A partir de Dublin, j’ai exploré le sud-est de l’Irlande, les Terres Ancestrales, chargées d’Histoire... et de fantômes !
Je ne crois pas aux fantômes. Si je n’aime pas casser un miroir, c’est parce que je n’aime pas casser des choses tout court. Et si je ne passe pas sous une échelle, c’est simplement par bon sens. Bref, je ne suis pas superstitieuse. Mais il y a des endroits qui vous font douter. D’une part pour le plaisir de l’adrénaline, et d’autre part, parce qu’à force de rencontrer des gens qui y croient, on finit par se poser des questions.
Étrange rencontre à Waterford
Je suis à Waterford. Il pleut. J’ai sympathisé avec une jeune néerlandaise et nous sillonnons les rues à la recherche d’œuvres de street art. Soudain, nous sommes interpellées par un jeune homme. Il a envie de papoter. Et comme c’est le cas depuis le début de mon séjour en Irlande, il nous raconte une histoire de fantôme avant même de nous dire son nom. Il n’a pas vraiment vu le fantôme, il l’a surtout senti et entendu. C’était un chien fantôme qui s’est mis à grogner en sa présence. Le chien a frôlé ses mollets, menaçant. Une silhouette floue et sombre, raz-du-sol. Notre homme lui a dit de s’en aller. La silhouette a grogné. Quelqu’un est arrivé. Le chien a disparu. Il ne l’a jamais revu.
C’était dans une rue du centre-ville, à quelque mètres de l’endroit où nous discutons, en rentrant de soirée.
J’ai demandé à Robin Luke si c’était arrivé en rentrant du pub. Il m’a répondu oui, très sérieusement. Les histoires de fantômes irlandais commencent souvent par je rentrais du pub et...
Robin Luke Skywalker (ses parents étaient fans...) s’éloignant dans les rues de Waterford, sous son parapluie multicolore.
Les fantômes de Jerpoint Park
Je rencontre Joe O’Connor, un matin, chez lui. Il vit au milieu des moutons et des fantômes mais rien n’était prémédité. Nous sommes à côté de Thomastown, dans le comté de Kilkenny. On devine l’Abbaye de Jerpoint au loin.
Revenons 11 ans en arrière. Joe est éleveur de porcs. Il s’apprête à partir en retraite et cherche un lopin de terre où s’installer au calme avec son épouse. Un panneau annonçait « à vendre » sur le portail. Joe est tombé amoureux de cette vieille maison, cernée par un immense terrain au fond duquel coule une rivière. Il a tout de suite su qu’il devait acheter la propriété. Il ignorait alors qu’il allait devenir le gardien de Jerpoint Park...
Nous sommes devant une grand corps de ferme. Joe me présente son chien, fidèle compagnon, dressé à regrouper les moutons en quelques secondes. Il siffle, le chien s’aplatit au sol, à l’arrêt. Il re-siffle, le chien part en courant à droite. Sifflement. A gauche. Les moutons suivent le mouvement. Le chien garde ses distances, eux aussi. Le chien n’a pas peur des fantômes.
En emménageant, Joe a découvert un vieux mur en pierres, alors recouvert par la végétation. Quelques fouilles plus tard, il mettait au jour les ruines d’une église et prenait conscience de la valeur et de l’importance du lieu.
Il sourit en me racontant une anecdote. Lui et sa femme se sont mariés le 6 décembre, jour de la Saint Nicolas, détail déjà amusant puisque leur fils s’appelle justement Nicolas (en hommage au grand-père). Ce fut donc une sacrée coïncidence quand ils ont découvert que ça n’était pas n’importe quelle église qui était là, cachée sous les feuilles, et que quelqu’un de spécial se trouvait dans le cimetière...
Il s’appuie sur son bâton de marche, prend des airs mi-amusé mi-mystérieux. Joe sait raconter les histoires. Il se tient devant une grande tombe, ancienne. C’est celle de Saint Nicolas, celui qui inspirera le Père Noël. Sa famille a décidément un grand lien avec les Nicolas !
Nous parcourons le petit cimetière. Joe s’est tellement passionné pour cet endroit, que sa femme et lui seront enterrés ici, c’est décidé. Et l’histoire ne s’arrête pas là...
Nous traversons le champ, au milieu des moutons. Joe me parle d’un groupe de touristes chinois venus le voir, quelques années plus tôt. Il y avait parmi eux un gamin de 12 ans. Celui-ci avait demandé au traducteur qui les accompagnait de faire en sorte que tout le monde arrête de le fixer. Mais il n’y avait personne d’autre que ses compagnons de voyage, le gamin voyait les fantômes. Et les fantômes étaient intrigués par les premiers asiatiques qu’ils voyaient.
Joe ne les a jamais vus lui, les fantômes, mais il est persuadé de deux choses : ils sont là et ils sont pacifiques. Ils vivent en harmonie tous ensemble, en somme.
Joe pointe les monticules de terres. Il faut imaginer que la terre recouvre en fait les fondations des maisons de Newtown Jerpoint, que les rues étaient pavées entre chaque maison. La ville a disparu en 1600 sans qu’on sache vraiment pourquoi, probablement son développement économique s’est-il stoppé.
Newtown Jerpoint était une petite ville d’une trentaine de maisons et d’une quinzaine de tavernes (un ratio tout à fait normal en Irlande, souvenez-vous de Kilkenny !). On y trouvait une tannerie, une brasserie, une filature de laine, un palais de justice, et l’église qui contient le tombeau de Saint Nicolas. C’était autrefois un grand lieu de pèlerinage (et des gens continuent de venir visiter la tombe, de temps en temps).
The Rock of Cashel et la silencieuse abbaye de Hore
Imaginez un gros rocher. Au sommet de celui-ci, des bâtiments construits au fil des époques. La tour ronde, typiquement irlandaise, date du début du XIIème siècle. Elle côtoie une chapelle romane, une cathédrale gothique (du XIIIème), ainsi que les restes du passage des Rois de Munster, qui s’établirent ici au Vème siècle, époque à laquelle Saint Patrick baptisa l’un d’eux. Saint Patrick, vous savez, le fondateur du christianisme irlandais, celui qui a chassé tous les serpents de l’île ! C’est justement au Rock of Cashel qu’il a proposé que le trèfle devienne un symbole irlandais (représentant la trinité).
Avec tout ça, Rock of Cashel est bien sûr devenu l’un des monuments les plus visités d’Irlande ! Difficile d’entendre le moindre murmure fantômesque au milieu des foules mais, depuis le rocher, j’aperçois une petite ruine qui m’intrigue. Isolée au milieu d’un champ, c’est un petit monastère cistercien du XIIIème siècle, l’abbaye de Hore. Un petit chemin la rejoint.
Ici, le silence règne. Cette abbaye a autrefois cristallisé les tensions des habitants de Cashel, la ville voisine. Au XIIIème siècle, l’archevêque a fait un rêve dans lequel il était assassiné par des moines bénédictins. Du coup, il a donné l’abbaye à des moins cisterciens, accompagnée des terres alentour. Interférant beaucoup dans les commerces locaux, l’archevêque n’était déjà pas très apprécié, et cette affaire n’arrangera pas son image auprès des habitants... il sera effectivement assassiné.
The Rock of Dunamase
Construit sur une colline rocheuse, un fort dominait autrefois la région, juste à côté de Portlaoise. Les premières références historiques au Rock of Dunamase remontent à la fin du IXème siècle. En 845, les Vikings pillent les lieux. De cette époque, il ne reste pas grand chose, les ruines actuelles datant du XIIème siècle.
Le château a un côté un peu sauvage. Le vent souffle entre les pierres, fait chanter les murs. Les nuages et le soleil jouent à créer des ombres qui se dérobent devant les yeux. L’endroit est isolé, charmant, magnifique, et le cadre lui confère un aspect vivant. C’est donc cela, un château hanté ?
Castle Durrow, dormir dans un manoir hanté
A ce moment de l’article, vous savez qu’en Irlande tout ou presque est hanté dès lors que le bâtiment a plus de 50 ans ! Castle Durrow est un joli manoir qui date du début du XVIIIème siècle, c’est dire s’il a eu le temps de voir passer de nombreux fantômes ! De jour, tout va bien. Les habitants de Durrow racontent les traditionnelles histoires de dame blanche qui apparaît pour terrifier qui bon lui semble, ou des anecdotes liées à une bande de criminels qui, autrefois, s’en prenaient aux villageois et qui hantent maintenant les bois des alentours.
Le problème, c’est quand vous vous retrouvez seule dans votre chambre. Les plafonds sont hauts, d’origine. Tout résonne. Les parquets craquent. Bref, vous ne croyez pas aux fantômes, mais quand même...
Malheureusement, aucune de mes photos de nuit dans les couloirs du château ne révèlera quoi que ce soit !
Irlande de l’Est : Carnet pratique
Quelques petites infos pour visiter les lieux mentionnés dans l’article !
Waterford
Waterford est une jolie ville, avec des influences vikings et du street art partout !
Que faire à Waterford ?
Hé bien se promener le long du Canal, bien sûr, puis en centre-ville, au milieu des bâtiments chargés d’Histoire. La ville est aussi connue pour son cristal. Le Waterford Crystal Visitor Centre se visite et permet d’avoir une petite idée du travail derrière chaque verre ! A titre personnel, je reste surtout bluffée par la capacité de concentration des différents artisans, le geste précis, sans clignement d’œil, avec interdiction de déraper sous peine de, sinon gâcher la pièce, perdre un doigt !
A visiter en route : Tullamore
Saviez-vous que ce sont les moines irlandais qui ont importé le whiskey en Écosse ?
Saviez-vous qu’on écrit whisky en Écosse mais whiskey en Irlande ?
Le Tullamore DEW est un whiskey réputé. On y apprend un brin d’histoire, et tout ce qu’il faut savoir sur la fabrication. Mais si, comme moi, vous trouvez que tous les whiskeys/whiskys ont le même goût, et que ce goût vous dégoûte un peu, sachez qu’ils ont aussi (et surtout) un bon restaurant au rez-de-chaussée !
Ce voyage a été réalisé dans le cadre de la campagne #IrelandsAncientEast, créée et gérée par iambassador en partenariat avec Tourism Ireland. Comme d’habitude, je reste libre de mes choix éditoriaux !
15 commentaires
Quelle chouette ambiance ce set de photos !
Mais que c’est beau, mais que c’est beau !!!
Je me répéte, pas que je suis vieille, mais parce que je trouve pas de mots assez forts et puissants pour dire combien tes photos, ton article dans sa globablité est ... beau .
Beaucoup de poésie dans les photos. Je suis allée en Ecosse cet été et je retrouve un peu de cette magie dans votre reportage sur l’Irlande.
Ahlala, ils sont vraiment attachés encore à leurs fantômes !? C’est pas grave, ça fait parti du charme des lieux et des habitants ! 😀
La campagne est superbe et cette histoire avec plein de Nicolas est impressionnante !
Excellent article!!!
Une façon originale de nous faire découvrir le pays...
Super article entre les anecdotes et les photos !
Cet article me fait ma soirée ! bravo !
Quel beau recit et belles photo !
Je crois que je ne pourrais jamais dormir dans un manoir Irlandais ????
Quel plaisir que de vous lire, tout autant que de découvrir vos photos. L’oeil & la plume, Artiste complète !
Fabuleux en tout point, texte et photos – un régal !
Oh làlà j’adore ces histoires ! En plus j’y crois même si ça me ferait mourir de peur de voir / sentir quelque chose (pas du tout cohérente je sais !)
Je ne sais pas si j’aurais pu dormir dans un manoir hanté 😛
Tes photos sont magnifiques comme d’habitude, et ton récit m’a transportée !
Entre les paysages incroyables et ces légendes, j’ai envie de partir en Irlande afin de découvrir ce qu’il se cachent derrière tout ceci...
Excellent récit ! Je me souviens, quand j’étais petit et qu’on visitait de vieux châteaux en Angleterre avec mes parents, j’espérais toujours entendre une histoire de fantôme pour accompagner les visites. Le top du top, c’est que souvent, c’était le cas 🙂
Quel article ! Moi les histoires de fantômes j’adore et j’ai tellement hâte de visiter l’Irlande !! 🙂