fbpx

Mali épisode 5 : marcher chez les Dogons

par Madame Oreille

Après avoir pas­sé la jour­née à attendre le bus (cf. épi­sode 2 !), nous arri­vons enfin à Ban­dia­ga­ra, la petite ville qui va nous ser­vir de point de départ pour par­tir chez les Dogons.

Nous sommes héber­gés par Sokan­da, qui est hors de la ville pour quelques jours mais a envoyé son neveu nous accueillir.
Et autant vous le dire tout de suite, c’est (comme sou­vent) très éloi­gné de la vision qu’en don­nait Fré­dé­ric Lopez dans son Ren­dez-vous en Terre Incon­nue avec Édouard Baer...

Et ça tombe plu­tôt bien, puisque le neveu est jus­te­ment le guide qui nous a été recom­man­dé : Gobi, comme le désert entre Chine et Mon­go­lie. Nous grim­pons dans une voi­ture et pas­sons la soi­rée à la mai­son, avec les filles et nièces de Sokan­da, sa femme, et Gobi. Comme nous sommes arri­vés plus tard que pré­vu, ils nous font enchaî­ner déjeu­ner tar­dif et dîner ! Pfiou ! Mais c’est délicieux !
Nous repas­se­rons une soi­rée avec eux à la fin de la semaine, l’oc­ca­sion de décou­vrir la télé malienne, de faire des pliages avec les enfants (vous vous sou­ve­nez des pétards claque-machin en papier ? Ben je n’y arrive tou­jours pas ! Mais je sais faire des « sha­doks » qui amusent les gamins, na.).

Ren­dez-vous est pris pour le len­de­main matin : nous mar­che­rons quatre jours chez les Dogons en sa com­pa­gnie. Il est jeune, sym­pa, ne fume pas, ne boit pas (en tout cas pas pen­dant la ran­don­née), et rigole à nos blagues pour­ries : que deman­der de mieux ?

Le Pays Dogon se décom­pose en trois types de pay­sages : le pla­teau, la falaise, la plaine. Notre iti­né­raire doit nous faire voir un peu de tout : 2 des­centes, 2 mon­tés ! Et croyez-moi, c’est pas des petits esca­liers, même si c’est ain­si que Gobi les appelle...

La voi­ture nous laisse à Dji­gui­bom­bo, un joli vil­lage du pla­teau. Il est tôt. La cou­tume veut qu’on donne des noix de kola aux vieux des vil­lages qu’on tra­verse. Il s’a­git d’un petit fruit dégueu­lasse mais très puis­sant (ça réveille !), que les gens appré­cient beau­coup ici. Entre ça et la bière de mil, je me dis qu’ils ont quand même des goûts étranges...

Nous enta­mons alors la des­cente. Il y a bien une route, mais on la quitte assez vite pour cou­per à tra­vers « rochers ». Il paraît que tout le monde fait ça, même si aucun n’a de bonnes chaus­sures... Il nous fau­dra deux heures pour des­cendre (sans aucun chute ! mais avec la « tech­nique popo­tin » par moments) et rejoindre ain­si Kani Kom­bole, dans la plaine. Le midi, les tou­ristes font tous la même chose : ils res­tent au frais sur le toit d’une auberge-res­tau­rant, et éven­tuel­le­ment y font la sieste. Chaque vil­lage en pos­sède au moins une, plus ou moins déve­lop­pée, où on achète quelques (chères) bois­sons, de la nour­ri­ture (pâtes, riz ou cous­cous, exclu­si­ve­ment) et où on trouve quelques mate­las. Celle de Kani Kom­bole est très déve­lop­pée, pleine de déco­ra­tions, et bien tenue.
Nous res­te­rons trois heures ici, le temps que la cha­leur passe, et ça va nous faire un peu peur quant aux voya­geurs qu’on peut y croi­ser. Ima­gi­nez un peu. Lorsque nous arri­vons, 6 gros polo­nais au crâne rasé se pré­parent à repar­tir après leur nuit pas­sée ici. Aucun ne dit bon­jour, que ce soit à nous ou aux locaux. Ils s’af­fairent autours de grosses motos sur-équi­pées avec des logos Paris-Dakar. Ils sont là pour rou­ler, rien d’autre...
Et juste après que les polo­nais soient par­tis, voi­là un groupe de prê­cheurs alle­mands qui arrivent, encer­clés par les enfants, les tenant par la main, comme s’il s’a­gis­sait d’une classe de mater­nelle. J’é­change quelques mots avec l’un d’eux, mais au lieu des clas­siques ques­tions entre voya­geurs (vous venez d’où, vous res­tez com­bien de temps, etc.), il me demande si j’é­coute Jésus. J’es­saie de lui expli­quer que je res­pecte sa foi mais le voi­là par­ti à ten­ter de me conver­tir... Il s’a­git en fait d’un groupe de chré­tiens qui a finan­cé la construc­tion d’une église dans le vil­lage (qui est musul­man, hein). On se croi­rait reve­nus quelques années en arrière...

Nous repar­tons vers 15h pour Teli, le vil­lage où nous pas­se­rons la nuit. La marche est assez courte, mais pas for­cé­ment agréable : dans la plaine, c’est du sable par­tout. Mais nous ne sommes pas trop fati­gués par cette pre­mière jour­née et insis­tons (sur­tout moi) pour mon­ter direc­te­ment dans « le vil­lage de la falaise ».
En fait, lorsque les Dogons se sont ins­tal­lés ici, ils ont construit leurs mai­sons en hau­teur, où vivaient déjà les Telems/Pygmées. Ils étaient ain­si plus à l’a­bri des ani­maux, mais loin de l’eau et des cultures. Dans les années 80, les vil­la­geois sont des­cen­dus (ou mon­tés) pour des lieux plus pra­ti­quables. On trouve encore quelques récal­ci­trants qui sont bien là-haut, cela-dit.

Les petites mai­sons des pyg­mées se fondent avec les mai­sons dogons dans ce vil­lage deve­nu fan­tôme (ce sont les trucs minus­cules qui res­semblent à des fourmilières !).
Si ces crânes vous intriguent, Gobi nous a expli­qué qu’il s’a­gis­sait d’un cime­tière pyg­mée, mais on pense qu’il a mal dû s’ex­pri­mer, parce qu’on a remar­qué plus tard que les chas­seurs (encore aujourd’­hui) gardent ain­si des tro­phées de leurs prises sur les murs de leurs maisons.

Nous redes­cen­dons au vil­lage avant que la nuit ne tombe car ici, on ne peut pas trop comp­ter sur l’é­clai­rage public : il n’y a pas d’électricité. Nous pas­sons la soi­rée à par­ler éco­no­mie avec Gobi et le pro­prié­taire de l’au­berge, que la « crise » intrigue beau­coup (« mais, vous ne pou­vez pas en fabri­quer plus, des billets ? »). Mais lorsque nous pre­nons fina­le­ment congé, c’est pour avoir une petite déconvenue...

Dans le Pays Dogon, il est cou­rant de dor­mir à la belle étoile, sur le toit de l’au­berge, et nous vou­lions essayer ! Sauf qu’une fois sur le toit, on découvre deux pauvres mate­las en mousse, et rien d’autre. Gobi nous ayant dit que ça ne nous serait pas utile, nous avons lais­sé la mous­ti­quaire et les duvets à Ban­dia­ga­ra. Il fait bien trop froid pour dor­mir dans ces condi­tions. L’au­ber­giste nous rapa­trie donc dans une petite chambre, mais nous décou­vrons qu’il n’est pas du tout équi­pé en draps. Il tente de nous expli­quer que tout est déchi­ré, qu’il ne peut pas nous pas­ser autre chose, et nous nous retrou­vons avec une vieille cou­ver­ture minus­cule pour une per­sonne et un bout de drap en morceaux.
On com­mence à flip­per un peu, à se deman­der si ça va être comme ça par­tout, et puis on se décide à dire à Gobi (sur le ton pati­bu­laire du belge) qu’il faut qu’on ailler dor­mir ailleurs. Et là où on voit qu’il est pro, c’est que dix minutes plus tard, on est dans une autre auberge, sous des couvertures !
On ne va pas spé­cia­le­ment bien y dor­mir, grâce à une gr#&@ de chèvre, mais on ne cho­pe­ra pas froid !

Nous quit­tons Teli tôt pour rejoindre Ende avant les grosses cha­leurs. C’est un des gros vil­lages de la région et, coup de chance, c’est le jour du mar­ché. Comme il n’y a pas vrai­ment de super­mar­chés dans le coin, on y trouve de tout. Cer­tains viennent de loin pour vendre quelques graines au fond d’une bas­sine. Les ânes et dro­ma­daires sont « par­qués » à quelques mètres de là. Il faut dire que chaque ville a son mar­ché une fois par semaine. Ici, pas ques­tion de res­sor­tir cher­cher du ket­chup au Fran­prix à 21h... La foule est impres­sion­nante, nous fuyons rapidement.

A l’ex­té­rieur d’Ende, nous sommes rat­tra­pés par des enfants et nous allons vivre une expé­rience assez dif­fi­cile. (Rien à voir avec le cro­quis ci-des­sous, c’est juste pour illus­trer l’article !)
Ils veulent qu’on aille voir le for­ge­ron qui nous fait de grands signes. Comme ils insistent et qu’on ne veut pas être impo­lis, nous finis­sons par y aller. Gobi nous avait dit que le plus bel arti­sa­nat se trou­vait là, et c’est vrai, tout est très beau. Sauf qu’il nous reste trois jours de marche et qu’on n’a pas envie de por­ter des sculp­tures à la main tout ce temps. On essaie de l’ex­pli­quer gen­ti­ment et on repart. Mais là, Gobi nous demande de l’at­tendre quelques minutes et on se retrouve encer­clés par les enfants qui nous donnent des prix tou­jours plus bas pour les petites sculp­tures qu’ils ont dans les mains.
On avait déjà été un peu gênés par le fait que cer­tains demandent des bon­bons, de l’argent, mais là, on est car­ré­ment mal à l’aise. Les prix sont ridi­cu­le­ment bas (moins d’un euro...) et ils insistent vrai­ment, se bous­culent entre eux, et nous suivent même quand on fait mine de par­tir 200m plus loin. On com­prend que c’est une des consé­quences de la chute du tou­risme. Ces gamins fai­saient pro­ba­ble­ment vivre une par­tie de leur famille en fabri­quant des sou­ve­nirs. Le tra­vail des enfants est mal­heu­reu­se­ment encore très cou­rant, ici...
Nous pas­sons notre deuxième nuit à Yaba­ta­lou, et ce coup-ci, nous tes­tons la nuit sur le toit ! Le vieux mon­sieur qui nous accueille ins­talle tout ce qu’il faut : mate­las, cou­ver­tures, et mous­ti­quaires. Et for­cé­ment, c’est la seule nuit du voyage où je vais être malade, avec des toi­lettes situées à l’ex­té­rieur du cam­pe­ment, et à l’ex­té­rieur du vil­lage ; là où, en pleine nuit, on ne voit rien mais où il y a plein de bruits bizarres. Parce que oui, chez les Dogons, ce n’est pas le royaume du silence... Et je dois avouer que je n’en menais pas vrai­ment très large, plan­quée sous la mous­ti­quaire, à essayer d’a­na­ly­ser le moindre son !
Même si l’ex­pé­rience est agréable, on ne la renou­vel­le­ra pas à cause de deux détails : le vent et le sable !

Poursuivre la lecture vers un autre article..

13 commentaires

Curieuse Voyageuse 22 février 2012 - 8:14

Vache­ment long mais bien inté­res­sant. C’est fou de se dire que les enfants pra­tiquent aus­si la men­di­ci­té par là : y avait-il beau­coup de tou­ristes à part vous ?
Et oué, la nuit, j’i­ma­gine que tu de ne devais pas en mener large avec de drôles de bruits 😉

Répondre
Maxime 22 février 2012 - 9:44

Ah moi j’ai vrai­ment un faible pour les cro­quis!! J’a­dooore ! Bravo !

Répondre
tewoz 22 février 2012 - 10:43

Mer­ci pour cet article super intéressant.
Et encore une fois (et même encore plus que la der­nière fois), tes cro­quis sont magnifiques !

Répondre
Oreille 22 février 2012 - 13:52

Curieuse Voya­geuse : Sur 4 jours, on a croi­sé un couple de cana­diens, un qué­bé­cois, trois amé­ri­cains, nos polo­nais et les alle­mands bizarres, ain­si que trois expa­triés, ce qui ne compte pas vrai­ment, du coup (j’en­tends, expa­triés dans un petit vil­lage dogon !)
Notre guide nous a envoyé un mail la semaine pas­sée nous disant qu’il n’a­vait plus per­sonne, les pro­chains mois allant être trop chauds.. Et les guides ne sont vrai­ment pas les plus à plaindre !

Maxime : mer­ci 🙂 ça diver­si­fie un peu finalement.

Tewoz : ça me fait plai­sir 🙂 espé­rons que ça ren­dra bien dans le car­net final !

Répondre
cecile 22 février 2012 - 14:18

ah oui super croquis !
J’ai un pro­blème d’échelle : les rec­tangle en terre qui res­semblent à des petites mai­sons, c’est des petites mai­sons ou ? quelles sont leurs tailles ? parce que les pigmés,ils sont petits mais quand même ...

Répondre
cecile 22 février 2012 - 14:22

J’ai vou­lu cor­ri­ger une faute pen­sant que le com­men­taire n’é­tait pas par­tie, je clique et la :
 » vous envoyez vos com­men­taires trop rapi­de­ment, cal­mez vous ! »
mdr, c’est de qui ?

Répondre
jims34 22 février 2012 - 15:03

Fan de pho­to j’ai un faible pour tes cro­quis aussi.
C’est quoi l’arbre qu’il y a sur une des pho­tos et je crois sur un des­sin ?(c’est le même arbre ?)
Il fait froid la nuit parce que c’est en alti­tude ou c’est le cli­mat comme ça, comme dans le désert ?
Conti­nue, on attends la suite.

Répondre
gaspard 22 février 2012 - 15:57

...Pho­to tu maitrises
...Vidéo tu t’en sors haut la main

Et tu des­sines ? (et bien en plus).

Donc, voi­là, Madame oreille sait tout faire.
À quand une petite chan­son en fin de post ?

Répondre
NowMadNow 22 février 2012 - 16:24

Tes cro­quis!!

Tu devrais pos­ter plus sou­vent tes des­sins, ils véhi­culent plein de choses. 

Now­Mad­Now

Répondre
Marie 22 février 2012 - 18:10

Super récit...que de souvenirs !
Tes pho­tos sont extra, mais alors tes croquis...sublimes !!!

Répondre
Estelle 22 février 2012 - 19:10

@ Gas­pard : Haha ! Je veux bien aus­si un petit chant afri­cain en robe boubou !! 😀

Répondre
Oreille 22 février 2012 - 20:29

Cécile : ah, je m’é­tais écla­tée à tra­duire mon thème pour glis­ser des sur­prises par­tout 😀 En fait, ce ne sont pas des Pyg­mées au sens eth­nique du terme, juste un peuple très petit sur lequel on n’a pas vrai­ment d’in­fo, les Telems. J’i­ma­gine que toutes ces petites cachettes n’é­taient pas des habi­ta­tions, il doit y avoir quelques gre­niers plus petits dans le lot. Mais même les grandes sont minuscules !

Jims34 : oui, c’est la même espèce de bao­bab, assez éloi­gnée des images que j’en avais, d’ailleurs, mais très appré­ciée ici pour son jus.
Je crois que le froid vient plus du désert, mais c’est connu : on dit aux tou­ristes de pré­voir leurs petites laines pour le soir ! En fait, dès que le soleil tombe, on sent net­te­ment la dif­fé­rence, alors que ça mon­tait au delà de 30 dans la journée...

Gas­pard : je chante faux, j’ai les doigts trop petits pour tenir une gui­tare, aucun rythme avec les per­cus­sions... C’est une frus­tra­tion, mais j’ai lais­sé tom­ber l’i­dée d’ap­prendre à faire quoi que ce soit dans ce domaine ! 😀
(mer­ci)

Now­Mad­Now : je m’y mets en dou­ceur 🙂 (et l’a­van­tage du des­sin sur la pho­to, c’est qu’on n’a pas besoin d’une jolie lumière !)

Marie : merci 🙂

Estelle : c’est Gas­pard que tu vois voir en bou­bou, hein ?

Répondre
Estelle 22 février 2012 - 20:40

Héhé... Nan nan ! Il n’a pas de robe bou­bou lui... 😉

Répondre

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.