font fuir.
Je poursuis la descente quand j’en vois un autre, au détour d’un chemin. Il prend la pose. Me toise. Je retire mon sac à dos. Il se met dans la lumière. Le rayon caresse parfaitement sa tête. Je m’approche. Doucement. Je sors l’appareil photo. Je déclenche. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il se laisse faire. Il me regarde. Un instant, j’ai l’impression qu’il a envie de communiquer.
Les gouttes commencent à tomber. Je range l’appareil dans mon sac. Le temps de relever la tête, et le bouquetin a disparu. Je charge mon sac sur mon dos. Je descends quelques mètres, et dans un dernier regard, je le vois, posté sur un promontoire rocheux, m’observant.
Je ne sais pas combien de temps je suis restée avec lui. Je ne sais pas quelle heure il est. Il commence à pleuvoir. Je ne croise plus personne. Je décide de m’arrêter au prochain endroit un tant soit peu plat que je trouve.
Lorsque j’ouvre la tente, au petit matin, de jeunes bouquetins broutent à quelques mètres. Je ne fais pas de bruit. Je les regarde. Ils me surveillent du coin de l’œil, comme s’ils avaient compris que je ne présentais aucun danger.
Je me suis souvent demandée comment j’avais pu rester aussi longtemps avec lui. La vérité, c’est qu’au début, on ne se rend pas compte de la violence qui monte. Il ne m’a pas frappée au premier rencard. Il ne m’a pas violée la première nuit. Il ne m’a même pas insultée dans les premières semaines. Non. Il était parfait. Gentil. Prévenant. Généreux. Charmant. Nous étions d’accord sur tout. Il avait eu une enfance difficile, et en gardait un côté gueule cassé. Le gentil voyou.
Tout est allé très vite, sans que je me pose réellement de question. On a rapidement emménagé ensemble. Et puis il y a eu les premières colères. Les premiers cris. Les premières insultes. Les objets qui valsent. Je pardonnais. Je trouvais des excuses, son enfance, l’alcool, une mauvaise journée. Et le lendemain, tout allait mieux. Pour quelques heures.
Je me disais que ça passerait. Que ça s’améliorerait avec le temps. Qu’avec beaucoup d’amour, il perdrait son impulsivité. Que je pouvais l’aider à canaliser cette violence en lui.
Sac sur le dos, je regarde les marmottes jouer à cache-cache dans le pierrier. Je ne suis pas en grande forme. Mon matelas est percé. J’ai tenté une réparation, mais c’est le plastique qui devient poreux en vieillissant. Il se dégonfle. Je vais le garder, je n’ai aucun endroit où le jeter et il fait office de couche isolante malgré tout. Les températures chutent dès le coucher du soleil, et il a plu une bonne partie de la nuit.
Le chemin se poursuit dans la rocaille, puis en balcon, jusqu’à une auberge. J’en profite pour faire une pause. Devant une tarte aux myrtilles surgelée hors de prix, je savoure la douceur du soleil.
L’auberge est reliée à la vallée par une télé-cabine. De nombreux vacanciers affluent. Ils vont passer quelques heures au Lac Blanc, l’un des lieux les plus touristiques de mon itinéraire, mais aussi l’un des plus beaux. On y arrive après une montée. Rien de technique. Rien de difficile. Juste une montée qui semble s’allonger au fur et à mesure qu’on croit se rapprocher du but.
Un vent froid m’accompagne jusque sur le bord du lac. En ce début d’été, il est entouré de névés, et certains flottent à sa surface, offrant un très photogénique contraste entre le bleu vif de l’eau et le blanc des glaces.
La scène a quelque chose de captivant. Apaisant et fascinant à la fois.
T’es plus con qu’une chaise qui voit un cul. Je vais te tuer. Connasse. Je vais t’en donner une, tu vas dormir trois jours. Sale Pute. T’es où ? Tu baises qui ? Demain, on fait les gros titres, tu vas crever. Ta gueule. Je suis chez moi. C’est ma fille. Je fais ce que je veux. T’es frigide. Sale pute. En vérité t’étais avec qui ? Tu retrouves un peu d’honnêteté ou ça a disparu avec ta dignité et le reste ? Achète toi une personnalité. Une personnalité achetée, une libido offerte. Ca va très souvent ensemble, y’a des offres de ouf comme ça. Si je t’en mets une, tu vas dormir trois jours Si j’ai pas de nouvelles à 21h, j’appelle la police. Sale Pute. Fais-toi soigner. N’essaye même pas de partir, ou tu ne reverras plus ta fille.
Les nuages recouvrent peu à peu les sommets. Ce soir, on annonce des orages. Alors en dernière minute, je décide de m’offrir une nuit au chaud. Dans un lit. Avec un petit-dej. Je déchante rapidement quant à ma hâte de prendre une douche chaude : elles sont fermées. J’emprunte une bassine à la gardienne du refuge. L’eau est glacée. Elle arrive directement du lac. Un vent tout aussi glacial balaie les sanitaires. Plonger mon gant de toilette dans l’eau suffit à ce que le froid pénètre ma peau. Je frotte frénétiquement. Enlever la couche invisible des souvenirs. Dehors, le brouillard a envahi les montagnes.
Au matin, le refuge se vide. Je décide de rester un peu. La météo annonce de la pluie et des orages sur les deux prochains jours. Et je suis bien ici. Coupée du monde, au milieu de la brume, je regarde les bouquetins jouer sur les névés.
Je marche un petit peu, autour du lac. J’attends que le mauvais temps passe. Je descends voir les lacs des Cheserys, juste en dessous puis je remonte en direction du lac de Persévérance, au-dessus. Sitôt engagée sur ce sentier, il n’y a plus personne. Silence complet. J’arrive face à un immense névé, très pentu. Une trace laisse deviner quelques passages, avant moi, pour le traverser. Je m’engage dessus. Et je le regrette quelques mètres plus tard. La pente est trop abrupte pour essayer un demi-tour. Et j’ai laissé mes bâtons de marche à l’auberge. Je plante mes doigts dans la neige, m’assurant de mettre tout mon poids sur la jambe opposée à la descente. J’avance doucement. Ma main vire au rouge. Mes doigts me brûlent. Quelle idée à la noix !
La douleur est vive, lorsque je porte mes doigts à ma bouche, une fois le névé traversé. Je grimpe à travers un pierrier, empreinte d’espoir. J’attends le paysage somptueux, caché au bout de ce chemin mystérieux. Je monte encore. J’ai retrouvé l’usage de mes doigts. Je me faufile jusqu’au point le plus haut.
Des cailloux à perte de vue. Une étendue minérale en nuances de gris, d’ocre et de verts. Les quelques marmottes se sont vite calfeutrées. Je souffle un peu. Les nuages enrobent le Mont-Blanc, face à moi. Je cherche des yeux un échappatoire, un chemin alternatif qui m’éviterait de traverser de nouveau le névé. Je monte sur quelques rochers. Je tourne et contourne. Rien à faire : la traversée dans la neige reste l’option la plus sécurisante.
Les doigts dans la neige, j’avance un pied après l’autre, doucement. La pente mène droit sur quelques tas de cailloux et le lac, encore gelé. Il commence à fondre par endroit. On voit le bleu transpercer la glace. Quelques choucas coassent au loin. Je me concentre sur mes pieds.
Je décide de passer une seconde nuit au refuge. Je voudrais voir les lacs par un temps dégagé. Et je n’ai pas envie de marcher dans le brouillard, entre deux averses. Je n’ai pas de date de retour. Pas de réservation. Je peux prendre mon temps, allonger le séjour. Le refuge, plongé dans le brouillard, a quelque chose d’apaisant, de rassurant.
Je discute avec une allemande. Je ne sais pas son nom. Elle me semble un petit peu plus jeune que moi. Elle est partie seule, elle aussi, mais elle suit un autre itinéraire, jusqu’en Suisse. Et comme moi, elle s’est rabattue sur le refuge au vu du mauvais temps. Ma motivation à finir le tour avait baissé avec la grisaille, mais passer la soirée à discuter avec une autre randonneuse me donne un regain d’énergie. On ouvre les cartes, on compare les itinéraires. On discute de voyage et de littérature. Le temps d’une soirée, j’ai le cœur léger.
Il y a quelque chose d’agréable à être ainsi volontairement bloquée au refuge. L’écrin du brouillard nous met hors du temps. La journée s’écoule lentement sans que je ne m’ennuie. Je regarde les nuages bouger. J’observe les bouquetins traverser les névés. C’est un calme absolu, ouaté, où la visibilité se réduit parfois à quelques mètres, mais où l’esprit peut vaguer. J’essaie de me vider la tête. Ne surtout pas penser à Alice. Me concentrer sur le brouillard qui enroule les aiguilles. Ne pas penser qu’au fond de moi, je n’ai aucune envie d’être ici, toute seule, tandis qu’elle est sans moi. Ne pas penser que je ne sais pas ce qu’elle fait de ses journées, si elle va bien, si elle a mes messages. Me concentrer sur ces nuages qui masquent le Mont Blanc.
Je passe l’après-midi à attendre les bouquetins, planquée dans les rochers. Ils disparaissent aussi vite qu’ils apparaissent, avalés par le brouillard. Et puis je rejoins le refuge, une dernière fois. La météo reste incertaine, mais j’ai décidé d’avancer.
Le soir venu, je dîne avec les seuls hôtes du refuge : un groupe de quatre parisiens. Je maudis la serveuse d’avoir mis mon assiette à une table avec des hommes. Ils finissent leur tour du Mont Blanc. Ils sont fiers d’eux. Ils ont souffert, il fallait porter le sac. On ne se parle pas. Ils listent leurs exploits, et la discussion se poursuit dans le dortoir. “Ahah, on est des fous, je ne connais personne qui aurait fait la même chose”. Ils passent en revue leur itinéraire, faisant défiler les photos sur le smartphone pour se remémorer les anecdotes. La navette entre Trient et Argentière, le bus en Suisse, le taxi, et demain, ils rejoindront le sommet du Brévent en téléphérique avant de finir la dernière étape en train. C’est plus de la rando, c’est un road-trip. Ils sont bruyants, centrés sur eux-mêmes. Ils passent leur temps à se plaindre du poids de leur sac (alors qu’ils n’ont pas de matériel de bivouac) tout en s’autocongratulant d’être géniaux, entre deux blagues sexistes, homophobes ou racistes, au choix.
Mes rencontres précédentes avaient été empreintes d’humilité. Des couples, des groupes de copines, heureuses de marcher, reconnaissant l’effort mais sans se prendre pour des gens extraordinaires. Je me retiens toute la soirée de leur dire que, dès le premier jour, j’ai croisé des familles avec des enfants qui finissaient le même tour.
Au petit matin, le brouillard est toujours là. Je traîne un peu après le petit déj. Je prends le temps de bien ranger mon sac. Tout le monde pense que ça va rester comme ça toute la journée. Je quitte l’auberge en fin de matinée, encore indécise quant à mon point de chute du soir. Je descends vers les lacs qui jouxtent l’auberge. Première éclaircie. Je décide d’attendre un petit peu, et d’autres éclaircies me confortent dans l’idée de passer la nuit ici.
C’est un endroit connu, où les traces de feux de camps sont bien visibles, un peu partout autour du lac. Je m’attends à ce qu’il y ait du monde, le soir venu, mais je me dis que le paysage, au petit matin, sera certainement superbe. Je repère un coin plat et pose mon sac. Les randonneurs commencent à arriver. Chacun s’installe dans son coin, attendant la tombée de la nuit pour monter la tente. Je dissuade un jeune couple de s’installer à 30cm de moi, et je discute avec une famille, qui a fait plusieurs fois le Tour et me conforte dans l’idée de tenter une variante, le lendemain.
C’est à ce moment que commence le ballet des bouquetins. Une femelle et quelques jeunes s’approchent du lac. Ils déambulent entre les tentes, sans crainte. Les petits jouent entre eux, sautillent. L’un d’eux tente d’initier une bagarre. Il se dresse sur ses pattes arrière pour se laisser retomber, cornes en avant, sur un autre petit qui n’a aucune envie de jouer à ça. Le bagarreur s’approche de sa mère, recommence la manœuvre. Se dresser sur les pattes arrière, pencher la tête, et mettre tout son poids dans les cornes. La mère rentre dans son jeu, gentiment. Le petit y met toutes ses forces, et elle pare les attaques avec douceur.
Plus haut, c’est un groupe de mâles qui broute tranquillement. Je m’installe sur un caillou, à distance, pour les observer. Les cornes sont impressionnantes, mais ils n’ont rien de belliqueux. Ils avancent en broutant, tranquillement, et je me retrouve rapidement au milieu d’eux. Je recule un petit peu, préférant garder un mètre de sécurité avec ces énormes cornes. L’arrivée du brouillard marque la fin du spectacle, et le retour de la bruine. Il est l’heure d’aller se mettre à l’abri.
Ma tente n’est ni grande, ni chaude, mais elle me suffit. Il y a quelque chose de la renaissance dans le fait de quitter un homme violent. Il faut redécouvrir ses goûts, retrouver une personnalité. C’est une affaire de survie. Se créer un cocon protecteur. S’approprier un espace. Avoir le droit d’exister.
Je ferme les yeux. Ici, je peux me reposer sans crainte. Ici, je suis loin de lui.
J’ai essayé de partir, autrefois. Je savais que ça finirait mal. Je savais que ça ne pouvait durer. J’ai même cru, un temps, qu’une autre vie, heureuse, pouvait m’attendre, loin de lui. J’avais rencontré P. par hasard. Nos weeks-ends ensemble étaient autant de parenthèses insouciantes. Je ne rêvais que d’une chose, tout quitter, m’enfuir, refaire ma vie, loin. Mais à chaque retour à la maison, je me retrouvais face à lui, tétanisée, incapable de dire quoi que ce soit. J’ai essayé de lui parler hors de l’appartement. Ce week-end à Turin, ces vacances au Vietnam. Ce fut pire. Il savait que je voulais partir. Et il savait comment me faire peur. C’est à ce moment-là que les menaces de mort ont commencé. Si tu pars, je vous bute toutes les deux. C’est aussi à ce moment-là que je suis tombée enceinte.
Je sors de ma tente quelques minutes avant que le soleil ne se lève. Le froid me saisit immédiatement, tout comme la beauté du paysage qui s’offre à moi. L’Aiguille Verte et le Mont-Blanc commencent juste à être caressés par la lumière rose caractéristique des premiers rayons. Quelques curieux sortent doucement des tentes. Le silence règne. Le massif entier se reflète dans le lac et personne ne semble vouloir briser la magie de l’instant par un commentaire.
Je fais durer le plaisir avant de retourner à ma tente, reprendre la routine. Rouler le duvet. Comprimer mon matelas dégonflé. Compter les sardines. Plier la tente. Ranger le sac. Avaler une barre de céréales et quelques abricots. Serrer mes lacets. Visser le sac sur mes épaules. Remplir la gourde. En route.
Les nuages commencent à monter depuis la vallée, mais la journée s’annonce pourtant dégagée. Je passe les premières heures à descendre. Tout d’abord par un petit sentier, au milieu des rhododendrons. Je croise quelques bouquetins qui profitent du soleil matinal, puis quelques randonneurs qui montent au Lac Blanc pour la journée. Plus je descends, plus la pente devient raide et caillouteuse. Je souris à chaque marcheur, en signe d’encouragement.
Le sentier traverse un parking, puis se poursuit le long d’une route. C’est une variante de l’itinéraire classique du Tour du Mont-Blanc, supposée offrir de beaux panoramas en balcon, tout en étant moins fréquentée. Pour l’instant, je ne suis guère convaincue. Je marche seule, certes, mais le bruit des voitures couvre la rivière…
J’arrive à Vallorcine en fin de matinée, premier village que je croise depuis le départ, et dernière étape avant la frontière Suisse : c’est le moment de faire le ravitaillement. J’erre un long moment dans le village avant de trouver l’épicerie qui s’apprête à fermer. Quelques fruits, du fromage, du pain, un yaourt pour le plaisir. Je mange léger, il me reste un peu de marche avant d’arriver à l’étape du soir, et je m’en félicite dès les premiers mètres : la côte est si pentue que je demande confirmation du chemin à un coureur de trail. Mais si, nous sommes bien sur la variante, il faut suivre le chemin pour raquettes. D’accord. Je monte. Le soleil commence à taper. Je fais des pauses, troque mon pantalon contre un short. Le chemin serpente au milieu de la forêt, ça semble cohérent avec ma carte jusqu’à ce que j’atteigne un croisement. Personne. Aucun panneau. J’hésite longtemps. Je décide de poursuivre vers ce qui semble logique. Je n’ai plus d’eau. Je marche encore. Toujours aucun panneau qui indique Trient. Je continue.
Le chemin me mène au pied d’une piste de ski, où coule un ruisseau. Je remplis ma gourde, en filtrant l’eau. Elle est fraîche. Je sais que je suis perdue. Mais je suis à l’ombre, avec de l’eau. Je réfléchis. Je vais dans la bonne direction. Je ne suis juste pas sur le bon sentier. Il ne doit pas être très loin. Je n’hésite pas longtemps entre rebrousser chemin et remonter la piste de ski, et je choisis de prendre de la hauteur, pensant naïvement que j’apercevrai le sentier depuis le sommet. J’aurais dû hésiter plus longtemps ! Je suis épuisée lorsque j’arrive en haut, et guère plus avancée dans ma quête d’un sentier. Je continue plein est, me disant que je finirai bien par tomber sur un chemin. Mais c’est un berger que je croise d’abord. Il me dit qu’il n’est pas rare de trouver des randonneurs perdus, ici. Ce qui me rassure un peu, quelque part. Nous discutons, et il m’indique un sentier, sur l’autre versant de la montagne, à quelques centaines de mètres.
Je traverse une petite forêt, une rivière, et me retrouve enfin sur un sentier, soulagée. L’après-midi est déjà bien entamée, et mon corps commence à avoir envie de faire une pause. J’accélère jusqu’à un croisement. Quelques panneaux, enfin ! Aucun ne mentionne ma destination. Aucun n’indique le pictogramme TMB, l’itinéraire du Tour du Mont-Blanc. Je sors ma carte, j’essaie de me repérer. Vallorcine, Catogne, Col de Balme. Le Châtelard semble me rapprocher de Trient.
Le chemin descend en fond de vallée. Je croise d’autres panneaux. Toujours aucune mention de Trient. Je poursuis jusqu’à atteindre la route. J’ai mal aux pieds. Je me sens vidée de toute énergie. Je suis loin, et je ne comprends pas vraiment comment c’est possible.
J’entends une voiture passer, je me retourne et sors le pouce. Il fonce. Une deuxième, une troisième, une quatrième. Je continue de marcher. La cinquième s’arrête. Salut, tu vas où ? Trient, n’importe quel camping. Un père et son fils. Il a le même âge qu’Alice. Il regarde un livre sur les dinosaures, après avoir passé la journée à faire du vélo. Je discute un peu avec le père. Je me suis perdue. Le bivouac est interdit en Suisse, je dois m’arrêter au camping. C’est beau par chez vous.
Je sens mon estomac se nouer. Je ne sais pas si c’est la faim, ou le fait de voir un père qui s’occupe de son enfant. Il s’arrête sur une place, je rejoins le camping. J’ai mal aux jambes. J’ai envie de vomir. Je monte ma tente en vitesse, avale un morceau, met un peu de crème à l’arnica sur mes mollets, et m’allonge. Nous sommes trois au camping, cette nuit. Un couple en van, et moi. Aucun gardien. De toute façon, y’a pas grand chose à garder.
Je me réveille avec l’estomac en vrac. Il faudrait que je parte tôt. J’ai quelques lacets et un bon dénivelé avant de retrouver l’itinéraire du jour. Mais je n’en ai pas envie. Je traîne. Je n’arrive pas à marcher. J’ai envie de vomir. Je range laborieusement ma tente et profite des tables du camping pour manger mon petit-déjeuner. Je ne sais pas quoi faire. Je n’ai pas envie de faire le deuil de ma fille. Pendant 5 ans, j’ai toujours été là pour elle. J’étais là quand il était ivre. J’étais là quand il fallait s’interposer. J’étais là quand elle faisait un cauchemar. J’étais là pour ses premiers pas, ses premiers mots, le vélo sans roulettes ou la lecture toute seule. D’un coup, je me retrouve éjectée de sa vie. Maman en pointillé, à mi-temps. Incapable de la protéger. Condamnée à devoir l’écouter me confier les colères de son père, la peur qu’elle ressent, sans pouvoir agir. Cette impuissance me ronge. Je suis supposée assurer la sécurité de mon enfant. Et je la remets une semaine sur deux à un homme qui me fait peur.
Je me sens vide, broyée. Je reste assise. Est-ce qu’à un moment tout s’apaise ?
Comment on continue d’avancer, sans colère ? Je n’ai plus la force de marcher.
Il y a un arrêt de bus devant le camping. Ce soir, je serai à Paris.
* Les prénoms ont été changés.
Ce texte a été écrit pendant l’été 2020.
J’ai récupéré la garde de ma fille quelques semaines plus tard. L’histoire se termine donc mieux, à défaut de bien. Ce sera peut-être l’objet d’un chapitre 2, un jour.
Pour éclairer le récit : lorsqu’un père demande la garde alternée, il a 9 chances sur 10 de l’obtenir (chiffres 2017 du ministère de la justice). Les violences conjugales, même reconnue, ne constitue pas un motif de retrait de la garde. Les faibles pourcentages de pères profitant de gardes alternées sont dus au faible pourcentage de père demandant la garde. Au final, les pères n’obtenant pas de garde alors qu’ils l’avaient demandée représentent 2% des situations (et c’est toujours motivé par des violences et mauvais traitement envers les enfants).
61 commentaires
Je suis venue pour le Mont Blanc et tes photos sublimes (toujours), et j’ai été saisie par ce texte qui m’a émue aux larmes... Soutien absolu. De tout cœur avec toi.
C’est si joliment écrit pour un récit si dur, malhreusement le cas de beaucoup trop de femmes. J’aimerais que la justice avance plus vite et que des codes soient accesibles a tout le monde pour aider les femmes bâtues. Force et courage à vous et à votre famille.
Un compagnon violent ne fait jamais, jamais un bon père. Beaucoup de courage à toi pour ce chemin qui, s’il se finit mieux, reste quand même à tracer pour toi. Beaucoup de courage à ta fille. Tu es là, tu t’es battue, et dans un système qui broie les femmes, tu as survécu. Je te souhaite le meilleur ❤️
Ton récit est vraiment poignant. En te suivant sur Twitter ces derniers mois, j’avais perçu que quelque chose n’allait pas. C’est vraiment courageux de le raconter et ça me conforte dans l’idée de la nécessité des combats féministes. Courage pour la suite
Je te découvre aujourd’hui – toi, ta plume, tes photos – à travers ce récit.
J’aimerais trouver les mots qui rassurent et réchauffent. T’offrir une épaule amicale, un endroit et un temps où vider ton sac.
En pensées avec toi
Je viens de finir ton témoignage et je ne sais pas trop quoi dire... A part que je te souhaite beaucoup de force et de courage pour la suite. Bravo d’avoir livré bataille, d’avoir réussi à vous sortir de là.
J’étais à la fois émerveillée par tes magnifiques photos, comme toujours, et émue... en lisant ton histoire.
Courage pour la suite. Et plein de bonheur, à toi et ta fille. ♥ xx
Quelques indices laissés sur Twitter depuis quelques mois. Une colère cachée sans jamais pouvoir t’apporter le soutien nécessaire avec la peur d’être indiscrète. J’ai toujours pensé que la fuite était une bonne chose et ton récit ne fait que conforter cette idée. Cependant ce que je vois ici n’est pas une femme qui a pris la fuite, mais une personne qui a su se battre avec force et patience. La garde de ta fille est une victoire que tu peux chérir précieusement. Les mots me manquent (pas les larmes) mais les tiens semblent là en pansement de tes plaies, pour continuer avec rage de vivre fièrement.
Pour moi, tu es cette femme qui m’a tendu la main un jour de Grand Bivouac, en me proposant de venir à votre table alors que j’étais prise en étau dans des pensées négatives. Alors n’oublie pas qui tu es : une personne inspirante, qui finira un jour le Tour du Mont-Blanc... avec sa fille. ♥ Et ça, il ne pourra jamais te le prendre.
« May the force be with you ». Tout mon soutien.
C’est bouleversant, glaçant et tellement injuste. Je te souhaite beaucoup de courage et une belle vie future pour toi et ta fille.
Comme les copines de la tribu voyages, certains de tes tweets m’avaient interpellé mais la timidité m’a empêché de t’envoyer un MP. Je ne voulais pas que tu prennes cela pour de la curiosité malseine .quoiqu’il en soit je ne l’ai pas fait et j’en suis désolée.
Alors qu’on enviait tous tes voyages à l’autre bout du monde, tu t’échappais de l’horreur de ton quotidien.
Je ne dis souvent que nous ne savons pas ce que les gens vivient rééllement une fois la porte de chez eux fermée. Derrière des sourires sur papier glacé, il y a parfois l’impensable.
Je t’embrasse fortn fort toi & ta fille, je vous souhaite le meilleur du monde.
Je suis de tout coeur avec toi & si d’une manière ou d’un autre je peux vous aider n’hésite surtout pas.
Je suis navrée de lire le calvaires que tu as vécu.
Je suis de tout cœur avec toi. Je ne peux que te souhaiter bon courage pour la suite.
J’ai l’impression que ce sont plutôt des femmes qui visitent ce blog... et bien je suis là pour rétablir un peu de parité (!).
A la base, je suis venu car j’ai adoré vos photos. Par curiosité, je me suis plongé dans votre récit, et vos mots sont très forts, votre histoire est bouleversante. Il me semble qu’en effet, vous êtes loin d’être la seule...
En tout cas, bravo pour votre courage, car partir n’est pas facile, mais c’est malheureusement la seule solution.
Je vous souhaite le meilleur pour les prochains chapitres.
Oh, et si un jour vous rencontrez quelqu’un à nouveau, initiez le rapidement à la CNV (communication non violente) 😉
Bonne continuation 🙂
Merci de partager ton histoire personnel. J’imagine la difficulté pour toi de divulguer ça, le travail que tu as du faire sur toi pour surmonter toutes ses epreuves. j’imagine aussi le soulagement que cela peut faire d’écrire, de poser des mots, d’expliquer, de ne plus cacher ça. Force à toi pour la suite.
Je n’ai pas l’impression d’avoir lu une fuite mais un calvaire suivi d’un départ libérateur. Le patriarcat nous serine que si on ne s’accroche pas à ces hommes qui nous font mal, on fuit, on ne fait pas assez d’efforts. Tu as assez souffert, tu n’avais pas à souffrir, c’est lui qui devrait fuir de honte devant ta colère et celle de toutes les femmes. Je suis heureuse que tu aies retrouvé la garde de ta fille et même si je connaissais ces statistiques glaçantes sur la garde accordée au père, constater une fois encore que les hommes violents sont considérés comme de bons pères me donne envie de tout casser. Je te souhaite du courage et de la paix pour la suite.
Ton article est bouleversant, j’en ai les larmes aux yeux. Je n’ai pas les mots, mais en tout cas je voudrais te souhaite un bon courage pour la suite et continuer de traverser les épreuves. On se rend compte qu’il en faut du courage pour partir et arriver à se libérer de l’emprise d’un conjoint violent et que rien ne semble fait pour faciliter la vie aux femmes qui subissent des violences conjugales. Bravo pour ton témoignage car en parler publiquement est également difficile je pense.
La parole des femmes est tellement invisible, c’est révoltant. Tu te bats si fort, bravo pour tout ce que tu as fait et pour cette force d’avancer pour vous deux ! Les asso pour femmes victimes de violence peuvent faire un bien fou. Parler, être reconnue et soutenue.
Tu as déjà accomplie un chemin bien difficile, partir. Je te souhaite tout le meilleur pour la suite.
Un récit bouleversant. Tu as eu le courage de te battre pour ta fille, pour une autre vie. Tu as le courage de partager aussi à travers ce récit glaçant. Comme le dit Chacha, on ne sait jamais vraiment ce qui se passe dans la vie des gens, pour moi aussi tu étais la blogueuse voyage qui s’éclatait dans son métier, je ne pensais pas du tout que derrière cette vitrine pouvait se jouer tout autre chose. Après ce parcours difficile, je te souhaite comme l’on dit : tout le bonheur du monde.
Je suis tellement désolée que tu aies vécu tout ça, et tellement contente que tu aies su partir. Et je te comprends tellement quand tu dis que la violence ne se manifeste pas forcément au premier rendez-vous. Qu’elle ne commence pas tout de suite. J’ai pu le voir chez une amie. Et dans mon propre couple, même s’il n’y a jamais eu quoi que ce soit envers moi, j’en ai perçu les prémices et... ça me faisait peur. Pourtant, je suis restée, parce que j’avais prévenu que si certaines choses se passaient de nouveau c’était fini, parce que je voyais qu’il avait de suite obéi à ma « menace », parce qu’il mettait du sien et que si il voyait que je réagissais mal quand il s’énervait, il me rassurait tout de suite. Parce que son discours évoluait aussi et parce qu’il n’avait jamais eu personne pour lui dire que ce n’était pas « normal » de réagir ainsi, parce que j’y croyais en fait. On est plus ensemble aujourd’hui, il n’a jamais été violent ni par la parole ni par les gestes envers moi. Mais au fond, je peux te l’avouer, je n’ai jamais eu la certitude absolue qu’il ne le serait jamais.
C’est très dur de partir aux premiers coups. Parce que trop souvent, l’homme qui les commet n’agit pas en monstre. Il regrette. Il veut se faire pardonner. Il ne comprend pas. Il n’aurait jamais du faire ça, ça ne se reproduira pas. Il était fatigué, il avait trop bu. Beaucoup de gens ne comprennent pas ça. Que la violence, c’est comme le viol, ça n’arrive pas que dans des ruelles sombres, ça ne se présente pas toujours avec le visage de l’horreur. Mais quand on sait ce que c’est, on sait aussi à quel point, partir, ça a l’air de rien, mais c’est tout.
Je te souhaite beaucoup de courage pour te reconstruire en tout cas, beaucoup de bonheur aussi, pour toi et ta fille, et toute ta vie <3
Je suis tellement désolée de ce que tu as subi.
On ne se connait pas vraiment, je suis tes voyages depuis longtemps, ici puis sur twitter. Je me suis étonnée de la disparition du père de petite oreille du paysage, puis de ton silence ces derniers mois, j’ai pensé que tu voulais surement rester discrète sur ta vie privée. Je ne sais pas ce qu’on peut faire quand on est un simple lecteur, à part t’envoyer un soutien somme toute très virtuel.
Tu as fait ce que tu pouvais pour protéger ta fille. Et pour te protéger toi. C’est très courageux. Il faudra encore surement beaucoup de temps pour arrêter d’avoir peur. Merci d’en avoir parlé, pour celles qui ont besoin de savoir que c’est possible, de partir et de recommencer une nouvelle vie. Je suis soulagée pour toi que ça finisse moins mal. Vous allez pouvoir vous fabriquer une meilleure vie toutes les deux.
Ton texte est très émouvant, c’est pas du tout mon style les grandes effusions mais là tout de suite je voudrais te serrer dans mes bras. Vous avez bien mérité un peu de douceur pour la suite. Elle ne peut être que meilleure que ce que vous avez traversé.
Quel récit bouleversant, je vous souhaite, à ta fille et toi, beaucoup de bonheur pour la suite.
Bonjour Aurélie, merci d’avoir partagé un récit aussi personnel.
Malgré ce que fait penser le système dans lequel nous vivons, tu n’es pas seule, nous te voyons et t’entendons. Tu as pris les bonnes décisions depuis le début, tu es importante, tu es forte et puissante.
Tu as le droit à la sécurité et à la bienveillance.
Ta fille va pouvoir s’épanouir et se structurer grâce à toi et aux actions que tu as déjà faîtes et celles que tu feras. Vous êtes maintenant ensemble sur le chemin de la reconstruction, je vous souhaite tout le meilleur à toutes les deux.
J’espère que tu continueras de nous faire rêver avec tes voyages, tes textes et tes photos. Très bonne fin d’année à toi. Claire
Je vous suis depuis très longtemps , vos photos , vos récits de voyage me font rêver !
J’étais loin de me douter de ce qui vous arrivait .... pensant à une pause !
Je peux simplement vous dire que vous avez été courageuse et avez fait le bon choix !
Je vous souhaite le meilleur pour la vie à venir pour vous et votre petite fille
Quel texte poignant, combiné à tes magnifiques photos (particulièrement celles des bouquetins ), j’en ai eu plusieurs fois les larmes aux yeux. Bravo à toi pour avoir eu le courage de partir. Je ne te souhaite pas bon courage car c’était avant que tu en avais besoin....maintenant tu es libérée, complètement si tu as la garde exclusive de ta fille.
Merci pour ton témoignage <3
Texte dur à lire... parce que c’est une réalité qui est difficile à imaginer pour ceux qui n’y ont jamais été confrontés.
Courage à vous deux. Tu as subi mais tu t’es battue jusqu’au bout et tu as gagnè le combat. Pour toi. Pour elle.
J’espère que tu auras l’occasion de faire de belles randonnées à l’avenir aux côtés de ta fille.
J’espère que le temps t’aidera à te reconstruire...
P.S : superbes photos de bouquetins
Très touché par ce témoignage ; je suis lecteur (silencieux) de très longue date, je retraçais à l’instant ton parcours partagé dans ces pages et les souvenirs que j’en ai gardé, l’impression de vous connaitre un peu, toi et ta fille…
Je vous souhaite le meilleur à toutes les deux, de pouvoir vous reconstruire en sécurité.
Ton texte est bouleversant, tes photos très belles et ton combat prend aux tripes. Je suis heureuse de savoir que tu as récupéré la garde de ta fille et j’espère que le chemin devant vous s’annonce dégagé et léger. Prends soin de toi et d’elle.
Merci pour ton témoignage. Je suis de tout coeur avec vous.
Et tes photos sont toujours aussi magnifiques.
Merci pour ce temoignage bouleversant. C’est tellement important d’en parler et en meme temps quand on voit comment la parole des femmes est systematiquement remise en question, cela est doublement difficile. Je suis heureuse que tu aies pu recuperer la garde de ta fille et elle a de la chance d’avoir une maman aussi forte ! J’aime beaucoup tes photos et j’adore « voyager » à travers tes images et tes histoires. Je t’envoie beaucoup de courage et de forces d’Amsterdam ! <3
Difficile de trouver les mots pour réagir à ton récit d’une réalité glaçante. Je te souhaite en tout cas d’autres tours du Mont Blanc plus serein et plus joyeux, ou des tours d’îles accompagnés de sourires indonésiens ou autre avec Petite Oreille. Apaiser cette souffrance et tourner autant qu’il est possible la page de ce cauchemar.
Je ne sais pas quoi dire, on se connait très peu, mais je suis bouleversé par ton texte...
Tes photos sont toujours aussi magnifiques et tu écris très bien !
Je n’ose imaginer à quel point ça doit être dur de taper ces mots, quelques mois après, traiter ces photos qui doivent te replonger dans des émotions que tu aimerais sûrement ne plus ressentir.
Avec tout mon soutien. Si un jour je peux aider, tu sais comment me trouver, je le ferai avec grand plaisir.
Je ne commente pas souvent, mais là...
Je suis remuée, renversée. Par ce que tu as dû traverser et avec quoi tu dois encore composer certainement, par le récit, pognant, vrai, difficile, par le contraste entre la beauté de tes photos et l’intensité des violences qu’il a dirigé vers toi, entre ta douceur et l’absurdité du combat que tu as dû mené pour te protéger et protéger ta fille.
Prends bien soin de toi et d’elle maintenant...
Buenos días, Aurélie. Leo tu blog desde hace muchos años, porque me gusta la fotografía y porque es una manera de practicar mi francés. Te descubrí siendo tu hija un bebé. Me encantan tus fotos y tu manera de describir los viajes. Desde hacía un tiempo me preguntaba el por qué de tus viajes sola con tu hija. Pensé que tu marido habría muerto, o que te habías divorciado. Ahora lo entiendo. Has sido muy valiente por compartir tu historia. Me alegra que puedas emprender una nueva vida con tu hija y junto a las personas que te quieren. Yo seguiré esperando tus reportajes, tus fotos, y deseándote lo mejor para ti y tu niña. Cuídate mucho.
Saludos desde Madrid.
Mari Carmen
Bonjour Aurélie,
Difficile de trouver les mots après la lecture de cet article et de ne pas être maladroite. L’an dernier, après avoir publié l’un de tes sublimes articles sur ton voyage en Indonésie avec Petite Oreille, une personne t’avait demandé sur Twitter « et la place du père dans tout ça ? ». Je me rappelle avoir trouvé cette question extrêmement violente parce qu’on ne sait pas ce qu’il se passe dans la vie des gens. Aujourd’hui, tu peux être fière de toi et du chemin parcouru. Mais encore une fois, c’est une remarque en demi-teinte car je ne peux imaginer la violence de devoir continuer à côtoyer ton bourreau et de devoir lui laisser ta fille une semaine sur deux... Je vous souhaite plein de bonnes choses pour la suite à toutes les deux. Une vie remplie de douceur, d’amour et de moments heureux à deux.
Bonjour Aurelie. Je suis la maman de Aude. Je t’ai connue gamine. Ton récit est très émouvant. Je connaissais ta situation et cela faisait mal au cœur de savoir que tu devais laisser ta puce en compagnie d’un monstre. Tu as récupéré la garde de ta petite et cela me fait chaud au cœur. Je sais que tu vas profiter de cette nouvelle vie au maximum. Continue tes voyages... Et profites, mais ça, je sais que tu vas le faire
Ces mots, il fallait que tu les écrives et qu’ils soient lus. C’est important, essentiel, primordial. Quand je revois le sourire de ta fille lors de certains voyages où nous nous sommes retrouvés, quand je repense à elle qui n’avait que quelques mois... Je sais. Je sais que tu es une merveilleuse maman. Aujourd’hui, ma compagne est enceinte et nous attendons l’arrivée d’une petite princesse. Je n’ai qu’un modèle, qu’une autre petite à laquelle j’adorerai qu’elle ressemble : ta fille. Je ne sais pas. Je ne sais pas de quoi il est capable, jusqu’où il peut aller. La certitude est que son passif, ses passions et son gabarit ne font pas de lui un ange. Tu as fait les bons choix, je ne doute pas que l’avenir sera bien plus joyeux. Tu, vous le méritez, elle et toi. Finalement, les chemins les plus compliqués à traverser ne sont pas les montagnes ou déserts, mais les mauvaises surprises de la vie.
Bouleversée, je suis. Entre les lignes, j’avais perçu beaucoup de douleur. Mais jamais tout ça. Gros câlin à toutes les deux et surtout, douceur et paix. Prends bien soin de toi.
Difficile de trouver les mots juste après la lecture de ton récit. Prends bien soin de toi et ta jolie Petite Oreille, le chemin sera long mais toutes les deux, vous serez plus fortes ♥
Ton récit et ta détermination m’ont profondément touché...cette réalité m’a mise en colère car parfois je reste sans mot devant certaines incohérences de notre système.
Je te suis depuis tes débuts et je suis en admiration devant tes photos. Je me souviens très bien cet été quand tu annonçais ton départ pour ce périple vers le Mont Blanc, ma sœur y était au même moment. J’espère que tu continueras à nous faire partager ta passion de l’image et j’espère un jour avoir la chance de participer à un de tes voyages photos.
La priorité est que tu retrouves calme, sérénité et que tu puisses profiter de ta fille, vous trouverez la force de vous reconstruire ensemble.
J’ai beaucoup d’admiration pour ta force et ton courage car oui il faut un courage inouï pour sortir ce vécu douloureux du plus profond de soi, et de la force pour se battre contre un système et des personnes qui ignorent ou préfèrent balayer d’un revers de la main des comportements ou situations inacceptables.
Il y a du chemin mais il faut se battre pour que ce que tu racontes ne soit plus accepté ou minimisé dans notre société.
Merci pour ta sincérité, je partage ta colère mais je te souhaite surtout un avenir meilleur avec ta fille.
Je vous envoie des pensées positives
❤️🌸🍀❤️
Il s’agit d’un récit poignant et criant de tristesse et de détresse qu’on ne peut que comprendre. La vie nous joue bien des tours ! Je vous envoie beaucoup de courage et de tendresse pour traverser cette étape difficile e la vie vers des jours plus heureux <3
Bonjour Aurélie. Je viens de finir la lecture de ton texte. Bouleversant ! J’ai été émue aux larmes tout au long de ton récit, par tout ce que tu as traversé, de la douleur de vivre avec un homme violent et manipulateur. J’ai compris tes voyages, ces fuites avec ta fille. L’éloge de la fuite. C’était le seul moyen de ne pas te perdre, de rester debout pour toi et ta fille. Tu as pris la bonne décision : partir ! Ne plus le laisser te détruire, détruire ta fille ! Survivre pour toi et ta fille ! Toi seule sait ce qui est bien pour ta fille et pour toi. Ne laisse pas les gens te juger. Il est le seul responsable de ses actes. J’ai vraiment été soulagée de lire que finalement tu as la garde complète. Ouf ! Ne le laisse plus jamais essayer de te briser, ni briser le lien très fort que tu as avec ta fille. Tu est une jeune femme pleine d’extraordinaires qualités, courageuse, solide, sensible, aimante, attentive aux autres et une grande artiste de la photo. Je t’envoie de mon lointain Québec, plein de « poutou-poutous », 😘d’encouragements. Suis toujours ton instinct pour toi et ta fille. Garde espoir en l’avenir. Sois heureuse. Je te souhaite beaucoup de beaux moments, de petits et grands bonheurs avec ta fille. J’ai confiance en toi.
Anne-Marie 🤓❤️
Bonjour,
Beaucoup de belles choses vous attendent toutes les deux. C’est un combat d’une très grande violence et tellement injuste que tu as du mener, tu es incroyablement forte. Merci d’avoir partagé, on oubliera pas.
Via Felicia
Bouleversant .... je n’ai pas d’autres mots !
Merci de partager ces mots, cette expérience, et ces photos.
Je ne veux pas être maladroite, alors je n’en dis pas plus, à part, bon courage !
Je ne sais sais pas quoi dire. Merci d’avoir témoigné. ❤❤❤
Tout mon soutien pour toi ! Tu as eu raison de raconter cette histoire dramatique, il ne faut jamais hésiter même si c’est terriblement difficile... Il faut oser dénoncer, aller jusqu’au bout, même si c’est vrai actuellement, le système de protection des victimes de violences conjugales est défaillant. Toutes mes pensées vont vers toi et bon courage pour ce nouveau départ...
Aurélie, bouleversée de te lire. Tes mots m’ont profondément touchée. Je vous souhaite le meilleur, à toi et à ta fille. ❤
Aurélie, je te suis depuis 2013 environ, j’ai vu arriver Petite Oreille dans ta vie, et j’ai vu disparaître la silhouette masculine qui représentait « l’échelle humaine » dans tes paysages, sans jamais soupçonner le drame personnel qui se jouait en coulisses. J’ai donc pris ton récit comme une claque, comme une mauvaise nouvelle que m’annoncerait une vieille amie.
Bravo pour avoir osé reprendre en mains ta vie et celle de ta fille avec beaucoup de courage, et pour avoir partagé ton histoire. Je vous souhaite beaucoup de bonheur à toutes les deux, et je te souhaite de faire les bonnes rencontres qui te feront oublier ce chapitre douloureux.
Ah, et perso, la résilience par la rando en montagne, je dis oui bien sûr 🙂
Quel récit bouleversant. Je n’ai pu m’empêcher de pleurer devant tant de souffrance, de colère et d’injustice. Je suis tellement heureuse que tu ai pu avoir la garde de ta fille.
Très ému de lire ce texte, rien n’excuse une telle violence ! Quel courage dans ton parcours, dans cet article aussi, je t’admire et te soutiens, en tout cas virtuellement.
Chère Aurélie,
Je te crois.
Je t’envoie de l’amour, des torrents d’amour et j’espère enfin de la légèreté et du bonheur insouciant.
Je t’embrasse,
Aline
Les photos sont superbes !!!
Quel miroir... moi qui pensais que la justice avait changé ...
je suis aussi une bourlingueuse avec son reflex... son compagnon. Voyage et photo sont vitaux !!!
Ai falli moi aussi passer par la fenêtre ... et moi aussi ai eu cet espoir que la justice est là pour nous protéger et que le calvaire va cesser le jour où on décide de porter plainte... et qu en fait...
Et ces voyages, ces projets, qui sont la bouffée de oxygène !!! Qui sont vitaux !!!
J’ai la chance de ne pas avoir la blessure de l’arrachement d’un enfant et d’avoir pu le sortir de ma vie, pas d’obligation envers lui.. Ma solitude m’a permis de m’enfuir à l’autre bout du monde... et de revenir dans qu il ne soit plus jamais là plusieurs années après. Des années de combat, mais pour moi c’est un autre livre qui est rangé. Et ma vie est eperduement photo et voyages. Car contrairement à ce que ces hommes disent, et bien oui on est fortes et capables.
Mais comment faire confiance aujourd’hui même des années après ? Un reflex sera toujours là... puis une tente, (ou un van) et soi même en fait c’est bien aussi 🙂
Oui les gens nous envie sans savoir ce qu il y a derrière ...
Mais c’est ma vie, elle est à moi et personne ne me l enlèvera ! Surtout pas des bourreaux !
Je vous souhaite tout le courage nécessaire !
Merci pour votre témoignage !
Triste de voir que rien ne change ...
Au plaisir que le hasard nous fasse nous croiser sur un chemin de randonnée ... un chemin de vie
Et bien sûr je m’en vais suivre votre formation sur empara 🙂 qui je sais, va me mettre les larmes aux yeux...! Surtout en ce moment que les ailes sont coupées ...
Bien à vous
Forca !!!
Clara
Bonjour Aurélie, je ne vous connais qu’à travers votre blog que je suis depuis un moment. Je voulais vous remercier d’avoir publié votre témoignage. Je traverse pratiquement la même chose que vous : le harcèlement moral (ainsi que le viol conjugal) a débuté à la conception de notre fille qui a 10 ans et se poursuit encore à ce jour, 5 ans après le divorce alors qu’il a refait sa vie (et moi aussi). Il a manqué de me tuer 3 fois (je me suis retrouvé abusivement en garde à vue), me vomit verbalement dessus en permanence et me rabaisse, manipule notre fille. Rien ne peut l’arrêter et la dernière décision de la justice préconise une énième enquête sociale alors que j’ai une avocate et que le dossier est béton. De plus, suite au divorce, il a gardé la maison et refuse de me rembourser la soulte dont il m’a forcé à renoncer chez le notaire. j’ai donc vécu 3 ans dans 26 m² avec notre fille en garde alternée et à trier mes cartons puisqu’il m’avait tout jeté en vrac dedans. J’ai l’impression de vivre un cauchemar et que jamais je ne serais libre de mes faits et gestes. Par moment, je suis comme vous, je ne rêve que de partir très loin avec notre fille...
Je vous souhaite plein de courage et de bonheurs à venir avec votre fille
Stéphanie
Aurélie
Quel récit poignant. Je suis bouleversée par ton histoire mais aussi par le peu de crédit donné à une femme en détresse. Quelle douleur à lire tes mots, j’ai les larmes aux yeux. Je suis fière de toi, de ton combat, qui semble enfin aboutir. J’espère sincèrement que l’horizon sera désormais plus serein pout ta fille et toi.
Je suis choquée de revenir sur ton blog et découvrir ton calvaire et surtout pour ta belle petite fille.
Il va falloir du temps pour te reconstruire mais tu as déjà effectué une première étape, la libération, maintenant le temps, les beaux moments, les loisirs et l’amour de ta fille feront le reste. Je pense que ta reconstruction passera par l’écriture et la photo pour lesquels tu as une réel talent. Bon courage et félicitation de t’être sorti de cette prison psychologique et physique.
Quelle force de raconter tout cela... Bon courage pour surmonter cette période difficile !
Récit bouleversant. Plein de courage et de bonheur avec ta fille.
Ton ex est un gros con qui finira en taule et je suis hyper contente que tu ais la garde de ta fille. Tu as fait un boulot magnifique avec elle. J’ai vu les voyages toutes ces années sur ton blog avec elle. Aucun doute, elle a une chance incroyable d’avoir une maman pareille.
T’inquiète pas, ton future sera lumineux, comme toi.
Pardon pour les fautes de mon message précédent, ce texte m’a beaucoup troublée.
Merci beaucoup Madame
J’ai vécu la violence et les menaces contre nous deux, moi et mon fils, mais j’ai eu beaucoup de chance, il n’a pas mis ses menaces a exécution après notre départ, et n’a pas non plus demandé la garde alternée.
Il prend tout de même mon fils le week-end, et ça suffit déjà un peu à lui retourner le cerveau et à ce qu’il me dise parfois des choses déplorables. Mais il n’est pas violent avec lui heureusement.
Partir a été très compliqué. On a déménagé en cachette un matin où il était absent. J’avais fait toutes les démarches en secret et on a emporté ce qu’on pouvait dans une camionnette louée. Je sais maintenant – je l’ai su après- qu’on n’a pas le droit de faire ça. C’est la toute première chose que m’a dit l’avocat que j’ai appelé pour me renseigner.
La loi française protège vraiment bien les droits des pères apparemment. Comme si être un géniteur était un exploit. Comme si ça suffisait à faire un bon parent. Nos enfants n’oublieront jamais ce qu’ils ont vu quand ils étaient petits.
Heureusement, aller en justice lui faisait peur, et de toute façon il n’avait pas envie de s’occuper de son fils une semaine sur deux.
Ca a du être extrêmement dur pour toi de lui laisser ta fille à chaque fois. Je suis vraiment heureuse que tu aies pu la retrouver.
Je suis arrivé par hasard sur ton blog, à travers l’article « comment je me suis décomplexée du portrait ». Je l’ai beaucoup aimé, et je pense qu’il me servira grandement. J’ai aussi apprécié ta façon d’écrire, et j’ai parcouru la suite du blog avec entrain. Tes photos sont très belles, et le tout forme un ensemble harmonieux.
Ce dernier article très personnel m’a touché, interrogé, ouvert les yeux aussi.
C’est très courageux d’avoir partagé ce récit.
Je te souhaite le meilleur avec « petite oreille » et je continuerai de suivre tes publications.