Et si je vous disais qu’il existe en Indonésie une petite île avec des plages magnifiques, des petits villages de pêcheurs, pleins d’animaux à observer, des habitants super sympa ? Petite Oreille et moi sommes restées deux semaines à Belitung, et voici le récit de notre voyage.
Entre avril et mai, Petite Oreille et moi sommes parties 5 semaines à Sumatra, en Indonésie, pour un projet un peu spécial : réaliser une série de vidéos pour Evaneos, qui organise des voyages sur-mesure en direct avec des agents locaux. Le concept : partager le quotidien de deux familles dans deux endroits différents de l’archipel. Après Sumatra Ouest puis une petite pause pour les orangs-outans, nous avons rejoint Belitung.
Belitung fait partie de ces endroits qu’on hésite à partager. Faut-il garder cette île secrète, de peur qu’un jour des hordes de touristes ne l’envahissent ? L’île est bien connue des indonésiens grâce à Laksar Pelangi mais on n’y croise très peu de voyageurs occidentaux (en deux semaines, j’en ai croisé trois... à l’aéroport !). C’est ce côté secret et préservé qui y est agréable.
Note pratique : à l’inverse de sa consœur Bali, Belitung est difficile à visiter sans être un minimum guidé ou accompagné. L’île recèle des trésors insoupçonnés, mais il n’existe aucune carte, et très peu d’informations (et encore moins en français !). Je vous encourage donc vivement à vous tourner vers une agence (à l’occurrence Evaneos !) pour y aller.
Ci-dessus, Gojing et Petite Oreille à Suak Gual
Ci-dessous, un tarsier
Le jour où nous sommes arrivées à Suak Gual
Ce chapitre à Belitung va comporter de nombreux personnages, et plusieurs petites îles. Si vous avez du mal à suivre, dîtes-vous que moi aussi !
Il y a d’abord Sisi et ses enfants, Kirana et Mateo, à Tanjung Pandan, sur l’île principale. Puis, il y a son frère Gojing, sa femme Weni et leur fils Dapin à Suak Gual, sur la petite île voisine de Selat Nasik. Enfin, il y a Nuraeni, la belle sœur de Weni, toujours à Selat Nasik.
Tous ont un prénom et un surnom. Dapin s’appelle en fait Ozi (il a changé de nom sur les conseils du chaman). Gojing s’appelle Hendry et tire son surnom d’une fois où il allé chercher des cigarettes pour son père mais, trop petit, ne savait pas dire le nom de la marque. Ici, on s’appelle donc par son surnom, et on ne donne que rarement son prénom.
C’est chez Nuraeni que nous dormirons. Enceinte de huit mois, elle ne sort que rarement du quartier. Elle vit avec son fils Tama (dont le prénom est Septa) et son époux, Herman. Mais ce jour-ci, les pêcheurs-plongeurs du village partent pour deux semaines. Nous ne croiserons Herman que rapidement, avant qu’il parte.
À gauche : Nuraeni et son fils, à droite : Gojing, Weni et Dapin
Nous arrivons à Selat Nasik par le ferry. C’est un bateau en bois qui transporte les humains avec leurs scooters. Car ici, comme un peu partout en Indonésie, le scooter est roi. Petite Oreille est contente, elle a pris goût aux promenades motorisées !
La maison de Nuraeni est grande et colorée. Il y a très peu de meubles mais des tapis partout. Le tapis du salon, le tapis pour s’installer sur la terrasse... Petite Oreille et moi dormons dans la petite chambre à côté de l’entrée. Ce premier soir, elle est fatiguée. La veille nous avons rejoint Belitung depuis le nord de Sumatra, et aujourd’hui nous avons enchaîné les trajets. Elle a pris l’habitude de dormir tôt depuis que nous sommes en Indonésie, mais ici, les gens se couchent tard pour profiter de la soirée.
Alors que Petite Oreille tombe de fatigue, je prends congé de nos hôtes. Il fait chaud. Les nuits sont fraîches mais les superstitions empêchent de garder les fenêtres ouvertes. Nous voilà donc en culotte, toutes les deux, allongées côte à côte sur le lit. Petite Oreille s’endort vite. Je suis en train de prendre des notes dans mon carnet quand trois têtes qui apparaissent dans l’encadrement de la porte (enfin, dans l’encadrement du rideau, parce qu’il n’y pas de porte, ici). Je dis malam, un peu surprise. Mais la situation semble normale pour les trois curieuses qui restent souriantes quelques secondes avant de ressortir. Elles sont venues voir les deux bule*, et leur curiosité est aussi naturelle que ma tenue.
*bule, prononcez boulé : désigne les touristes dans leur ensemble. Le terme est souvent employé à Belitung, mais n’a ici aucune connotation négative.
Chez Gojing, sur le tapis du repas avec Weni, Kirana et Sisi,
puis sur le tapis de la sieste dans le salon.
Selat Nasik, c’est donc une petite île au large de Belitung. Ici, on vit des plantations de poivre et de la pêche. Il y a les pièges à poissons un peu partout, et puis il y a la pêche au narguilé. C’est ce que fait le père de Tama. Il plonge au fond de l’eau avec un tuyau, lesté de quelques pierres, pour ramasser les crustacés. À la surface, sur le bateau, un collègue surveille le compresseur qui envoie de l’air dans le tuyau. C’est rudimentaire, très dangereux, mais les hommes sont contents de repartir en mer. Ils partent tous ensemble, une quinzaine de bateaux, pour deux semaines. Dans une société très superstitieuse, rien ne peut leur arriver s’ils respectent les règles...
Car ici, l’islam se teinte d’animisme et de croyances locales. Il y a les chamans (dukuns), les superstitions, les esprits, la magie. Tous y croient, tous ont des anecdotes à ce sujet. Si le sujet n’est pas totalement tabou, il reste relativement secret. On explique que tout acte de magie a ses conséquences, un prix à payer. On me parle de cet homme qui a dû se faire désenvoûter après que sa femme ait tout manigancer pour s’assurer qu’il reste auprès d’elle, ou d’un autre tombé très malade après avoir usé de la magie à des fins néfastes. Pour jeter un sort, il faut connaître le prénom de la personne. Voici aussi pourquoi tout le monde a un surnom.
Il y a des gens qui ont un don : ils voient les esprits. C’est différent des dukuns qui, eux, suivent un apprentissage. Quand Dapin est né, il a été dit qu’il avait le don. Certains finissent fous, tourmentés par leurs visions. Alors ses parents l’ont surprotégé. Il ne sort pas beaucoup de la maison, il reste avec sa mère et sa grand-mère. Résultat, il a peur de tout !
Ci-dessus, Weni et Petite Oreille en pleine sieste / Tama et Petite Oreille en plein jeu
Ci-dessous, Petite Oreille et Gojing sur le long ponton de Suak Gual. Elle va rapidement l’adopter et le surnommer le monsieur qui rit tout le temps, un sobriquet qui lui va bien !
La vie quotidienne est faite d’interactions sociales. En journée ou en soirée, les voisins, la famille, les copains se retrouvent sur la terrasse de la maison pour discuter de tout et de rien pendant des heures. Moi qui commençait à comprendre quelques mots d’indonésien après trois semaines de voyage, je me retrouve totalement perdue : si à Pandai Sikek tout le monde préférait parler indonésien, ici le belitong, la langue locale, reste la plus pratiquée. Du coup, je comprends rien, je suis perdue !
Heureusement, si je dis quelques mots d’indonésien, tout le monde me comprend et me répond avec le sourire. Et surtout, Gojink et sa famille parlent anglais, ce qui facilite sacrément les échanges.
Session bain dans le jardin de Sisi avec Mateo et Kirana.
La fois où l’on s’est baigné sur une plage paradisiaque
Les enfants voulaient se baigner. Il faisait chaud. Alors Sisi et son frère ont pris tout le monde sur les scooters. Direction une petite plage. Nous étions sûrs d’être tranquilles, il n’y avait que deux touristes sur toute l’île de Selat Nasik : ma fille et moi ! Pour le reste, je crois que les photos parlent d’elles mêmes quant à l’aspect paradisiaque de l’île.
Petite Oreille et Kirana, sur la plus belle plage de Selat Nasik
Le jour où l’on s’est baigné dans la rivière
Ici, il fait chaud. Les habitants se lavent donc tous deux fois par jour. Mais ici, pas d’eau courante.
Comme un peu partout en Indonésie, on retrouve la mandi, une salle de bain composée d’un toilette à la turque et d’une réserve d’eau dans laquelle on plonge de petits récipients pour s’asperger. C’est un système contraignant : il faut remplir la réserve. À Belitung, les habitants installent des pompes, récupèrent l’eau de pluie. Certains ont même des citernes. Ce n’est pas l’eau qui manque ici !
Et puis parfois, on se lave dehors. Parce que ça fait du bien, et que ça permet aux enfants de s’amuser. Pour certains habitants, qui habitent en bordure de rivière, c’est même le quotidien. Il y a des petits coins aménagés, où la rivière est un peu plus large, où quelques planches permettent de descendre en toute sécurité. On y fait aussi la lessive, sur ces planches.
Ce jour-là, c’est toute une délégation qui est partie à la rivière. Gojing, Weni, Dapin, Sisi, Mateo, Kirana, et puis quelques voisines que ça amusait, accompagnées de leurs enfants. On a enfourché les scooters pour s’enfoncer dans la forêt. À l’ombre des arbres, ce petit coin n’attendait que nous. Un petit parking, un bâtiment avec des toilettes, c’est étrangement bien aménagé. De nombreuses familles viennent ici tous les jours pour faire la lessive et le bain.
Le jour où l’on est allé voir les pièges des pêcheurs
Ces pièges sont une spécialité locale : de grands pièges bordent le littoral. Ils sont fabriqués à la main : des poteaux en bois et des filets. C’est un système d’entonnoirs qui emprisonnent poissons et crustacés, comme une nasse géante. Lorsque la mer baisse, les poissons se retrouvent dirigés vers un premier goulot, puis un second plus fin, et arrivent ensuite dans le piège dont ils ne pourront plus sortir.
Pour « récolter » les poissons, le pêcheur grimpe sur la plateforme, au-dessus du piège. Il ne va jamais directement dans l’eau : il pourrait y avoir des raies, ou des poissons dangereux. Ce matin-là, malheureusement, il n’y a pas grand chose dans le piège de Thomas. (Bon, il est peu probable qu’il s’appelle Thomas, mais son prénom ressemblait à ça et je n’ai aucune idée de comment l’écrire !)
Il regarde, plonge son épuisette. Les poissons trop petits ou non-comestibles sont remis dans la mer, hors du piège. Puis il enfile des lunettes de natation et plonge. L’eau est basse, mais il faut aller au fond pour ramasser les crustacés. Il ressort un crabe d’une taille impressionnante, la seule bonne prise de la journée. Il le tend à Gojing : ce sera notre repas de midi (que Petite Oreille, sans pitié, sera ravie de dévorer).
La fois où l’on a dormi sur la plage pour voir des tortues
Ne prévenez pas les services sociaux, mais ma fille a dormi sur la plage et c’était chouette.
Un matin, nous sommes partis avec Gojing et quelques amis à lui vers l’île de Kimar (notamment Thomas, le pêcheur). C’est une île déserte sur laquelle on ne trouve qu’une seule maison, celle du gardien, Jep. Il vit là toute l’année avec sa famille pour s’occuper des tortues. Car ici, c’est un lieu de ponte pour les tortues imbriquées.
Le gardien a pour mission de parcourir les quatre plages de l’île pour numéroter les nids. Il passe ses nuits debout pour recenser les tortues qui viennent, baguer celles qui ne le sont pas déjà. Jep note tout dans un grand livre. En ce mois de mai, il a déjà compté plus de 700 nids !
Nous installons le camp à côté de la cabane de Jep et sa famille et, la nuit venue, nous rejoignons la plage. Le gardien connaît le chemin par cœur. Nous nous installons dans le sable. Maintenant, tout est affaire de chance et de patience.
Petite Oreille s’allonge contre moi. C’est la première fois qu’elle peut observer la voie lactée à l’œil nu. Je lui montre la Grande Ourse et les quelques rares constellations que je connais. J’essaie de faire passer le temps, mais voilà déjà deux heures que nous attendons, immobiles, dans le noir. Elle s’endort.
Le bruit des vagues me berce. Sans l’excitation de potentiellement voir une tortue pondre, je m’endormirais sans doute aussi.
Jep fait des allers-retours sur la plage, régulièrement. Malgré ses 50 ans bien tassés, il a une vision nocturne impressionnante.
Soudain, Jep nous fait signe. Il y a une tortue, à 10m de nous. Elle est en train de monter sur la plage. J’arrive à peine à la distinguer. On recule, doucement, en silence. Les tortues ne supportent pas d’être dérangées quand elle viennent pondre. Il ne faut aucune lumière sur la plage, aucun bruit.
Elle fait demi-tour, retourne dans l’eau. On recommence à attendre. J’hésite à retourner au camp, coucher Petite Oreille dans la tente. Les tortues peuvent monter et redescendre plusieurs fois sur la plage avant de trouver le bon endroit où pondre.
La nuit est déjà bien entamée. Et puis voilà que la tortue refait son apparition, de l’autre côté de la plage. Le gardien la distingue parfaitement, de loin. Elle s’avance jusqu’aux arbres, elle va pondre cette fois-ci. Je réveille Petite Oreille et nous approchons.
Une fois la ponte commencée, les tortues ne sont plus sensibles ni au bruit ni à la lumière. Nous rallumons les lampes frontales pour assister à ce spectacle fabuleux. Gojing et ses amis sont aussi subjuggués que Petite Oreille et moi !
Après avoir pondu au bas mot un centaine d’œufs, la tortue doit encore reboucher son trou, tasser la terre, mettre du sable frais dessus pour effacer son odeur. Le rituel est toujours le même.
Le gardien l’aide un petit peu à retrouver le chemin de la mer, quand elle fatigue. Là, il faudra encore qu’elle prenne un bain dans un trou d’eau pour enlever le sable dont elle est recouverte, avant de retourner dans l’océan.
Les fois où notre bateau a été pris dans une tempête
Lorsque Petite Oreille et moi partons ce matin-là, le ciel est intégralement bleu. Pas un nuage. Nous embarquons sur le bateau de Yudi, un copain de Gojing. Le capitaine Yudi a un bateau de pêche traditionnel. Il veut emmener Petite Oreille voir des coraux, et des jolis coins autour de Selat Nasik. Gaga, son fils, se joint à nous. Il est content de tester la bouée de Petite Oreille ! (une bouée spéciale snorkeling pour les enfants)
Comme promis par Yudi, nous visitons des lieux magiques. On regarde les poissons, les coraux. Sur la plage, Gojing montre des coquillages aux enfants. Tout semble préservé et sauvage autour de nous.
Il faut savoir que les habitants sont très sensibles à la protection de leur île.
Il y a quelques années, une grosse boîte a tenté d’installer une exploitation minière à Selat Nasik. Dès qu’ils ont commencé à salir la rivière, habitants sont montés au créneau... jusqu’à obtenir le départ de l’entreprise !
Ainsi Gojing peste lorsqu’il trouve des déchets sur la plage. Il m’explique que ses copains et lui nettoient, régulièrement, mais que les déchets reviennent toujours, avec la mer. Il ramasse quelques bouteilles en plastique pour regarder les étiquettes : Thaïlande, Vietnam, Chine,... Ces déchets viennent de toute l’Asie. Je sens bien la tristesse de Gojing lorsqu’il me montre tout ça. Et j’imagine aisément la frustration que ça doit être de voir les détritus revenir, constamment.
Pendant que les enfants jouent dans l’eau, Yugi regarde le ciel. Frénétiquement. S’il était bleu ce matin, les nuages sont rapidement apparus et maintenant, et ils sont bien épais, et sombres. On voit la pluie tomber au loin. Ça ne préoccupe ni Petite Oreille ni Gaga.
Ici, on ne se réjouit pas d’un ciel bleu : avec la chaleur, cela signifie une évaporation rapide et généralement, de gros orages dans l’après-midi. Et effectivement, voilà un éclair qui frappe directement l’île d’en face, à 300m de nous. Le sang de Yugi ne fait qu’un tour : on rentre. Gojing attrape les enfants et les hisse sur le bateau tandis que Yudi s’occupe de lever l’encre. On range tout ce qui doit rester sec dans la cale, à côté du moteur (genre, mon sac photo...) et on file. Quelques minutes après, c’est une pluie diluvienne qui s’abat sur nous. Je serre Petite Oreille contre moi. Gaga est blotti contre Gojing. Il est frigorifié, et apeuré. Les orages effraient beaucoup les gens, ici.
Le toit du bateau, au dessus de nos têtes, ne suffit pas à nous protéger de la pluie qui arrive de tous les côté. J’ai mis ma chemise sur ma fille. Je la protège du mieux que je peux tandis que les gouttes me cisaillent le dos. Le bateau va droit vers le village, et droit sur la tempête. Les vagues me semblent gigantesques. L’embarcation tangue d’un côté, de l’autre. C’est impressionnant. Et tout autour, les éclairs cisaillent le ciel. 1, 2, braoum. Oh purée, c’est vraiment tombé juste à côté !
Captain Yugi reste concentré. Il doit éviter les bancs de sable. Difficile pour lui de se repérer quand la tempête brouille complètement le paysage. Mais alors que nous finissons de traverser l’orage, nous apercevons le port. Nous voilà, trempés mais bien rentrés.
Je n’ose pas lui demander pourquoi nous ne sommes pas plutôt restés sur l’île, à attendre que les nuages partent. Je soupçonne Yugi d’avoir encore plus peur de la nuit (et de ses esprits) que du tonnerre, mais je n’aurais jamais la réponse. Nous allons directement chez lui pour nous changer et nous réchauffer (bon, nous, on n’avait pas franchement froid même s’il ne restait pas un cm² de sec sur nos vêtements : il faisait toujours plus de 30°C !).
Le soir où nous avons vu des tarsiers
Le tarsier, c’est un petit primate qu’on reconnait aisément à ses gros yeux. Il a aussi des pattes assez caractéristiques. Il en existe des espèces différentes. Le tarsier de Belitung n’est donc pas le même que le tarsier des Philippines (celui qu’on représente le plus souvent, qui a des yeux encore plus disproportionnés).
À Belitung, les habitants se sont regroupés sous forme d’association pour protéger la forêt (bon, c’est un peu plus compliqué que ça, en vrai). Nous arrivons donc à la nuit tombée dans une petite réserve, avec Sisi et ses enfants. Ils n’ont jamais vu de tarsier. Il faut dire que pour le voir, ce n’est pas simple : il est nocturne, petit et ne bouge pas beaucoup !
Mais ce soir-là, c’est aussi notre jour de chance : l’un des messieurs qui gère le lieu vient d’en apercevoir un ! Il est accroché sur un petit arbre, immobile, pile à la bonne hauteur pour que les enfants puissent bien le voir. Ils descendent la nuit, pour manger. En journée, il serait pratiquement impossible de les voir à moins de monter dans les arbres.
Tout le monde est ravi, et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, nous nous retrouvons au kebun du responsable des lieux. Dans la petite cabane, au milieu de la plantation, une dizaine de personnes est réunie autour d’un piano : c’est soirée karaoké. Pas d’alcool (très difficile à trouver ici, ils ne boivent quasiment pas) mais quelques paquets de cigarettes. Les chansons s’enchaînent, ils y mettent du cœur.
Mimpi adalah kunci untuk kita menaklukkan dunia...
Cette soirée résume bien Belitung : on part voir un animal dans la jungle, on se retrouve invité à chanter chez des gens (rassurez-vous, je n’ai pas chanté).
La fois où l’on a passé la journée à aller d’île en île en bateau (bis)
À Belitung, quand on n’est pas en scooter à explorer les sentiers, on est en bateau à aller d’île en île. On se laisse porter au fil de l’eau, entre les bateaux de pêcheurs. On y prend vite goût !
Ci-dessus : cette tortue a élu domicile dans le port : elle est tout le temps là !
Ci-dessous : Kirana en train de profiter du paysage
Ci-dessus, les bateaux des bajaus, un peuple originaire de Sulawesi dont on trouve quelques villages à Selat Nasik et Belitung. Ils pêchent en faisant passer le filet sous le bateau, une technique assez complexe. Ils vivent dans des maisons sur pilotis, au bord de l’eau ou le long de pontons. Ils se tiennent assez à l’écart des autres habitants, même si les échanges sont courtois.
Oui, ce jour-là aussi, un gros orage s’est abattu sur Belitung, mais on a réussi à l’éviter !
La fois où Petite Oreille a vu des bébés tortues
Existe-t-il quelque chose de plus mignon que des bébés tortues ?
À Belitung, il existe un programme de protection. Si à Kimar, le gardien avait pour consigne de ne pas interférer avec les pontes et les éclosions, c’est ici radicalement différent. Les employés de l’association déplacent les nids, œuf par œuf, pour les mettre à l’abri dans un enclos : ils évitent ainsi que les varans et autres reptiles ne viennent se servir. À la naissance, les bébés tortues sont transférés dans des bassins (une piscine par famille, une centaine de frères et sœurs à chaque fois !). Ils y resteront plusieurs semaines, le temps de grandir suffisamment pour ne plus être des proies faciles.
Dans la nature, un grand nombre de petits mourraient dès les premiers jours. Les bébés tortues ont beaucoup de prédateurs prêts à s’attaquer à eux sur la plage, ou dans l’eau. Grâce à ce programme, les tortues augmentent considérablement leurs chances de survie. Plus âgées, plus grosses, avec une carapace dure, elles sont moins fragiles. On peut espérer que beaucoup d’entre elles atteindront l’âge adulte malgré toutes les autres menaces qui pèsent sur elles (la pollution et le braconnage, notamment).
Le soir où l’on a vu des crocodiles géants
Il y a cette rivière où les chamans ont fait un pacte avec l’esprit des crocodiles : ici, humains et crocodiles cohabitent. La rivière est envahie par les crocodiles, mais les hommes ramassent les coquillages au fond de l’eau sans danger. Si jamais ils croisent un crocodile, ils le regardent dans les yeux, répètent un mantra, et continuent leur chemin.
Dans la rivière d’à côté, par contre, aucun pêcheur n’aventurerait le moindre orteil. Car il y a des règles à ce traité de paix. Il ne concerne que cette portion du fleuve. Les humains se doivent de respecter les reptiles. Et ça commence pour nous par l’interdiction formelle de dire le mot crocodile à bord du bateau. Difficile, oui.
Parmi les règles tacites, il y a celle qui consiste à faire bénir son bateau avant sa première mise à l’eau. Deux pêcheurs trop pressés sont partis avec leur bateau neuf sans l’aval du chaman, une fois : ils ont vite coulé.
Avec Sisi, Kirana et Mateo, nous nous glissons dans la petite embarcation. Au raz de l’eau, on scrute les bords de la rivière. Les crocodiles sont furtifs mais ceux que l’on distingue sont gigantesques. Certaines légendes parlent de crocodiles de quinze mètres, je veux bien y croire. Ils ont surtout actifs la nuit. Impossible de faire des photos dans le noir (qui plus est sur un bateau !), il me faudra me contenter de mes souvenirs.
Le soleil disparaît peu à peu tandis qu’on remonte la rivière. Les enfants sont surexcités. Cet animal attire autant qu’il effraie. Avec Sisi, on fait surtout attention à ce qu’aucun d’eux ne tombe à l’eau. Je ne connais pas les termes du traité de paix avec les crocodiles, et je n’ai pas envie de le tester avec ma fille (ni avec les enfants de Sisi, hein.).
Nous voilà donc à balayer les rives avec nos lampes torches. Il y a deux yeux qui brillent, là ! On s’approche, il plonge. Là, encore ! Et plus on avance, plus on ne peut que constater une chose : la rivière est infestée de crocodiles.
Soudain, sur le bord, j’aperçois un scooter, phare allumé. Deux hommes pêchent tranquillement, les pieds dans l’eau. Cet accord avec les crocodiles serait donc vrai ?
Le jour où l’on a découvert une nouvelle espèce de phasme
Bon, c’est pas vraiment nous qui l’avons découvert, bien sûr. Mais on était là ce jour-là. Et c’était intéressant.
Le phasme, c’est ce petit insecte spécialiste du camouflage. Il en existe plus de 3000 espèces différentes partout dans le monde, chacune imitant son environnement. En France, on en trouve souvent : ils ressemblent à des petites brindilles. Et à Belitung, le phasme se déguise sous les trait d’une feuille de manguier, bien sûr.
C’est justement en cueillant des mangues qu’un villageois l’a ramassé. Le phasme, qui vit plutôt dans les hauteurs de l’arbre, est tombé en même temps que le fruit. Alors le villageois, amusé par cet étrange insecte, l’a mis dans un bocal en plastique, avec quelques vraies feuilles. Il n’a pas l’intention de le garder longtemps ainsi, juste quelques heures, le temps que tout le monde le voit.
C’est un voisin de Gojing qui l’a trouvé. C’est comme ça qu’on se retrouve à observer ce fascinant insecte, tandis que Dapine, pas très en confiance, garde ses distances. Gojing prend quelques photos avec son téléphone pour les envoyer à des contacts. Le verdict arrivera le lendemain : il s’agit d’une sous-espèce nouvelle. Des phasmes feuilles similaires étaient déjà répertoriés, mais aucun n’a exactement les mêmes taches.
Gojing nous explique que Belitung est un grand terrain de jeu pour les amoureux de la faune, avec de nombreux animaux endémiques que personne n’a encore observés !
Le jour où le Ramadan a commencé
Belitung est une île musulmane. Mais un islam très modéré : quasiment aucun voile, un rapport au corps très libre (une femme peut sortir en sous-vêtement dans le jardin et discuter avec les voisins en toute décontraction). En deux semaines, je n’ai d’ailleurs vu quasiment personne prier. Et si les hommes se mettent sur leur 31 le vendredi pour aller à la mosquée, c’est surtout pour se montrer et papoter.
Mais le ramadan, c’est autre chose. Il n’est pas très strict : personne n’est obligé de le faire, et surtout pas les non musulmans (les gens ont donc continué à nous offrir à manger, makan ! makan !, et à boire dans toutes les maisons où nous rentrions, même si eux ne pouvaient se servir). Il est toléré que quelqu’un ressente le besoin de boire dans la journée. Pour autant, toutes les personnes en âge de le suivre s’appliquent à respecter le jeûne. (Je ne parlerai pas ici de cette jeune femme qui m’a dit qu’elle faisait le ramadan et a tenu jusqu’à... 11h du matin. Je lui ai promis de garder le secret !)
Quel rapport, me demanderez-vous, entre Dapine qui se bouche les oreilles et le ramadan ?
Hé bien la veille du ramadan, les enfants commencent à jouer avec des flammes et des bambous pour produire des détonations : c’est le meriam bambu (canon de bambou). Un trou dans l’une des cavités leur permet de chauffer l’intérieur de la branche jusqu’à ce qu’ils mettent la flamme et.. boum !
C’est un jeu traditionnel qui amuse les enfants partout sur l’île. Ce soir là, c’était donc un concert d’explosions un peu partout.
La fois où l’on a joué avec des feux d’artifices
À Belitung, il existe une boutique où ont peut acheter des jeux pour enfants, des pythons, des cerfs-volants et des feux d’artifices. Oui, tout ça dans la même boutiques. Les feux d’artifices sont à l’entrée. Une quantité impressionnante, de toutes les tailles. Du petit pétard clac-doigts au mortier de 5kg.
- ça fait beaucoup de feux d’artifices, là, quand même
- oh on en a encore plus à l’étage !
L’autre boutique de la ville a brûlé. Les feux d’artifices stockés côte à côte sans protection, c’était pas terrible niveau sécurité. Mais ça ne semble pas inquiéter le vendeur. Il s’allume une cigarette tandis que je choisis quelques cierges magiques.
Les soirs où l’on a admiré le coucher de soleil
Quelques photos souvenirs des couchers de soleil sur le ponton de Suak Gual. En Indonésie, la nuit tombe tôt (ce qui permet de manger plus vite quand on fait le ramadan !). Alors plusieurs fois, le soir, nous sommes allés voir le soleil disparaître dans l’océan.
Le jour où nous avons loupé notre avion
À la fin du voyage, Petite Oreille voulait rester avec ses copains, et moi je plaisantais sur le fait que nous allions nous installer sur place, histoire de donner raison au douanier hollandais qui, à l’aller, pensait que j’étais en train de kidnapper ma fille (je vous en parle dans l’article dédié au voyage avec un enfant en bas âge).
C’est vrai que nous n’avions aucune envie de rentrer. Mais je n’avais pas prévu de rester, surtout que nous dépassions déjà la durée autorisée par le visa on arrival* !
Le dernier jour est arrivé. Je suis allée acheté une valise pour charger tous les cadeaux que nous avions reçus en cinq semaines. Et la mort dans l’âme, Petite Oreille a rangé ses affaires dans son sac pendant que j’abandonnais l’idée de plier correctement nos vêtements.
Sisi nous a conduites à l’aéroport, avec Kirana et Mattéo. On a pris le temps de manger des glaces au petit snack bar, avant d’aller à l’enregistrement. Les enfants se sont embrassés, longuement, avec des promesses de se revoir.
J’ai tendu nos passeports au guichet. Une dizaine de personnes en uniforme Garuda discutaient. L’aéroport était vide. Ils m’ont dit d’aller à au second guichet, celui de la compagnie Sriwijaya. Bizarre, j’étais persuadée que nos volions avec Garuda. Et effectivement, je suis vite revenue au guichet Garuda, c’était bien leur logo en haut de mon billet.
Le dernier vol vient de partir.
La phrase n’a fait qu’un tour dans ma tête. J’ai regardé ma montre. Regardé mon billet. C’est pas possible. Ils ont changé l’horaire ?
Plusieurs personne se sont mises au dessus de mon billet. La réponse arriva vite : nous n’étions pas dans le bon aéroport. Notre vol partait d’une autre île.
Il y a l’aéroport Hanandjoeddin de Tanjung Pandan à Belitung, et l’aéroport Depati Amir de Pangkal Pinang, sur l’île de voisine de Bangka. Comment c’est possible de les confondre ? Pangkal Pinang est la capitale de la province de Bangka Belitung. C’est donc fréquent que les quelques rares touristes occidentaux se retrouvent sur la mauvaise île en s’étant trompés dans tous ces noms compliqués.
Plus aucun vol pour Jakarta après 17h. Impossible de quitter Belitung. Notre vol international partira sans nous.
Et voici comment nous nous sommes retrouvées (après quelques heures de stress à appeler tout le monde pour décaler le billet d’avion)(ce qui me coûtera une fortune et nous obligera à terminer le retour en train depuis Amsterdam) à savourer une dernière soirée sur la plage. Avant de partir, cette fois-ci pour de vrai...
*L’Indonésie offre aux ressortissants français la possibilité de rester 30 jours dans le pays, gratuitement, via un simple enregistrement à l’aéroport d’arrivée. Au-delà des 30 jours, il faudra payer une amende d’overstay pour avoir le droit de repartir. Concrètement, à l’aéroport, on vous amène dans une petite pièce où il vous faudra payer l’amende (comptez 30$ par jour de dépassement et par personne). C’est simple et rapide ! Et c’est ainsi que nous sommes restées 35 jours...
Le voyage #ImmersionSumatra a été réalisé en partenariat avec Evaneos, qui organise des voyages en direct avec des agents locaux.
Merci à Option Way ainsi qu’à l’Office de Tourisme d’Indonésie pour leur soutien dans ce projet.
17 commentaires
Et comment fait-on pour ne pas embarquer dans le premier vol pour Jakarta après avoir lu ça ? 😉
Concernant les feux d’artifice et les cigarettes, je pense sincèrement qu’il y a une sorte d’autre pacte avec les cigarettiers. Sur les bateaux aux Moluques, j’étais médusé de voir les gars manipuler l’essence tout en fumant. Le plus souvent, sur les petits bateaux, le tuyau d’alimentation en essence est juste enfoncé dans un jerrican, et une fois vide, on le met dans un autre, la tête penchée au descend du jerrican ouvert et plein d’essence, la clope au bec 😀
PS : petite typo « Belitung est un île musulmane »
Tu prendrais l’avion, toi ? 😉
Ils doivent des cigarettes spéciales pour être si confiants. Ou peut-être y’a-t-il un pacte, oui. Après tout, l’Indonésie est l’un des plus gros marché pour les vendeurs de cigarettes...
PS : merci pour la faute, c’est corrigé !
Nah, j’irais en pédalo 😉
Plus sérieusement, si ce pays n’était pas si loin, j’y retournerais, je pense, plus souvent tellement je m’y sens bien.
Super récit, qui restitue vraiment bien l’ambiance en Indonésie...
@Laurent : Parfois, il y a des accidents. Des bateaux qui brûlent... À cause de la fameuse clope fumée à côté du jerrican. Et certaines personnes ne savent pas nager et se noient... 🙁
Merci Corinne 🙂
De magnifiques photos et croquis !
Merci 🙂
Quel incroyable voyage. Quel partage avec les habitants ! Ton article est absolument magnifique. Petite Oreille est comme un poisson dans l’eau, ça se voit bien sur les photos. Et les croquis ... Je suis conquise !
Ah ah, nous aussi on a confondu les aéroports. Ca fait drôle quand on te dit » Mais il ne part pas d’ici votre avion ... »
Belle journée à vous 🙂
Merci !)
Vous aviez confondu les aéroports où ? (je sais qu’à Paris, c’est fréquent ! Je vérifie toujours plusieurs fois avant de partir !)
Ta série d’articles sur l’Indonésie n » pas fini de nous rêver ...surtout avec de telles photos !
Par contre effectivement avec tous ces noms, j’ai un peu de mal à suivre le parcours dans les îles (d’autant que je connais pas du tout la géographie de l’Indonésie !).
Le voyage était en collaboration avec l’agence Evanéos, ils organisent ce genre de voyage de A à Z ?
J’ai hâte de voir les vidéos réalisées pour eux !
Honnêtement, je suis incapable de remettre toutes les îles sur une carte ! (et google maps ne les connaît pas toutes), je me suis laissée porter par les rencontres ^^
Evaneos ne fait que du sur-mesure : ils te mettent en relation avec un responsable local qui connait assez le coin pour t’organiser ce que tu veux. Donc oui, ce genre de voyage, c’est parfaitement dans leurs cordes 🙂
Qu’elles sont belles les photos où une pirogue et un rocher flottent entre ciel et mer ! (Encore plus que les autres je veux dire^^).
Petite question : réalises-tu tes croquis directement sur place ou à partir de photos ? Moi je ne trouve jamais le temps en voyage de faire à la fois les photos et les croquis !^^
Bref, merci pour ce bel article.
Olivia
Je les fais toujours au retour. Avec un enfant, c’est impossible de dessiner sur place ! Et de toute façon, je n’y arrivais déjà pas : j’assume pas ! Je suis mal à l’aise quand j’ai des gens qui commencent à regarder ce que je dessine. Et si je suis mal à l’aise, je rate tout ^^
Du coup, je n’ai aucun scrupule à tout faire au retour, d’après photo (je prends des photo exprès, en prévision de ce que je veux dessiner), même si je modifie souvent les scènes.
Coucou,
Voici vraiment un très bel article. Je me suis régalé de passer par ici. Je ne connais que Sumatra pour y avoir passé un mois et j’avais du annuler la suite de mon voyage au Sulawesi car nous étions malade. Cela m’a clairement donné envie de découvrir le reste de l’Indonésie.
Merci pour le partage et ses superbes photos. La photo du Phasme avec ta fille est vraiment superbe.
Sylvain
Les images sont vraiment magnifiques ! ça donne envie d’y aller directement 😮
Merci pour tes récits qui nous font pleinement vivre tes voyages au travers de la lecture.
Et tes photos... elles sont si belles.
J’aimerais avoir ton avis sur un voyage de 3 semaines en juillet avec un bébé / enfant de 22 mois. Sulawesi ? Sumatra ? Ou autre ?
Merci beaucoup 🙂
ça dépend surtout de ce que vous voulez faire 😉 Chaque île est unique, et il y en a pour tout les goûts. Belitung est franchement cool pour ça, réunissant les coraux/plage, la culture, etc. Seul défaut, il est obligatoire de passer par une agence, au vu du manque d’infrastructures...