Savez-vous qu’il existe 50 façons différentes de dire pluie en japonais ? Cinquante nuances pour définir son intensité, sa temporalité, sa saisonnalité.
Dans cet article, je vous emmène découvrir de l’art moderne, un village traditionnel, et une grand ville, le tout par mauvais temps mais c’est beau quand même !
Mais ce n’est pas parce qu’il pleut que le voyage s’arrête, bien au contraire. Non seulement la pluie et le brouillard rendent certains lieux encore plus photogéniques, mais surtout le Japon fourmille de visites en intérieur, certaines complètement insolites.
[pullquote aligne=right] Plus d’infos sur le musée d’Echigo Tsumari.[/pullquote]
Et c’est ainsi que je me retrouve dans le musée d’art contemporain d’Echigo Tsumari. La région entière est dédiée à l’art, avec des œuvres réparties un peu partout, et un gros festival tous les trois ans (la dernière triennale a eu lieu en 2015). Ce grand musée regorge d’œuvres un peu barrées, parfois très imposantes, interactives. La plupart sont impossibles à photographier tant ça ne rendrait pas justice à la création. Ainsi, on traverse un long tunnel en trompe l’œil, on explore un poteau de barbier géant... Mon coup de cœur va à une œuvre de Ryota Kuwakubo, intitulée LOST #6 : une pièce plongée dans l’obscurité avec, pour seule lumière, le phare d’un train électrique. Celui-ci suit son trajet, et dévoile un jeu d’ombres sur les murs grâce à des objets disposés de part et d’autres des rails. C’est tout simple et très poétique.
Je visite ensuite une œuvre dans laquelle on peut dormir : House of Light (James Turrell). De loin, ça ressemble à une maison japonaise traditionnelle. En rentrant, on découvre les petits détails : le toit ouvrant, notamment (la première photo, ci-dessous). Et de nuit, tout s’illumine !
Je finis ma découverte de l’art contemporain dans un musée en forme de vaisseau spatial, au milieu des champs...
Le centre culturel de Matsudai Nohbutai abrite lui aussi bon nombre d’œuvres, dont une partie est dans le parc qui entoure le site. Son restaurant est assez réputé, j’en profite pour tester la nourriture de la région. Car oui, au même titre que la France, chaque région du Japon a ses spécialités, sa gastronomie. Ne me demandez pas les noms des plats et légumes, je sais juste que tout était très bon ! (Et chaque région vous expliquera que sa sorte de riz est la meilleure...)
Je termine mon incursion à Tokamachi dans le coin le plus connu, ses rizières. La météo n’est malheureusement toujours pas avec moi, mais même sans soleil, la promenade est agréable.
Je quitte la préfecture de Niigata pour celle de Gifu. Direction Takayama, la ville la plus touristique de mon itinéraire (son nombre de monuments historiques lui vaut l’appellation « petite Kyōto »).
Il fait nuit quand j’arrive, et il pleut des cordes. Mais je trouve la ville assez photogénique, ainsi sous la pluie. J’emprunte un parapluie à l’hôtel, et je fais le tour du quartier.
Takayama est connue pour son festival de yatai, des chars décorés défilent dans toute la ville. Ils sont gigantesques, valent des fortunes, et sont stockés dans des petits entrepôts dédiés, chaque quartier ayant le sien, ou exposés à tour de rôle dans le musée qui leur est consacré. La visite est donc quasi-obligatoire, au moins pour se rendre compte de la taille des chars et de l’importance de cette tradition.
En sortant du musée, je me promène dans le marché puis dans la vieille ville. Quelques rues ont été conservées, gardant une architecture traditionnelle. Très prisées par les touristes, les magasins sont naturellement devenus principalement des boutiques de souvenirs. Mais cela n’enlève rien au charme du lieu.
Un petit peu à l’extérieur de Takayama, se trouve le village de Shirakawa-gō. Il faut un peu de temps pour s’y rendre, mais le détour vaut le coup : dans une petite vallée traversée par une rivière, au milieu des montagnes, ce petit village a conservé une architecture traditionnelle. Et c’est bien évidement dans la pluie et le brouillard que je découvre les lieux. Et une fois encore, ça rajoute indéniablement « un petit quelque chose ».
Si vous arrivez à déchiffrer le prospectus, sachez que ce restaurant minuscule et familial est très bon !
Le village est inscrit au patrimoine mondial de l’humanité. Les maisons y sont typiques : toit pentu pour survivre à la neige, en chaume. Aujourd’hui encore, les habitants du village s’entraident pour remettre la paille et refaire les toitures régulièrement. Il est possible de visiter certaines habitations. Je rentre dans la maison Wada, et son propriétaire m’en fait faire le tour. Il m’explique l’exploitation des vers à soie qui étaient l’activité principale, le chauffage d’une maison aussi grande, la ventilation indispensable pour protéger le toit de l’humidité. Il semble fier de perpétuer la tradition, rappelant avec un sourire malicieux que sa maison est la plus grande de Shirakawa-gō.
A cet instant de l’article, je vais faire une transition digne des meilleurs présentateurs de JT. Nous allons passer du village traditionnel à l’hôtel traditionnel, le ryokan.
J’ai donc essayé de dormir à la japonaise quand j’étais au Mimatsu à Fukui. C’est assez étrange, quand on n’a pas l’habitude. Il faut imaginer rentrer dans une pièce vide. Il y avait juste un petit bureau avec une chaise basse, au milieu de la pièce. Pas de table de chevet, de lampe. Et c’est pendant que je mangeais, qu’un employé de l’hôtel est passé installer le matelas et une couette à‑même le sol (note : c’est moi qui ai placé la tête du matelas contre le mur, à l’origine c’était au milieu de la pièce). C’est donc assez étrange par rapport à ce que l’on peut connaître, mais je n’ai pas mal dormi !
J’en ai également profité pour tester un petit onsen privatif (bain thermal), placé sur le balcon de ma chambre. Il me semble qu’encore aujourd’hui les japonais ne sont pas des grands fan de tatouages (voir cet article par exemple), or il faut être nu pour rentrer dans les bains. Du coup, jusque-là, je n’avais pas osé tester ceux de mes hôtels (ni celui au saké dans l’épisode précédent, notamment !). Au final, surtout en extérieur (avec de l’air frais et la pluie qui tombait en grande quantité), c’est plutôt agréable.
Il faut également que je vous parle du repas. A plusieurs reprises, je me suis retrouvée face à ces petites casseroles dans lesquelles la nourriture cuit à côté de nous, une « petite bougie » placée en-dessous, c’est très mignon. Mais ce qu’il faut que je vous dise, c’est que je n’ai jamais su comment manger. Rien à voir avec les baguettes, juste trouver l’ordre des plats, les impairs à ne pas commettre. Ainsi, je savais qu’on ne plante pas ses baguettes dans le riz, mais j’ignorais qu’il ne fallait pas mélanger les plats (prendre un bout dans l’assiette de viande et le poser dans le bol de riz, par exemple, ne se fait pas). Il y a un ensemble de règles à respecter. On pardonnera ces quelques erreurs aux touristes que nous sommes mais, à titre personnel, j’aime essayer de respecter les coutumes locales.
Au petit matin, je me rends sur les falaises de Tojinbo. Face à moi, l’étendue de la mer du Japon. Un millier de kilomètres en face, c’est la Corée du Nord. Je contemple l’eau à perte de vue, les vagues qui se fracassent sur les rochers. Le lieu est aussi celui d’une légende, celle de Tojinbo. Il en existe plusieurs variantes. Dans certaines histoires, ce sont les habitants du village qui se sont fait ainsi justice ; dans d’autres, c’est un règlement de comptes amoureux. Mais la fin est toujours la même : un moine du nom de Tojinbo est mort jeté de ces falaises, et son fantôme hante les lieux, provoquant tempêtes et vents violents.
Le temps se gâte. Peut-être est-ce la faute de ce satané fantôme : me voilà obligée de quitter ces reposantes falaises de basalte pour trouver un abri.
La région de Fukui est célèbre pour ses dinosaures. Ils ont un site de fouilles (qui se visite en été), et un musée dont ils sont assez fiers, réunissant des squelettes du monde entier et proposant des mises en scènes assez amusantes. Certainement un des rares musées où il est facile de venir avec un enfant !
Le Japon est un pays d’extrêmes, de grands écarts perpétuels. C’est le dépaysement le plus complet. J’ai été surprise, amusée, enchantée, mille fois par mille et un détails. Et parmi ces petites choses qui m’ont marquée, il y a l’omniprésence des mascottes, ces petits êtres sortis d’un cartoon (ou manga, plutôt) qui servent d’effigies à chaque lieu, même le plus sérieux du monde. Ainsi, chaque préfecture, entreprise, site touristique, a sa propre mascotte : les yuru-chara. Fukui, forcément, a donc décliné les dinosaures, qu’on retrouve à toutes les sauces. Le petit dino vert est la mascotte d’origine, qui s’est retrouvé affublé de copains. Et, un peu partout, vous retrouvez des dinosaures, même sur des choses très sérieuses et officielles.
Ainsi, aux ruines du clan Asakura, je découvre la mascotte du site, un petit samouraï. Les touristes japonais se pressent autour du personnage costumé, et le directeur affiche carrément une cravate décorée de sa mascotte ! C’est si important qu’il existe désormais une école pour devenir yuru-chara, oui oui oui ! (Dois-je préciser qu’il existe tout un tas de produits dérivés à l’effigie de chaque mascotte dans chaque gare ?)
Dans un sursaut sarcastique, vous pourriez vous dire « donc ce mec, dans le costume, là, il a fait des études pour faire ça ? ». Mais en fait, après l’avoir regardé travailler pendant un bon moment, on se rend compte de la difficulté du boulot. Il a tout un panel de mimiques à ressortir pour trouver de la variété dans ses expressions, et il ne peut s’exprimer que par son corps, sans parler. Et je ne parle même pas de la difficulté pour voir quelque chose ou se mouvoir dans ce costume.
Après une dernière promenade dans le brouillard des montagnes japonaises, je termine mon voyage à Osaka. Le retour à la foule est étonnement aisé ici, avec ce métro rose bonbon, ces gens polis et courtois.
Je passe la soirée à arpenter les rues du quartier de Shin Umeda. Je découvre que Harry Potter fait de la pub pour de la bière, et je déguste mon premier okonomiyaki dans un minuscule restaurant planqué à l’étage d’un immeuble. Les murs sont couverts de photos de joueurs et joueuses de football, la télé diffuse un match de baseball, l’ambiance est étonnante.
Et forcément, je termine la soirée à l’Umeda Sky Building, une tour de 173m de haut qui se termine par un observatoire. On y a une vue à 360°C sur toute la ville. J’observe les jeunes japonais qui se tirent le portrait entre eux. Le lieu est surtout connu des jeunes couples qui peuvent s’immortaliser après avoir attaché leur cadenas. Un petit promontoire est prévu pour poser le téléphone et avoir une forme de cœur sur sa photo...
Mon matériel photo sur ce voyage
Sac National Geographic Africa – Appareil reflex Canon 5d mark II
Objectif Canon 16 – 35 II – Objectif Canon 50 1.4 – Filtres dégradés LEE
16 commentaires
merci pour ce magnifique reportage, voici un pays qui m’attire beaucoup
Je suis restée 4 jours à Takayama mais j’ai pas fait le fameux musée incontournable... j’avais peur que ce soit bien kitsch. Sinon j’ai adorée cette ville et je ne sais pas pourquoi elle n’est pas très connu à l’étranger, il y a vraiment beaucoup de choses à découvrir et c’est un bon point de base pour explorer les Alpes Japonaises !
Bref sinon tout ça me donne envie de retourner au Japon. Je pensais avoir fait le tour du centre de Honshu après 2 voyages, mais grâce à ton article je me rends compte que non.
Petit coup de coeur en particulier pour le musée d’art contemporain que tu présentes en début d’article ... 🙂
Bonsoir,
Superbe article comme d habitude.
J’adore cette façon de présenter ton article, comme un carnet de voyage. C’est très très beau. Tes photos sont de toutes façons somptueuses mais cette présentation les mets vraiment en valeurs. Merci de ce voyage immobile !
Comme le précédent article, toujours aussi merveilleux. Je note la ville des dinosaures que tu m’as fait découvrir et que j’ai très envie de visiter. Les falaises aussi !
Les japonais ne sont effectivement pas friands de tatouages, mais finalement tu trouves quand meme le moyen de faire plusieurs onsens, notamment ceux dans la nature, les privatifs ou encore les bains publics des villes (sentô) qui accueillent tout le monde. J’ai fait un article à ce sujet, partageant plusieurs adresses ou le tatouage n’a jamais posé problème : http://cocoyuyu.blogspot.fr/2013/12/quid-du-tatouage-au-japon.html
Le village de Tokamachi et ses rizières ont l’air sublimes ! Et c’est avec beaucoup d’émotion que je profite de tes jolis clichés à Shirakawa, c’est tellement différent de ce que j’ai vu ce printemps ! As-tu goûté leur spécialité alcoolisée nommée doburoku ? Un régal !
Superbe article!! Bon, je suis déjà une grande passionnée du Japon (bientôt mon 5ème voyage qui sera en juin *o*) mais là vraiment j’ai un gros coup de coeur. J’adore tes photos, la façon dont tu les montes et les agences pour donner un look vraiment unique à ton article ! Et j’ai adoré découvrir des endroits que je n’ai pas encore visité ! Je pense retenir certains coins pour de prochains séjours là bas *o*
Sinon moi aussi j’adore le brouillard et cette atmosphère toute spéciale lorsque je voyage (principalement au Japon en fait)... ça fait des photos uniques et avec parfois bien plus d’impact que s’il avait fait plein soleil 😉
Lunie Chan – Le Blog
Magnifique carnet de route !
Mille bravos
Ton article est superbe ! Les photos retranscrivent parfaitement l’ambiance que l’on peut ressentir au Japon !
J’adore ce pays, je suis partie 2 fois 3 semaines et d’après ce que je vois de ton carnet de voyage, il me reste encore pas mal de choses à découvrir !!! J’ai moi aussi bcp aimé Takayama (et son musée comme tu le dis est impressionnant) et Shirakawa, n’en parlons pas, c’est une vrai merveille ce petit village ! Surtout quand on se ballade au petit matin quand il n’y a aucun touriste !
Juste pour souligner que j’adore aussi le style des photos, l’article est vraiment agréable à parcourir et à lire !
Superbe article ! Nous rentrons d’un voyage de 20 jours au Japon avec notre bébé de 6 mois, et avons profité du Sanno matsuri (le festival avec procession des yatai) à Takayama, c’était magique ! Je n’ai qu’une envie : y retourner !
Merci de nous faire voyager à travers ces beaux articles.
Bonjour Aurélie,
Je cherchais des lieux où me rendre pour admirer le momiji en Novembre. On peut dire que j’ai fait le stock grâce à toi. Ce mois de Novembre sera donc l’occasion ou jamais de faire un tour dans la préfecture méconnue de Fukui.
Bonne journée et merci !
Salut salut ! 🙂
Le Japon sous la pluie, sacré défi ! Perso mon humeur est majoritairement liée au soleil qu’il y a dehors. Mais tu t’es plutôt bien débrouillée ! J’ai fait Shirakawa-Go sous la pluie aussi donc j’ai eu le même rendu. Les falaises ont l’air très belles et le rendu des photos de nuit est vraiment quali. J’adore l’effet « carnet de voyage » que tu donnes aux articles genre je mets 3 photos, des baguettes, un journal. Enfin bref, bel article, merci de nous faire voyager et à bientôt !
Je découvre ton blog pour la première fois aujourd’hui et je suis très impressionné. D’une part par tes photographies où rien n’est laissé au hazard mais également par les montages façon scrapbook que tu fais. C’est vraiment sympa. Je suis arrivé au Japon il y a peu et j’ai hate de découvrir toutes les merveilles que ce pays a a proposé. Merci beaucoup pour ton travail.
Un petit commentaire car j’ai souri à la lecture de cet article : moi aussi je changeais de sens mon lit dès que le personnel de l’hôtel était parti (tête face à la fenêtre dont les rideaux ne sont pas assez occultants ça ne m’allait pas :p )
Tres jolies photos comme d habitude. bravo !
Malgré le risque de pluie et de brouillard, je vais regarder cette destination pour février... L hiver devrait etre plus sec !