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Transmongol II : 4 jours de train jusqu’à Irkoutsk

par Madame Oreille

Avant d’en­ta­mer cette par­tie du récit, petit pré­am­bule lin­guis­tique : le trans­si­bé­rien (Транссиб) est une ligne de che­min de fer russe qui relie Mos­cou à Vla­di­vos­tok (Владивосток) dont il existe deux variantes, trans­mon­gol et trans­man­chou­rien qui bifurquent peu après Irkoutsk (Иркутск). Ce der­nier ral­lie Pékin en pas­sant par la Man­chou­rie (logique). Quant au trans­mon­gol, il va lui aus­si jus­qu’à Pékin, mais en tra­ver­sant la Mon­go­lie de Nord en Sud. Pour cette par­tie du voyage, nous sui­vons donc le fameux transsibérien.


Lun­di 6 Avril, à 23h30, nous mon­tons donc dans le « Baï­kal » (Байкал), train russe dans lequel nous allons tra­ver­ser une bonne par­tie du pays. A l’en­trée de chaque wagon une pro­vo­nit­sa véri­fie les billets (et pas­se­ports pour nous). Il s’a­git d’une « gar­dienne » : à deux, elles relient pour net­toyer le wagon, dis­tri­buer les draps, ouvrir la porte aux arrêts, etc.

Nous pous­sons la porte de la troi­sième classe, uni­que­ment dis­po­nible sur les trains russes : un dor­toir à cou­chettes super­po­sées où coha­bitent plus de cin­quante per­sonnes. Une odeur infâme enva­hit nos narines. Il fait une cha­leur étouf­fante et ça sent le ren­fer­mé. Nous avan­çons dans le petit cou­loir. Le wagon est plein, nous sommes les der­niers à mon­ter. Tout le monde nous dévi­sage, pas un seul tou­riste ne s’est per­du ici. On conti­nue d’a­van­cer, sans trou­ver nos places. Pen­sant qu’il y a d’autres cou­chettes der­rière une porte demi-vitrée, je la pousse, mais un vieux en sous-vête­ments la repousse et m’en­gueule en russe. Il est en train de se chan­ger. On ne com­prend pas. Toutes les places ont l’air déjà prises. Je demande de l’aide et gen­ti­ment une voya­geuse nous indique nos places, non sans affi­cher sa per­plexi­té quant à notre pré­sence ici.

Nos places longent le cou­loir, nous ne pen­sions pas que c’é­tait des places cou­chettes ! En effets, deux places assises se font face avec une tablette entre elles. Mais c’est bien pen­sé. La table s’a­baisse et se retourne pour per­mettre de poser un mate­las des­sus. La pro­vo­nit­sa dis­tri­bue des taies d’o­reillers, des draps et des cou­ver­tures après le départ du train. On ne se sent pas bien. L’o­deur, les regards, on regrette fran­che­ment de ne pas avoir pris une pre­mière classe avec les tou­ristes amé­ri­cains ! En plus, les places cou­loirs sont les seules à ne pas béné­fi­cier d’un coffre sous le siège, et on ne sait pas quoi faire de nos sacs.

L’en­vie de dor­mir se fai­sant sen­tir, on se décide à tout mettre dans le range bagage sur la cou­chette du des­sus et on croise les doigts, se disant que si quel­qu’un tente quelque chose, ça nous réveille­ra, vu qu’on ne va sans doute dor­mir que d’un œil.

Le len­de­main matin, je me réveille dou­ce­ment. Per­sonne n’a fer­mé les rideaux et une lumière douce éclaire le wagon encore endor­mi. Je me redresse et suis tout de suite hap­pée par la fenêtre. Aucune pho­to ne pour­ra retrans­crire ça (sur­tout que je n’ai pas osé sor­tir l’ap­pa­reil le pre­mier jour, j’ai atten­du d’être en confiance ! Marc a pris quelques pho­tos dis­crè­te­ment avec le sien (enfin, le mien que je lui prête!) plus tard dans la jour­née. Donc, par la fenêtre je vois le lever du jour sur les plaines ennei­gées. Quelques arbres, mais sur­tout une gigan­tesque éten­due blanche, sans rien. Impressionnant.

Petit déjeu­ner. On regarde les gens se réveiller autour de nous et on se détend. Avec le train en marche, les odeurs ont dis­pa­ru, les gens sont calmes, res­pec­tueux. Cha­cun mène sa petite vie. Ils semblent tous avoir l’ha­bi­tude : ils sont en pan­toufles et pyja­ma, avec toute une orga­ni­sa­tion à leurs places res­pec­tives (nour­ri­ture, thé, etc.). Ils ne nous dévi­sagent plus et se révèlent même sym­pa­thiques : une voi­sine me prê­te­ra spon­ta­né­ment des gouttes pour mon nez enrhu­mé, d’autres essaie­ront de com­mu­ni­quer un peu.

On pour­rait s’at­tendre à une cer­taine anar­chie, vod­ka et chan­sons paillardes, mais pas du tout. Oh, bien sûr, on a vu pas mal d’al­cool à bord, mais sans que jamais ça ne dégé­nère. Deux jeunes hommes notam­ment, allaient chaque soir cher­cher leurs cinq litres de bière... De même pour le bruit, les quelques haus­se­ments de voix ont aus­si­tôt été répri­man­dés. La plu­part fai­saient un tra­jet mini­mal de trois nuits, il est nor­mal qu’ils ne veuillent pas arri­ver trop fati­gués chez eux. Enfin, tout est très propre, que ça soit dans le wagon lui-même, où l’as­pi­ra­teur est pas­sé tous les jours, ou dans les sanitaires.

Aux arrêts, tout le monde sort se dégour­dir les jambes et ache­ter à man­ger ou à boire, tan­tôt dans des gué­rites, tan­tôt à des ven­deurs sur le quai. Pour le thé, le café et les soupes, un samo­var est à la dis­po­si­tion de tous, per­met­tant d’a­voir de l’eau chaude en per­ma­nence. Il est très uti­li­sé par nos com­pa­gnons de voyage qui boivent thé sur thé. Au fil des gares on s’en­fonce dans la Sibé­rie. Le der­nier jour, les voya­geurs com­mencent à quit­ter le train, la neige dis­pa­rait, on est en plein dans les steppes.

Encore une nuit, une qua­trième et nous arri­vons à notre deuxième étape, Irkoutsk. On s’y fait ‚fina­le­ment, aux mou­ve­ments du train, ça berce. Tout le monde est très dis­ci­pli­né : on replie les draps, vire la taie d’o­reiller, range l’o­reiller et le matel­las, le sui­vant aura une cou­chette en bon état. C’est ce qu’on retient de ces quatres jours au milieu des russes, leur res­pect mutuel.

[ à suivre... ] 

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