Après avoir passé la journée à attendre le bus (cf. épisode 2 !), nous arrivons enfin à Bandiagara, la petite ville qui va nous servir de point de départ pour partir chez les Dogons.
Nous sommes hébergés par Sokanda, qui est hors de la ville pour quelques jours mais a envoyé son neveu nous accueillir.
Et autant vous le dire tout de suite, c’est (comme souvent) très éloigné de la vision qu’en donnait Frédéric Lopez dans son Rendez-vous en Terre Inconnue avec Édouard Baer...
Et ça tombe plutôt bien, puisque le neveu est justement le guide qui nous a été recommandé : Gobi, comme le désert entre Chine et Mongolie. Nous grimpons dans une voiture et passons la soirée à la maison, avec les filles et nièces de Sokanda, sa femme, et Gobi. Comme nous sommes arrivés plus tard que prévu, ils nous font enchaîner déjeuner tardif et dîner ! Pfiou ! Mais c’est délicieux !
Nous repasserons une soirée avec eux à la fin de la semaine, l’occasion de découvrir la télé malienne, de faire des pliages avec les enfants (vous vous souvenez des pétards claque-machin en papier ? Ben je n’y arrive toujours pas ! Mais je sais faire des « shadoks » qui amusent les gamins, na.).
Rendez-vous est pris pour le lendemain matin : nous marcherons quatre jours chez les Dogons en sa compagnie. Il est jeune, sympa, ne fume pas, ne boit pas (en tout cas pas pendant la randonnée), et rigole à nos blagues pourries : que demander de mieux ?
Le Pays Dogon se décompose en trois types de paysages : le plateau, la falaise, la plaine. Notre itinéraire doit nous faire voir un peu de tout : 2 descentes, 2 montés ! Et croyez-moi, c’est pas des petits escaliers, même si c’est ainsi que Gobi les appelle...
La voiture nous laisse à Djiguibombo, un joli village du plateau. Il est tôt. La coutume veut qu’on donne des noix de kola aux vieux des villages qu’on traverse. Il s’agit d’un petit fruit dégueulasse mais très puissant (ça réveille !), que les gens apprécient beaucoup ici. Entre ça et la bière de mil, je me dis qu’ils ont quand même des goûts étranges...
Nous entamons alors la descente. Il y a bien une route, mais on la quitte assez vite pour couper à travers « rochers ». Il paraît que tout le monde fait ça, même si aucun n’a de bonnes chaussures... Il nous faudra deux heures pour descendre (sans aucun chute ! mais avec la « technique popotin » par moments) et rejoindre ainsi Kani Kombole, dans la plaine. Le midi, les touristes font tous la même chose : ils restent au frais sur le toit d’une auberge-restaurant, et éventuellement y font la sieste. Chaque village en possède au moins une, plus ou moins développée, où on achète quelques (chères) boissons, de la nourriture (pâtes, riz ou couscous, exclusivement) et où on trouve quelques matelas. Celle de Kani Kombole est très développée, pleine de décorations, et bien tenue.
Nous resterons trois heures ici, le temps que la chaleur passe, et ça va nous faire un peu peur quant aux voyageurs qu’on peut y croiser. Imaginez un peu. Lorsque nous arrivons, 6 gros polonais au crâne rasé se préparent à repartir après leur nuit passée ici. Aucun ne dit bonjour, que ce soit à nous ou aux locaux. Ils s’affairent autours de grosses motos sur-équipées avec des logos Paris-Dakar. Ils sont là pour rouler, rien d’autre...
Et juste après que les polonais soient partis, voilà un groupe de prêcheurs allemands qui arrivent, encerclés par les enfants, les tenant par la main, comme s’il s’agissait d’une classe de maternelle. J’échange quelques mots avec l’un d’eux, mais au lieu des classiques questions entre voyageurs (vous venez d’où, vous restez combien de temps, etc.), il me demande si j’écoute Jésus. J’essaie de lui expliquer que je respecte sa foi mais le voilà parti à tenter de me convertir... Il s’agit en fait d’un groupe de chrétiens qui a financé la construction d’une église dans le village (qui est musulman, hein). On se croirait revenus quelques années en arrière...
Nous repartons vers 15h pour Teli, le village où nous passerons la nuit. La marche est assez courte, mais pas forcément agréable : dans la plaine, c’est du sable partout. Mais nous ne sommes pas trop fatigués par cette première journée et insistons (surtout moi) pour monter directement dans « le village de la falaise ».
En fait, lorsque les Dogons se sont installés ici, ils ont construit leurs maisons en hauteur, où vivaient déjà les Telems/Pygmées. Ils étaient ainsi plus à l’abri des animaux, mais loin de l’eau et des cultures. Dans les années 80, les villageois sont descendus (ou montés) pour des lieux plus pratiquables. On trouve encore quelques récalcitrants qui sont bien là-haut, cela-dit.
Les petites maisons des pygmées se fondent avec les maisons dogons dans ce village devenu fantôme (ce sont les trucs minuscules qui ressemblent à des fourmilières !).
Si ces crânes vous intriguent, Gobi nous a expliqué qu’il s’agissait d’un cimetière pygmée, mais on pense qu’il a mal dû s’exprimer, parce qu’on a remarqué plus tard que les chasseurs (encore aujourd’hui) gardent ainsi des trophées de leurs prises sur les murs de leurs maisons.
Nous redescendons au village avant que la nuit ne tombe car ici, on ne peut pas trop compter sur l’éclairage public : il n’y a pas d’électricité. Nous passons la soirée à parler économie avec Gobi et le propriétaire de l’auberge, que la « crise » intrigue beaucoup (« mais, vous ne pouvez pas en fabriquer plus, des billets ? »). Mais lorsque nous prenons finalement congé, c’est pour avoir une petite déconvenue...
Dans le Pays Dogon, il est courant de dormir à la belle étoile, sur le toit de l’auberge, et nous voulions essayer ! Sauf qu’une fois sur le toit, on découvre deux pauvres matelas en mousse, et rien d’autre. Gobi nous ayant dit que ça ne nous serait pas utile, nous avons laissé la moustiquaire et les duvets à Bandiagara. Il fait bien trop froid pour dormir dans ces conditions. L’aubergiste nous rapatrie donc dans une petite chambre, mais nous découvrons qu’il n’est pas du tout équipé en draps. Il tente de nous expliquer que tout est déchiré, qu’il ne peut pas nous passer autre chose, et nous nous retrouvons avec une vieille couverture minuscule pour une personne et un bout de drap en morceaux.
On commence à flipper un peu, à se demander si ça va être comme ça partout, et puis on se décide à dire à Gobi (sur le ton patibulaire du belge) qu’il faut qu’on ailler dormir ailleurs. Et là où on voit qu’il est pro, c’est que dix minutes plus tard, on est dans une autre auberge, sous des couvertures !
On ne va pas spécialement bien y dormir, grâce à une gr#&@ de chèvre, mais on ne chopera pas froid !
Nous quittons Teli tôt pour rejoindre Ende avant les grosses chaleurs. C’est un des gros villages de la région et, coup de chance, c’est le jour du marché. Comme il n’y a pas vraiment de supermarchés dans le coin, on y trouve de tout. Certains viennent de loin pour vendre quelques graines au fond d’une bassine. Les ânes et dromadaires sont « parqués » à quelques mètres de là. Il faut dire que chaque ville a son marché une fois par semaine. Ici, pas question de ressortir chercher du ketchup au Franprix à 21h... La foule est impressionnante, nous fuyons rapidement.
A l’extérieur d’Ende, nous sommes rattrapés par des enfants et nous allons vivre une expérience assez difficile. (Rien à voir avec le croquis ci-dessous, c’est juste pour illustrer l’article !)
Ils veulent qu’on aille voir le forgeron qui nous fait de grands signes. Comme ils insistent et qu’on ne veut pas être impolis, nous finissons par y aller. Gobi nous avait dit que le plus bel artisanat se trouvait là, et c’est vrai, tout est très beau. Sauf qu’il nous reste trois jours de marche et qu’on n’a pas envie de porter des sculptures à la main tout ce temps. On essaie de l’expliquer gentiment et on repart. Mais là, Gobi nous demande de l’attendre quelques minutes et on se retrouve encerclés par les enfants qui nous donnent des prix toujours plus bas pour les petites sculptures qu’ils ont dans les mains.
On avait déjà été un peu gênés par le fait que certains demandent des bonbons, de l’argent, mais là, on est carrément mal à l’aise. Les prix sont ridiculement bas (moins d’un euro...) et ils insistent vraiment, se bousculent entre eux, et nous suivent même quand on fait mine de partir 200m plus loin. On comprend que c’est une des conséquences de la chute du tourisme. Ces gamins faisaient probablement vivre une partie de leur famille en fabriquant des souvenirs. Le travail des enfants est malheureusement encore très courant, ici...
Nous passons notre deuxième nuit à Yabatalou, et ce coup-ci, nous testons la nuit sur le toit ! Le vieux monsieur qui nous accueille installe tout ce qu’il faut : matelas, couvertures, et moustiquaires. Et forcément, c’est la seule nuit du voyage où je vais être malade, avec des toilettes situées à l’extérieur du campement, et à l’extérieur du village ; là où, en pleine nuit, on ne voit rien mais où il y a plein de bruits bizarres. Parce que oui, chez les Dogons, ce n’est pas le royaume du silence... Et je dois avouer que je n’en menais pas vraiment très large, planquée sous la moustiquaire, à essayer d’analyser le moindre son !
Même si l’expérience est agréable, on ne la renouvellera pas à cause de deux détails : le vent et le sable !
13 commentaires
Vachement long mais bien intéressant. C’est fou de se dire que les enfants pratiquent aussi la mendicité par là : y avait-il beaucoup de touristes à part vous ?
Et oué, la nuit, j’imagine que tu de ne devais pas en mener large avec de drôles de bruits 😉
Ah moi j’ai vraiment un faible pour les croquis!! J’adooore ! Bravo !
Merci pour cet article super intéressant.
Et encore une fois (et même encore plus que la dernière fois), tes croquis sont magnifiques !
Curieuse Voyageuse : Sur 4 jours, on a croisé un couple de canadiens, un québécois, trois américains, nos polonais et les allemands bizarres, ainsi que trois expatriés, ce qui ne compte pas vraiment, du coup (j’entends, expatriés dans un petit village dogon !)
Notre guide nous a envoyé un mail la semaine passée nous disant qu’il n’avait plus personne, les prochains mois allant être trop chauds.. Et les guides ne sont vraiment pas les plus à plaindre !
Maxime : merci 🙂 ça diversifie un peu finalement.
Tewoz : ça me fait plaisir 🙂 espérons que ça rendra bien dans le carnet final !
ah oui super croquis !
J’ai un problème d’échelle : les rectangle en terre qui ressemblent à des petites maisons, c’est des petites maisons ou ? quelles sont leurs tailles ? parce que les pigmés,ils sont petits mais quand même ...
J’ai voulu corriger une faute pensant que le commentaire n’était pas partie, je clique et la :
» vous envoyez vos commentaires trop rapidement, calmez vous ! »
mdr, c’est de qui ?
Fan de photo j’ai un faible pour tes croquis aussi.
C’est quoi l’arbre qu’il y a sur une des photos et je crois sur un dessin ?(c’est le même arbre ?)
Il fait froid la nuit parce que c’est en altitude ou c’est le climat comme ça, comme dans le désert ?
Continue, on attends la suite.
...Photo tu maitrises
...Vidéo tu t’en sors haut la main
Et tu dessines ? (et bien en plus).
Donc, voilà, Madame oreille sait tout faire.
À quand une petite chanson en fin de post ?
Tes croquis!!
Tu devrais poster plus souvent tes dessins, ils véhiculent plein de choses.
NowMadNow
Super récit...que de souvenirs !
Tes photos sont extra, mais alors tes croquis...sublimes !!!
@ Gaspard : Haha ! Je veux bien aussi un petit chant africain en robe boubou !! 😀
Cécile : ah, je m’étais éclatée à traduire mon thème pour glisser des surprises partout 😀 En fait, ce ne sont pas des Pygmées au sens ethnique du terme, juste un peuple très petit sur lequel on n’a pas vraiment d’info, les Telems. J’imagine que toutes ces petites cachettes n’étaient pas des habitations, il doit y avoir quelques greniers plus petits dans le lot. Mais même les grandes sont minuscules !
Jims34 : oui, c’est la même espèce de baobab, assez éloignée des images que j’en avais, d’ailleurs, mais très appréciée ici pour son jus.
Je crois que le froid vient plus du désert, mais c’est connu : on dit aux touristes de prévoir leurs petites laines pour le soir ! En fait, dès que le soleil tombe, on sent nettement la différence, alors que ça montait au delà de 30 dans la journée...
Gaspard : je chante faux, j’ai les doigts trop petits pour tenir une guitare, aucun rythme avec les percussions... C’est une frustration, mais j’ai laissé tomber l’idée d’apprendre à faire quoi que ce soit dans ce domaine ! 😀
(merci)
NowMadNow : je m’y mets en douceur 🙂 (et l’avantage du dessin sur la photo, c’est qu’on n’a pas besoin d’une jolie lumière !)
Marie : merci 🙂
Estelle : c’est Gaspard que tu vois voir en boubou, hein ?
Héhé... Nan nan ! Il n’a pas de robe boubou lui... 😉